En voiture avec The Black Keys

Pat Carney et Dan Auerbach. Attention, duo explosif. Photo courtoisie.

Ce show-là était encerclé au calendrier depuis une mèche. The Black Keys au Centre Bell, cette fois dans le cadre de la tournée de El Camino, avec Arctic Monkeys en première partie. Pour ceux qui seraient moins familiers avec ces groupes américains et anglais, ça annonçait une sacrée claque de rock brut, décapant, bluesé, festif et abrasif. Personne n’a demandé de remboursement.

Par Philippe Rezzonico

Depuis leurs débuts respectifs, The Black Keys et les Arctic Monkeys – solides, mais moins fiévreux que naguère – sont passés une dizaine de fois (total combiné) dans la métropole québécoise. Des assidus. Ça permet de mesurer leur évolution. Celle de la dernière décennie de Dan Auerbach (guitare) et Pat Carney (batterie) leur a permis de se pointer deux fois en autant années dans l’amphithéâtre du Canadien.

Au-delà de la qualité des chansons de leurs deux plus récents albums (Brothers, El Camino) qui ont fait d’eux un groupe planétaire recherché par tous les festivals du monde comme Arcade Fire, le duo n’a jamais perdu le feu qui le caractérisait dès le départ.

Ceux qui – comme moi – ont vu The Black Keys sur scène pour la première fois en ouverture de Radiohead à la PdA en 2006, savent que les gars en donnent toujours autant sur les planches. Désormais, ils ont juste plus de moyens et un catalogue bétonné.

Déclinaisons de rock

De la chanson d’ouverture (Howlin’ For You) qui évoque l’esprit du Howlin’ Wolf et les influences de Chess Records, jusqu’à I Got Mine tirée de Attack & Release, à l’ultime rappel, The Black Keys a décliné presque toutes les sortes de rock qui ont fait l’histoire du champ gauche : blues rock, rock de garage, indie rock et rock alternatif. Par moments, la dissonance, la réverbération et la facture crasseuse étaient explosives à souhait.

Accompagnés d’un bassiste et d’un claviériste, Auerbach et Carney ont eu la bonne idée d’offrir quelques chansons uniquement à deux, comme à leurs débuts et comme le faisaient leurs contemporains disparus des White Stripes. L’enchaînement de Girls on My Mind avec son gros riff sale, I’ll Be Your Man et sa sonorité trash, ainsi que Your Touch qui a incendié l’espace, étaient jubilatoire. Le tout magnifié par un jeu de lumière digne de mention.

Vielle école, The Black Keys ? Si contemporains soient-ils, la réponse est oui. D’ailleurs quand tu vois plus de briquets que de cellulaires dans la foule de 12, 569 spectateurs lors de l’interprétation de Little Black Submarines avec ses variations de blues langoureux et de jams exubérants, le doute n’est pas permis.

La pédale au fond

Mais si Tighten Up a été rassembleuse comme on s’y attendait et que Everlasting Light fut livrée avec les milliers de reflets produits par deux grosses boules disco – un anachronisme dans ce show – , ce sont les nouvelles compositions de El Camino qui ont dicté leur loi.

Ces chansons-là sont des «  tounes de char », comme on dit. Tempos accélérés, rythmiques soutenues, guitares mordantes et mélodies accrocheuses. Ce n’est pas pour rien qu’il y a une vielle minoune sur la pochette du disque. Et Carney et Auerbach ont joué le concept à fond.

Que voyait-on sur les écrans durant la tornade Gold On the Ceiling ? Des autoroutes et des autobus. Durant Dead and Gone ? De vieux chars scrapés. Nova Baby ? De grands espaces le long des routes qui faisaient écho à la mélodie grandiose. Toute l’imagerie – ou presque – liée aux plus récents titres était axée sur ce thème.

Et durant Lonely Boy qui a dé-chi-ré le Centre Bell ? Là, franchement, j’ai pas remarqué. Comme un peu tout le monde à ce moment, j’ai été emporté par cette déferlante, ce riff irrésistible d’Auerbach et cette rythmique plombée de Carney.

Prochain service cet été, quand l’autobus des Black Keys nous ramènera cette fois le duo en tête d’affiche du festival Osheaga.