Charlie Winston: Le bon, la belle et les beaux bums

Charlie Winston (avec le bassiste Daniel Marsala en arrière-plan), vendredi, au Théâtre Corona. Photo Catherine Lefebvre.

Il tombait bien, ce show de Charlie Winston, vendredi soir, au théâtre Corona, après une journée ponctuée de chutes de neiges, de pluie et de verglas. D’autant plus qu’avec la panne d’électricité survenue en début de soirée, tout valait mieux que de rester à la maison tout seul dans le noir.

Par Philippe Rezzonico

De l’électricité, il y a en avait au Corona. Dans l’air, notamment, quand Charlie et ses collègues se sont pointés vers 22h10. Pas mal de fébrilité de la part des jeunes filles et femmes qui attentaient le musicien à l’allure fripée soigneusement étudiée : cheveux en bataille, cravate portée de façon négligée, redingote à la coupe très particulière… Le hipster parfait pour l’entrée en matière rugueuse et un peu brouillonne de Wild Ones.

Remarquez, Winston cadre bien avec ses musiciens : Ben Edwards, le multi-instrumentiste, percussionniste et danseur émérite à la tête rasée; le bassiste Daniel Marsala, qui porte un afro pas loin de ceux des années 1970; et le batteur Medi, qui lui, a l’air tout droit sorti des années 1970 avec cheveux longs, barbe et le coat jeans sans manches. Une belle gang de beaux bums, dirait une de mes amies.

Winston n’a pas mis de temps à mettre l’assemblée dans le coup. Sourire engageant, commentaires et salutations en français, l’Anglais sait plaire autrement que par sa musique. Sinon, ce ne sont pas les chansons qui lui manquent pour faire participer le public, comme Hello Alone.

L’ami Charlie, il a visiblement tous les talents. Auteur, compositeur, interprète, guitariste, pianiste, bassiste….et même illusionniste. A l’amorce de The Great Conversation, il s’est offert un petit tour de passe-passe avec des minuscules lumières rouges qui apparaissaient et disparaissaient dans ses mains. Le prestidigitateur d’un moment s’est ensuite appliqué à offrir les nuances de sa chanson construite sur une œuvre de Beethoven et nappée de la flûte traversière d’Edwards.

Très expressif, l'ami Charlie. Photo Catherine Lefebvre.

L’art oral
Tous les talents, en effet. Winston est aussi une émule de Bobby McFerrin. Il peut vous interpréter une chanson charpentée sur des bruits de bouche dignes des meilleurs crus de l’Américain. C’est ce qu’il a fait en ouverture de Kick the Bucket avant de la conclure avec ses boys dans un long jam fougueux et déjanté au possible.

On a bien apprécié aussi les nuances. Pas unidimensionnel, le Winston. Une chanson comme Where Can I Buy Happiness ? possède une aura bien particulière. Quant à Unlike Me, sa courte ligne de guitare répétitive qui revient en boucle est un calque de La Mamma, d’Aznavour. Changement de ton qu’on aurait apprécié un peu plus sans cette foule bavarde, mais bavarde! C’est ce qui arrive quand ta salle de spectacle est logée dans un quartier farci d’anglophones qui sortent presque tous du pub adjacent avant le show.

Et c’est là que cette prestation, très bien jusque-là, mais sans être mémorable, s’est métamorphosée en réelle performance. Winston a amorcé Speak To Me avec ses bruits de bouche sans instrumentation. Tout son groupe, sauf son batteur, ont fait de même.

Nous sommes subitement passés dans un univers qui oscillait entre musique afro-américaine de racines et influences hip hop. Irrésistible, surtout que Winston est descendu au parterre pour la suivante, la très connue In Your Hands, de son album-phare, Hobo.

L’ouragan Melissa
La fête, les amis… Avec Charlie qui harangue les fans au balcon, ceux au parterre qui chantent en l’entourant, c’était le gros party. Et pour être sûr que ça se poursuivre, dès qu’il est remonté sur scène, Winston a invité la percussionniste Mélissa Lavergne à se joindre à son groupe. Ça prenait bien une belle avec cette gang de bums.

Dire qu’il y a eu incendie serait un euphémisme. L’ouragan Mélissa, Winston, Edwards et Medi ont offert une pétarade rythmique de tambours, de peaux et de grosse caisse. Puis, pas de répit. On enchaîne aussi sec avec Until You’re Satisfied où Lavergne va s’offrir une séance de batterie à quatre baguettes avec Medi.

Guitariste, bassiste et pianiste, Winston a plus d'une corde à son arc. Photo Catherine Lefebvre.

Et ça continue ! Exit Mélissa, mais bonjour Scott Stanton du groupe Current Swell qui avait offert une solide première partie.  Cette fois, avec l’appui d’une slide, c’était parti pour Rockin’ in The Suburbs.

Quand cette vivifiante séquence s’est terminée, tout le monde avait l’impression de saluer la fin d’un spectacle d’un band légendaire et tout le monde avait oublié le temps de m… de la journée.

Et en français…
Au rappel, Charlie est revenu faire tout seul Au suivant, de Brel. Un peu boiteux – il s’est trompé dans les paroles -, mais franchement sympathique. Il fallait bien sûr qu’il chante la pomme aux spectatrices avec I Love Your Smile, puis, qu’il offre la prévisible finale avec Like A Hobo, amorcée sur un sifflotement qui évoque Le bon, la brute et le truand.

Là, c’était pas loin de la kermesse, avec les musiciens de Charlie, ceux de Current Swell, la belle Melissa et un nombre considérable d’instruments percussifs. Une offrande d’une dizaine de minutes avec participation de la foule en liesse.

Après une telle explosion, on se disait que c’était bouclé. Mais non… Petit conciliabule et Charlie et ses boys nous offrent Lola, des Kinks. Et puis I’m A Man, où Winston a cette fois mis en lumière ses talents (?) de danseur. On n’en demandait pas plus, mais Charlie a indiqué à la foule qu’il allait se pointer au kiosque à souvenirs après être passé dans la loge. Ça, ce n’est pas loin d’être de l’abnégation envers ses admirateurs.

La salle comble attendue samedi soir aura-t-elle droit au même traitement ? Considérant que Winston commence tard, Mélissa Lavergne devrait avoir le temps de conclure le direct de Bell et Bum avant de revenir au Corona.

Et, qui sait, j’y serai peut-être, moi aussi… Car au moment où j’écris ces lignes, je n’ai toujours pas d’électricité chez moins, plus de 15 heures après la panne.