Bilan spectacles 2013 (3) : l’exceptionnelle cuvée francophone

Yann Perreau, Vincent Vallières (à gauche) et Karim Ouellet (au fond) portés par la foule. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

Je ne sais trop comment mes éminents collègues dressent leurs listes de spectacles favoris de l’année, mais je procède ainsi : je couche de mémoire ceux qui me passent par la tête (j’arrive facilement à une vingtaine de spectacles), je consulte mes archives (j’en rajoute une dizaine d’autres) et puis, je tranche selon divers critères, dont un essentiel : quels sont ceux qui m’ont fait vibrer le plus?

Par Philippe Rezzonico

Le procédé n’a pas été différent cette année. Sauf qu’au moment de terminer l’exercice 2013 pour les spectacles francophones après la cuvée anglophone et les spectacles inespérés, une constatation effarante s’impose. Pas tant en raison des prestations qui s’y trouvent, mais plutôt à cause de celles qui ne s’y trouvent pas…

Aucun des deux spectacles de Louis-Jean Cormier (Métropolis et église St-Pierre Apôtre) ne s’y trouve, pas plus que ceux des Sœurs Boulay vus aux FrancoFolies ou au Coup de cœur francophone, ceux de Lisa LeBlanc (Olympia et Francos), ou celui de Richard Desjardins, Yann Perreau, Radio Radio… Sidérant.

En toute justice, je pourrais dresser un « Top 20 » ou le 17e show en lice vaudrait celui logé au 5e rang. La qualité des spectacles francophones est à ce point constant. Bref, pourquoi ceux-là plutôt que les autres? Parce qu’il faut trancher quelque part.

Sunny Duval (Lion d’Or, Coup de cœur francophone), 8 novembre: J’ai visité sept fois la Louisiane et j’y ai connu ma part de virées et de nuits blanches à La Nouvelle-Orléans, Lafayette et Bâton Rouge. Aucun spectacle jamais présenté au Québec – sauf ceux d’artistes originaires de cet état américain – ne m’ont autant rappelé l’ambiance des clubs du Big Easy que celui de Sunny Duval et de ses Sweet Chœurs (Mara Tremblay, Victoria Lord).

Sunny Duval et Mara Tremblay en feu. Photo courtoisie Coup de coeur francophone/Jean-François Leblanc.

Guitares acérées, cuivres chauds et pétaradants, violon irrésistible : ce spectacle fiévreux a pigé dans la pop, le rock, le punk, la soul, le funk, le yé-yé, le zydeco ainsi que la fanfare et nous a entraîné dans un tourbillon irrépressible. Le coup de chaleur de l’automne et mon coup de cœur de l’année.

Indochine (Centre Bell) 24 mai: Quand Indochine passe en quatrième – et même sixième – vitesse durant un spectacle, il fait la démonstration qu’un show rock francophone peut rivaliser avec n’importe quel artiste de légende anglo-saxon.

Durant plus de deux heures, Nicola Sirkis et ses boys nous ont mitraillé sans répit de tubes du 20e (L’Aventurier, 3 soirs par semaine, Des Fleurs pour Salinger, Canary Bay) et des 21 e siècles (Paradize, J’ai demandé à la lune, Alice & June, College Boy). Il n’y avait que 5500 spectateurs (incompréhensible), mais ils ont fait du bruit comme s’ils étaient 60 000 personnes au Stade de France. Tiens, Indochine rejoue dans le stade des Bleus en 2014… Tentant, ça.

25 ans, 25 artistes, 25 chansons (Place des Festivals, FrancoFolies), 17 juin: Aucun spectacle collectif ne peut être un succès sur toute la ligne, mais si l’on tient compte du concept casse-gueule (25 artistes, vraiment?), celui-là fut vraiment digne de mention.

Mara Tremblay: entre ciel et marée humaine. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

Bien mieux, il nous aura permis de vivre LE moment d’anthologie de l’année quand plus d’une demi-douzaine des meilleurs auteurs-compositeurs du 21è siècle (Pierre Lapointe, Ariane Moffatt, Yann Perreau, Vincent Vallières, Mara Tremblay, Dumas,  Karim Ouellet) ont répondu à l’appel de Daniel Boucher et ont plongé dans la foule durant La Désise. J’en ai encore des frissons…

Avec pas d’casque (Théâtre Outremont, Coup de cœur francophone), 9 novembre: Jamais, à aucun moment, ne me suis-je levé. Pas plus que les autres spectateurs, littéralement cloués à leur siège par la beauté de ce spectacle de la fin de tournée Astronomie d’Avec pas d’casque. Les mots et la poésie de Stéphane Lafleur, la musique riche et organique de ce groupe plus soudé que jamais et célébré à l’Adisq : un pur régal.

