Étienne Daho: frénésie à l’Olympia

Étienne Daho a fait vibrer l’Olympia. Photo FB Étienne Dado/Marie Paluskiewicz.

PARIS – « Le premier soir est électrique. Nous aurons quelques soucis de son qui seront réglés dès le deuxième soir. Le public s’est beaucoup rajeuni depuis la dernière tournée et beaucoup me voient pour la première fois. Les soirées vont crescendo. Le public me fait un accueil démentiel. Tous les soirs ce plaisir fou avec peut être un petit pic le 5. »

Par Philippe Rezzonico

Cet extrait, il est de la main d’Étienne Daho, qui a commenté sur son profil Facebook les quatre soirées de spectacles présentées à l’Olympia du 3 au 6 novembre. « Un petit pic le 5? ». Ça tombe bien, c’est le soir où j’y étais. Retour sur un spectacle frénétique.

Appelez ça un coup de pot. Tu achètes depuis Montréal un billet pour le quatrième spectacle des vieilles canailles (Dutronc/Hallyday/Mitchell), tu réserves ton billet d’avion, et là, en scrutant le web pour voir qui d’autre se produit à Paris au même moment, tu réalises qu’Étienne Daho – pas venu à Montréal depuis plus de deux décennies hormis le spectacle commun avec Jeanne Moreau – s’offre quatre soirs à l’Olympia.

Le vrai coup de pot s’est peut-être bien de se procurer le dernier billet disponible au parterre en vue de la représentation du mercredi soir. Bien sûr, comme tu arrives en France ce matin-là, ça veut dire que tu vas te pointer à l’Olympia avec une ou deux heures de sommeil dans le corps lors des 36 ou 37 dernières… Mais ce n’est rien de nouveau. J’ai fait ça pour Aznavour, Springsteen, Indochine et Arcade Fire. S’il fallait qu’un décalage horaire perturbe mes virées de spectacles… N’empêche, je suis verni.

Après dix heures de ballades dans la ville-lumière et de – nombreux – cafés très noirs, c’est l’arrivée à la salle du Boulevard des Capucines une trentaine de minutes avant la première partie du trio de Au revoir Simone. Les Français ayant l’habitude de souper… Pardon, de dîner tard, il n’y a pas 50 personnes au parterre dénué de sièges quand j’entre dans la salle.  Impec. Je peux m’assoir en indien à 20 pieds du micro central. Excellent pour le dos, après une journée de marche.

Disco mobile

Après 30 minutes bien tassées du trio féminin new-yorkais et 20 minutes d’entracte, les lumières s’éteignent et le Satori thème se fait entendre, signal de départ d’une séance d’aérobie d’une centaine de minutes. Aérobie, car le plancher de l’Olympia n’a cessé de trembler durant tout ce temps, tant les rythmiques des chansons de la tournée Diskönoir n’ont cessé de faire sautiller l’assistance.

Noir, c’est le mot clé. Daho est tout de sombre vêtu, sauf pour le collet qui laisse passer un éclat de blanc. L’éclairagiste privilégie les contre-jours, ce qui ne fait qu’amplifier l’impression que l’artiste et ses musiciens gravitent dans un environnement à l’esthétisme léché qui rappelle le Bowie des années 1970 ou la période Cars, de Gary Numan.

Cette tournée de Daho repose en partie sur les titres du disque Les chansons de l’innocence retrouvée, paru en 2013. Innocence et fougue de jeunesse, a-t-on le goût d’ajouter.

Daho, longiligne et en voix, n’a rien perdu de sa superbe des débuts, il y a de ça trois décennies. La juxtaposition des anciens succès et nouveaux titres semble couler de source. La foule réagit de la même façon, avec un réel plaisir, en entendant les premières notes de Des attractions désastre, tube des années 1980, et Le baiser du destin, formidable nouveauté.

Chansons métamorphosées

Durant de longs moments, je me suis dit que ce spectacle me rappelait beaucoup le passage des Eurythmics en 1986 au parc Jarry, où Annie Lennox et Dave Stewart – dont les premières chansons baignaient dans les claviers et la new wave – avaient métamorphosés leurs anciens titres pour qu’ils fassent jeu égal avec les chansons rock de l’album Revenge.

Même sentiment, ici. Daho n’a pas renié les mélodies et l’apport dansant de ses titres d’antan, mais Le grand sommeil était bien plus rock que sur sa version d’origine, Comme un boomerang avait une puissance décuplée et Tombé pour la France, qui était de la pop électronique à l’origine, se  transforme ici en brûlot rock n’ roll qui rappelle le bruit assourdissant dans les tranchées des grandes guerres.

Si le tempo frénétique était à son sommet durant L’invitation, jouée à 200 miles à l’heure, et Sortir ce soir, Daho a su calmer le jeu pour nous faire vibrer. Le premier jour (du reste de ta vie) demeure l’une des plus formidables chansons qui soit et Daho nous a fait craquer en interprétant une sublime Soleil de minuit, offerte au réalisateur Olivier Assayas pour son film Désordre (1986). J’ai eu une pensée pour le confrère Marc-André Lussier, à ce moment.

Épaule Tatoo, Il ne dira pas et Des heures hindoues étaient également au programme de cette prestation qui avait furieusement l’air d’être un  « best of » quand on dérogeait des titres de Les chansons de l’innocence. La pièce-titre a d’ailleurs eu droit au concours des filles d’Au revoir Simone au rappel.

Quand Daho est revenu au deuxième rappel vêtu du veston d’or d’Elvis qu’il a dû piquer au panthéon de la renommée du rock n’ roll pour interpréter Week-end à Rome, a cappella, j’ai vu quelques admiratrices de la « Dahomania » sur le point de s’évanouir dans l’Olympia surchauffé.