FIJM, jour 8: une soirée aux antipodes avec Milman et Kusturica

Emir Kusturica et The No Smoking Orchestra ont pris le contrôle du Métropolis jeudi soir. Photo courtoisie FIJM/Frédérique Ménard-Aubin

Emir Kusturica et The No Smoking Orchestra ont pris le contrôle du Métropolis jeudi soir. Photo courtoisie FIJM/Frédérique Ménard-Aubin

Soirée en deux temps. Je l’ai amorcé avec Sophie Milman au Club Soda pour la terminer en festoyant avec Emir Kusturica et le No Smoking Orchestra au Métropolis. Un coin de rue de distance mais impossible d’être plus aux antipodes.

Par Richard Bousquet

Commençons par la fin. Après une entrée en scène sur l’air de l’hymne national soviétique, l’orchestre serbe n’a pas perdu de temps à prendre le contrôle de la salle. Le cinéaste-guitariste et le chanteur-violoniste et grand maître de cérémonie, Nelle Jankovic, ont fait faire ce qu’ils ont voulu aux spectateurs qui avaient rempli la place: chanter, crier, danser, sauter, taper des mains et même garder le silence.

Accompagner d’un accordéoniste-chanteur, d’un guitariste, d’un bassiste, d’un saxophoniste et de deux batteurs, ils ont alimenté le party avec leurs chansons rock et tzigane dont Unza Unza Time en levée de rideau, Upside Down et Pitbull Terrier où les musiciens se répondaient à tour de rôle. Leurs chorégraphies débridées étaient contagieuses.

Kusturica s’est installé à la batterie pour un Fuck You MTV bien senti à travers la salle, pour ensuite revenir à l’avant diriger une session de danse avec 15 spectatrices qu’il a fait monter sur la scène. Un moment de pur délire sur une scène remplie à pleine capacité. Une des danseuses en a profité pour épingler un carré rouge sur le chandail d’Emir. Après Billy Bragg et Gianmaria Testa les deux soirs précédents, on peut dire que la lutte étudiante est omniprésente au festival international de jazz de Montréal sans qu’il n’y ait le moindre signe de violence.

Puis Emir Kusturica s’est mis en quête de sa Juliette pour Was Romeo Realy a Jerk. La première s’est laissé désirer mais la deuxième ne demandait pas mieux que de monter sur scène pour se faire jouer une sérénade entourée des musiciens à genoux autour d’elle et finalement danser en compagnie de Jankovic vêtu d’une toge noire et rouge.

Place aux fanfaronneries. Les lumières se sont éteintes pour permettre à l’autre guitariste de faire tournoyer son instrument illuminé et se sont rallumées pour l’exercice de dextérité du violoniste jouant avec son instrument derrière la tête, puis avec son archet entre les pieds ou dans la bouche et finalement Jankovic et Kusturica ont joué à bout de bras avec un archet de dix pieds maintenu en l’air par deux spectatrices.

Ce que le spectacle a perdu en théâtralité par rapport à la prestation de 2010 sur la grande scène de la place des Festivals, il l’a gagné en chaleur humaine dans le cadre de ce party aux allures de kermesse. Les spectateurs sont ressortis le sourire aux lèvres sur l’air de l’hymne national soviétique, évidemment.

Sophie Milman était de retour au Club Soda pour présenter les pièces de son dernier album In The Moonlight. Photo courtoisie FIJM/Frédérique Ménard-Aubin

Sophie Milman

La chanteuse torontoise d’origine russe était heureuse de remettre les pieds sur la scène du Club Soda, celle de sa première prestation au FIJM il y a quelques années. Il faut dire qu’elle a foulé presque toutes les scènes du Quartier des spectacles depuis, et ce malgré qu’elle n’ait pas encore atteint la trentaine.

Accompagné de son quartette – piano, guitare, contrebasse et batterie – elle a livré avec sa voix riche et sensuelle les principales pièces de son nouvel album In the Moonlight dont la pièce titre, ainsi que Let Me Love You et So Sorry, un texte de Feist, une chanteuse qu’elle aime beaucoup. Elle a aussi interprété Roses, une chanson très spéciale pour elle. C’est en l’écoutant qu’elle a vu son père pleuré pour la première fois.

Sophie Milman a su se montrer généreuse envers son public auquel elle s’est adressée en français malgré sa maîtrise imparfaite de la langue – «si je fais des fautes vous pouvez me corriger», a-t-elle dit candidement –, mais aussi envers ses musiciens qui, comme dans tout bon spectacle de jazz conventionnel, se sont mis en valeur à tour de rôle par des solos fort appréciés du public. Un bon spectacle, mais bien tranquille par rapport à ce que j’allais voir par la suite.

photo Victor Diaz

Emir Kusturica a reçu jeudi après-midi le prix Antonio-Carlos-Jobim, qui récompense un artiste s’étant particulièrement démarqué dans le domaine de la musique du monde. Photo courtoisie FIJM/Victor Diaz