La pochette, dont le blanc blafard rappelle les immensités nordiques, annonce la couleur, si l’on peut dire. Le titre de l’album nous situe d’emblée de la même façon. Avant même d’écouter une seule note on sait que ce cinquième album de Catherine Durand nous mènera ailleurs. Et comme on aime Catherine, on entreprend le voyage avec plaisir.
Par Philippe Rezzonico
Il reste bien une trace du passé avec la présence de la guitare dans la main de l’auteur-compositrice et interprète sur cette même pochette. Et cette guitare se fait entendre à profusion durant les chansons gravées sur le compact Les murs blancs du Nord. Mais elle est moins dominante dans la proposition sonore qu’elle ne l’était pour les albums Diaporama et Cœurs migratoires, par exemple.
Les murs blancs du Nord n’est pas foncièrement tributaire de cette mouture folk qui caractérise les albums et les spectacles de Catherine depuis une décennie. Folk, en partie, certes, mais aussi résolument atmosphérique, planant au possible, même vaporeux par moments.
Outre l’apport du collaborateur de longue date Jocelyn Tellier, ce disque porte la marque de deux de ses invités de marque : le claviériste François Lafontaine, de Karkwa, ainsi que Robbie Kuster, qui fait d’ordinaire partie de l’équipage de Patrick Watson. Il en ressort un album où l’on découvre les subtilités au terme de plusieurs écoutes.
Multiples couches
« Il y a beaucoup de couches sonores, mais pas tant que ça, nuance la belle Catherine, rencontrée dans un petit café près de chez elle, sur le Plateau. François, avec ses claviers, tu as l’impression qu’il joue quatre partitions. C’est un peu la raison pour laquelle il y a eu moins de collaborateurs pour ce disque que pour le précédent.
« En travaillant sur les chansons avec Robbie et François, on a concocté des arrangements et des couches sonores pour habiller les chansons convenablement. Ce fut la même chose en studio. C’est là qu’on a réalisé que l’on n’avait pas besoin d’autre chose pour graver l’album. »
Les murs blancs du Nord a eu un processus créatif d’environ deux ans et porte la marque d’un voyage dépaysant à des lieux de notre monde.
« On parle environ d’un an et demie d’écriture. Beaucoup d’images et de propos de l’album sont liés à un voyage en Islande. Le vide, l’espace, le vent, l’abandon, la solitude sont des thèmes qui sont récurrents sur cet album. »
Mélancolie et tristesse
Quiconque croise Catherine Durand au quotidien sur le Plateau où dans l’une ou l’autre des salles de spectacles de la métropole sait à quel point l’artiste a le sourire et le rire facile. Pourtant, ses disques contiennent un nombre considérable de chansons que l’on pourrait qualifier de tristes. Et Les murs blancs du Nord ne fait pas exception. Tellement, en fait, que l’on se demande si l’auteure n’a pas eu une peine d’amour récente.
« Non », note-elle, tout en admettant qu’elle ne peut dire « que ça a été rose, rose… Mais je suis plus inspirée par la tristesse. Par les amours un peu plus difficiles. Je n’ai pas tendance à prendre ma guitare et à écrire quand ça va super bien.
« Quand ça va super bien, je fais autre chose. J’invite des amis à souper . Mais quand je me retrouve seule chez moi avec cet espèce d’état de tristesse, de mélancolie, de spleen, quand il ne fait pas beau dehors, là, je prends ma guitare et je me mets à écrire. C’est dans ces moments-là que j’ai le goût d’écrire et que je suis inspirée.
« Inévitablement, il y a une partie de cette couleur-là qui se retrouve dans les chansons. Parce que quand ça va bien, je n’ai pas tendance à le dire. Je n’ai pas besoin de le dire. »
L’exhutoire
Doit-on voir la création de chansons comme un exutoire ou un exercice thérapeutique?
« Exutoire, oui. Thérapeutique, je ne sais pas jusqu’à quel point… Mais ça me fait du bien, même si ça ne règle rien. Quand tu écris une chanson et que tu as de la peine, ça ne vas pas améliorer les choses, mais ça va te faire du bien, parce que tu auras couché ça sur papier. Et tu peux passer à autre chose. »
Si la musique de la Québécoise a évolué avec les années, sa plume s’est affinée, elle aussi. Durand admet d’ailleurs que l’auteure qui a composé les chansons de Flou n’est plus la même.
« En 1998, c’était mes premiers balbutiements. C’étaient mes premières ébauches de ce que je pouvais devenir et je ne maîtrisais rien encore. Maintenant, je suis capable de résumer mes propos dans des textes imagés. C’était imagé avant, mais ça l’était trop. Ça ne voulait pas dire grand-chose. Maintenant, il y a un sens à saisir et j’ai affiné mon vocabulaire. C’est plus recherché. »
Il y a bientôt 15 ans que Catherine Durand est dans le paysage musical québécois. Ses succès critiques à profusion n’ont pas obtenu la même résonance commerciale en dépit de liens avec des multinationales du disque. Qu’à cela ne tienne, ce nouvel album se retrouve sur l’étiquette Spectra. Nouveau départ.
« C’est important de se sentir bien où l’on est. J’en étais rendue au point où je n’avais plus de gérance et plus de compagnie de disques. Là, j’ouvre un nouveau chapitre de ma vie, tant pour le disque, les spectacles et la gérance. Spectra a de belles valeurs musicales et compte de nombreux auteurs-compositeurs dans ses rangs. »
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Catherine Durand, Les murs blancs du Nord (Katmusik/Spectra). Présentement disponible en magasin et en ligne.