
Renée Martel et Ariane Ouellet, des Mountain Daisies, à l’Open Country. Photo courtoisie Coup de coeur francophone/Jean-François Leblanc
À quand remonte la dernière prestation de Renée Martel dans un bar? Je l’ignore, mais je risquerais il y a plus d’une cinquantaine d’années, quand elle accompagnait son père Marcel dans des tournées qui n’avaient rien à voir avec celles de l’industrie de la musique 2.0.
Par Philippe Rezzonico
C’était donc un rare privilège de voir la grande dame de la chanson pop et country se produire au Verre bouteille, sur l’avenue du Mont-Royal, mercredi, en compagnie des Mountain Daisies, ce duo formé du guitariste Carl Prévost et de la violoniste Ariane Ouellet. Tout ça, bien sûr, lors du Coup de cœur francophone.
Les Mountain Daisies, pour ceux qui l’ignorent, invitent depuis quelques années des vedettes de la chanson d’ici à se produire avec eux dans ce contexte intimiste et convivial au possible, afin d’interpréter des chansons réarrangées de leur répertoire et des chansons marquantes. Michel Rivard et Louis-Jean Cormier, récemment, ainsi que Jipé Dalpé et Daniel Lavoie, mardi soir, ont accepté l’invitation.
Mercredi, pour cette deuxième soirée encadrée par le Coup de cœur, nous avions droit à Renée Martel et Maxime Landry, deux artistes aux extrémités du spectre de leurs carrières, tous deux membres de la même écurie de disques.
Les francs-tireurs
Avec Prévost et Ouellet flanqués de Rick Haworth (guitare slide), Mario Legaré (basse), Antoine Gratton (piano) et Vincent Carré (batterie) on salivait d’avance dans le petit bar qui n’affichait pas complet. Où étaient les hordes de fans de Maxime Landry? Mystère.
Tant pis pour eux et tant mieux pour nous. Nous étions entre connaisseurs et on attendait avec impatience les J’ai un amour qui ne veut pas mourir, Cowgirl dorée et autres Si on pouvait recommencer, taillées sur mesure avec un groupe de ce calibre, me disais-je.
Or, c’est la beauté du concept de l’Open country, on se sait jamais ce qui nous attend, ou ce qui ne nous attend pas. J’ai un amour qui ne veux pas mourir, oui, on l’a eue, d’entrée de jeu, comme pour démonter tout le potentiel des Mountain Daisies avec le répertoire de Renée Martel. Concluant.
Et quel effet ce fut, quand l’interprète a demandé aux quelques dizaines de spectateurs d’entonner le refrain. On se serait cru 300 dans le bar! Il fallait surtout voir son regard – facile, quand tu es assis à 15 pieds d’elle -, mélange de surprise et de reconnaissance. Et le sourire qu’elle a gratifié à Prévost, comme pour dire : « O.K., tu avais raison. »
Autre évidence, la grande dame a rapidement retrouvé ses marques d’antan : blagues, réparties vives, entrain. Elle était presque émue aux larmes quand elle a chanté Faire confiance à la vie, elle qui, pourtant, n’a pas eu la vie facile ces dernières années. Touchant.
Les surprises
Elle a aussi précisé que Prévost, en l’invitant, lui avait dit qu’il voulait faire telle ou telle chanson, certaines pas interprétées depuis des lustres. En dépit de tous ces hameçons qui pendaient au bout de mon nez, j’ai failli tomber en bas de ma chaise en reconnaissant les premières mesures de Liverpool.
S’il y en a une que je n’attendais pas dans ce contexte « country », c’était bien cette chanson ultra-pop de 1967 qui a révélé Renée Martel au grand public. Dieu que la livraison était magique, avec Ouellet et Gratton qui chantaient les « Liverpooooool ! » d’usage. Le tonnerre d’applaudissement était tonitruant.
Nous n’étions pas encore remis que c’est Je vais à Londres qui démarre. Je pense que là, j’étais encore plus content que mon pote Cormier. Ben voyons! Peut-être bien les deux chansons les plus incontestablement pop de Renée Martel, ces succès de Jeunesse d’aujourd’hui, époque 1967 et 1968, livrées en succession dans un bar en 2013? Méchant coup de cœur!
Et c’était réciproque. Parfois, quand un vieux tube est offert, les spectateurs ont l’impression de remonter le temps, de revivre leur jeunesse, etc. Cette fois, c’est l’artiste qui était téléportée dans le temps. Fallait voir Renée danser comme si elle avait 20 ans. Je ne sais trop si c’est parce qu’elle réalisait que ces chansons-là étaient livrées comme jamais elles ne l’avaient été, rayon richesse d’arrangements, mais l’effet était palpable.

En voix, Renée Martel rayonnait de bonheur. Photo courtoisie Coup de coeur francophone/Jean-François Leblanc
Puis, elle a enchaîné, Heartbreak U.S.A., de Kitty Wells, sa première influence, et I Fall To Pieces (quelle interprétation!), de Patsy Cline.
« Vous m’applaudissez sur des chansons que j’aime », a-t-elle lancé.
Renée Martel a ensuite demandé à Maxime Landry de la rejoindre dans sa portion de spectacle, histoire d’y aller de duos et trios francophones. Que la lune soit belle ce soir – à trois voix avec Ariane Ouellet -, Mon enfant je te pardonne, les incontournables Mille après mille et Perce les nuages et L’hiver a chassé l’hirondelle, « le chef-d’œuvre » de son père Marcel Martel, se sont succédés.
Qu’est-ce qui manquait à notre bonheur après les classiques de Renée, de Marcel, de Kitty, de Patsy, de Willie Lamothe et de Paul Daraîche? Dieu le père, pardi. Et on l’a eu, par l’entremise de I’m So Lonesome I Could Cry, du légendaire pape country Hank Williams, titre mythique du country que des tas de gens de ma génération ont découvert par l’entremise d’Elvis.
Du passé au présent et du country à la pop, Renée Martel aura su faire le tour du jardin… et du bar. Barman, shooters!