«L’Autre» Gala de l’ADISQ… Vraiment ?

Malajube a remporté le Félix dans la catégorie Album - alternatif. Photo d'archives. Courtoisie Pascal Ratthé.

On le nomme «L’Autre» Gala de l’ADISQ. Celui de la différence. De l’audace. «L’épicurien. Le huis clos de la délinquance», comme le précisait l’animatrice Catherine Pogonat, lundi, au début de la soirée de remise tenue au théâtre St-Denis. Pourtant, au-delà de la qualité indiscutable des œuvres célébrées dans des catégories perçues comme étant «grand public», «pointues», ou «alternatives», c’est essentiellement la notoriété, la visibilité et le poids des ventes qui auront compté.

Par Philippe Rezzonico

Difficile de trouver des noms de groupes ou d’artistes plus connus ou populaires que ceux d’Eric Lapointe (Album – rock), Louis-José Houde (Album ou DVD – humour), Ginette Reno (Album – meilleur vendeur), Roch Voisine (Album – reprises, Artiste québécois – interprétation autres langues), Martin Petit (Spectacle – humour) et Arcade Fire (Album – anglophone) dans leurs catégories respectives.

Mais on remarque aussi que ce sont des gros noms qui se sont imposés dans les catégories jazz et classique : Alain Caron (Jazz – création), Rémi Bolduc jazz ensemble (Jazz – interprétation), Alain Lefèvre (Classique – soliste et petit ensemble), ainsi qu’André Gagnon (Album – instrumental).

Certains pourront arguer que Karina Gauvin possède une réputation internationale plus grande que Marie-Josée Lord (Classique – vocal), mais c’est cette dernière que l’on a vue partout depuis l’an dernier au Québec.

Même dans les catégories dites du champ gauche, c’est encore la notoriété qui a prévalu. Malajube (Album – alternatif) n’est certes pas un groupe grand public, mais il a déjà gagné un Félix au gala principal et, faut avouer, demeure un band plus connu que Galaxie, Ariel, Monogrenade et Panache.

Idem dans la catégorie musique électronique. Qui pouvait vraiment rivaliser avec Misteur Valaire après que ces derniers eurent eu droit à une Place des festivals bondée au Festival de Jazz? Visibilité.

Misteur Valaire a vu son disque Golden Bombay s'imposer dans la catégorie Album - Musique électronique. Photo d’archives courtoisie, Pascal Ratthé

Vidéoclip ? Soyons francs. Celui de Yann Perreau (Le Bruit des bottes), en lice, était subversif et possédait une réelle esthétique. Celui de Vincent Vallières (On va s’aimer encore), primé, était touchant mais manquait d’originalité. Pas de jugement de valeur, ici. Pas plus que pour les autres catégories, d’ailleurs. Mais là, c’est la popularité de la chanson – et non la qualité du clip – qui a eu le dessus.

En hip-hop, Sir Pathétik a vendu un peu plus d’albums que Samian si mes estimations sont justes, mais le rappeur d’origine amérindienne est devenu le visage de sa communauté et d’une faction importante de ce genre musical ces récentes années. Il est de toutes les tribunes audio et télévisuelles depuis des mois.

Laurence Hélie (Album – country), nouvelle venue face à des concurrents n’ayant pas un immense rayonnement eux non plus, et l’Orchestre Métropolitain (Classique – orchestre et grand ensemble), qui avait des joueurs aussi imposants que lui dans les coins opposés (OSM, Angèle Dubeau), n’avaient pas vraiment d’avantage marqué dans ces catégories.

Pas de surprises

Mais il faut creuser pour voir un semblant de «surprises» parmi les résultats. Élage Diouf face à Marco Calliari (Album – musique du monde)? Les Petites Tounes devant Benoît Archambault et Annie Brocoli (Album – jeunesse)? Excusez du peu.

Évidemment, comme toutes les catégories « Album de… » sont liées à un pointage de ventes de 40 pour cent, il n’est pas anormal que plusieurs de ces disques, qui comptent parmi les plus populaires, soient couronnés.

Sauf que le poids de l’Académie – tous les autres votants – est plus imposant. Et hormis le hip hop dans les sections populaires – je n’ai aucune idée des ventes dans les catégories jazz et classique -, je ne vois aucun cas patent où le vote de l’Académie a renversé la tendance à la caisse. Par moments durant la soirée, j’avais l’impression d’assister au défilé de vedettes populaires auquel on s’attend dimanche prochain, lors du gala grand frère.

Les membres votants de l’Académie (artistes, lauréats, musiciens, médias, industrie) penchent dorénavant du même côté que celui des ventes générées par le public à L’Autre Gala? Ça ne va pas aider à la diversité, ça. Et sûrement pas la différence.

Le gala : On avait l’impression d’assister au Gala de l’ADISQ – tenues de soirée en moins -, en raison du choix du théâtre St-Denis, lieu qui incite à plus de décorum qu’au Métropolis ou au Club Soda.

L’animation : Excellente prestation de Catherine Pogonat, une animatrice de métier qui s’y connaît en musique. Et pas mal, cette idée de confessionnal qui incitait les présentateurs et les lauréats à faire des révélations.

Les performances : Le duo Anodajay-Diane Tell ainsi que Galaxie ont pété le feu, mais ce gala n’a pas le budget de l’autre pour enrober les prestations de scène avec plus d’éclat.

Le meilleur présentateur invité : Yann Perreau, toujours impérial sur une scène, peu importe le contexte.

La citation passionnée : Alain Lefèvre, qui note que la musique d’André Matthieu est maintenant jouée sur quatre continents. «Ce n’est pas un acte politique. C’est un acte patriotique pour les compositeurs québécois qui doivent être joués partout sur la planète.»

La citation, humour subtil : Marie-Josée Lord, en parlant de son album. «J’ai été enceinte durant six ans, mais j’ai eu de bons gynécologues qui m’ont permis de bien accoucher.»

La citation, humour gras : Ginette Reno, en venant chercher son Félix. «J’ai le gras des fesses qui me tremble. J’ai toujours l’impression que c’est la première fois. »

Les résultats : La liste complète des résultats de L’Autre Gala à www.adisq.com.

Les prédictions : J’en avais fait dix, analyse et commentaires à l’appui, au sein des 22 catégories présentées. Score final : neuf sur dix. J’accepte vos félicitations.