Possession Simple (Les Katacombes, FrancoFolies) 14 juin : Comment conclure 11 heures de spectacles en deux jours? En allant voir Possession Simple amorcer son set passé minuit, pardi!

Luc Lemire et Éric Goulet; la fureur de Possession Simple. Photo ULB/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

Un véritable retour vers le futur avec Éric Goulet et sa bande qui ont déchiré le petit club comme si leur vie en dépendait. Et ils ont rendu la nôtre plus enjouée. Quelle tornade!

Robert Charlebois (Salle Wilfrid-Pelletier, FrancoFolies), 15 juin: On ne sait trop combien de spectacles « hommage » et de « Carte blanche » les FrancoFolies nous ont gratifiés au cours des ans.

Lindbergh, la folie, comme dans le temps. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

Peu importe. Celui-là était peut-être le meilleur du lot, en raison de la présence du principal intéressé qui est venu célébrer sa propre légende.

Serge Lama (Salle Wilfrid-Pelletier, FrancoFolies), 16 juin: Revoir Lama, cette fois, avec un groupe de musiciens et un quatuor à cordes, en cette date d’anniversaire de ma mère disparue l’année précédente.

Serge Lama: 50 ans de carrière, 30 titres, deux heures et demie d'émotion. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

Disons que l’on a versé quelques larmes, tant pour la qualité de cette prestation que pour l’absence… Quoique, pourquoi le siège à mes côtés était-il libre?

Renée Martel (Verre bouteille) 13 novembre: L’obligation professionnelle liée à ma présence à des tas de tournées mondiales et de rentrées d’artistes du Québec m’a fait rater bien trop de soirées au Verre bouteille avec les Mountain Daisies, ce duo formé du guitariste Carl Prévost et de la violoniste Ariane Ouellet.

Renée Martel et Ariane Ouellet, des Mountain Daisies, à l'Open Country. Photo courtoisie Coup de coeur francophone/Jean-François Leblanc

Tant pis pour moi. Mais pour Renée Martel, j’y étais. Et si j’attendais ses incontournables succès aux effluves country (J’ai un amour qui ne veut pas mourir, Cowgirl dorée, Si on pouvait recommencer ), jamais je n’aurais osé espérer entendre dans ce contexte Liverpool et Je vais à Londres, titres mythiques de sa période pop-yéyé. Et quelles livraisons! Et puis, Kitty Wells, Patsy Cline, Marcel Martel et même Elvis. Le meilleur show de bar de l’année.

Martin Léon (Théâtre de Quat’sous)  10 janvier: Il est loin, ce spectacle, mais on ne l’a pas oublié. Je n’ai jamais pris l’avion, étudié les neutrons, passé une nuit dans la jungle, vibré sur des boucles rythmiques, consommé des machins hallucinogènes, ramé sur un fleuve tranquille, ni ne me suis ravitaillé dans des chaloupes-dépanneurs en deux heures durant un même spectacle.

Martin Léon: dépaysement garanti. Photo Catherine Lefebvre.

Martin Léon a fait tout ça au sein de la prestation la plus dépaysante de 2013.

M (Métropolis, Montréal en lumière), 21 et 22 février : Comme en 2000, 2005 et 2006, quand – M – débarque en ville, je vais voir tous ses shows. Vous avez ici la critique du premier spectacle et le second était encore supérieur.

Peut-être parce que j’y avais amené mon pote Mario pour célébrer ses 50 ans et que le 22 février, c’est la date de mariage de mes parents (curieux, toutes ses coïncidences de dates anniversaires en 2013…). La musique, c’est aussi parfois le plaisir de la partager. C’est ce que je vous souhaite pour 2014.

Les autres spectacles dignes de mention: Louis-Jean Cormier, Les Sœurs Boulay, Lisa LeBlanc, Les Trois Accords, Ariane Moffatt, Marie-Pierre Arthur, Yann Perreau.

Les meilleures premières parties : Fauve, David Marin, Eiffel.

La tendance à oublier : Les spectacles-lancement. Amis artistes, ne torpillez pas vos rentrées avec des shows gratuits lors de vos lancements. Anyway, il n’y a presque plus de « direct » à la télévision comme ce fut le cas naguère.