
Le spectacle piano-guitare-voix de Coeur de pirate. Ravissant. Photo ULB/Courtoisie FrancoFolies de Montréal
Aux Francos, il y a les parcours thématiques, les soirées de filles et les vagabondages en tous genres. Si la soirée de jeudi avait un penchant féminin, c’était nettement la diversité des genres qui prévalait. Une virée digne d’une partie de ping-pong musical.
Par Philippe Rezzonico
Gens d’un certain âge, avez-vous parfois l’impression de revivre votre jeunesse? Ce fut le cas, vers 19 heures, quand La Femme, collectif français, a amorcé la première partie de Peter Peter. Franchement, je me pensais dans le Club Soda d’origine (celui de l’Avenue du Parc) à entendre Parachute Club ou Honeymoon Suite.
Vous en vouliez des claviers? On avait l’impression qu’il n’y avait que ça, avec quatre instruments du genre disposés en première ligne. Bon. J’admets que je ne voyais que la charmante chanteuse Clémence Quélennec qui semblait sortie tout droit d’un film de la Nouvelle vague avec son imper et ses cheveux aux pointes relevées.
Pendant un moment, le barrage de notes unidimensionnelles m’a agacé. Et puis, quand tu entends des «Woo! Woo! » qui font penser à ceux de Let’s All Chant, du Michael Zager Band, il y a une crainte bien légitime… Avec les collègues Sylvain Cormier et Alain Brunet, on évoquait toutes les influences qui crevaient nos oreilles en se demandant à quel moment on allait avoir droit à une reprise de Plastic Bertrand.
Puis, peu à peu, les mélodies ont commencé à se profiler, soutenues par des rythmiques de danse de plus en plus irrésistibles. La Femme s’abreuve finalement autant aux sonorités des années 1980 qu’aux mélodies des tubes yé-yé des années 1960 ou des thèmes de séries télévisées. Pour autant qu’on accepte le barrage de claviers, le groupe vaut le détour, quoique dans de meilleurs conditions, genre, un spectacle de club à 22 heures.
Peter Peter
Quelques minutes plus tard, Peter Peter a enchaîné dans un registre similaire, avec une introduction planante qui précédait Une version améliorée de la tristesse qu’il livrait dans un registre vocal presque identique à un Julien Mineau, de Malajube.
Tout prend son sens dans le miroir, offerte comme nous y avons eu droit, avait l’air d’un tube des Payolas d’il y a 30 ans. La livraison épurée de Tergiverse nous a ramené un tant soit peu dans des sonorités contemporaines, mais Beauté baroque nous a replongé dans le passé.
Je sais, les références aux sonorités d’antan feront peut-être sourire ou tiquer les gens pour qui la Femme et Peter Peter sont des artistes de leur génération, mais il faut avouer qu’une partie de l’offre musicale d’aujourd’hui est – pas mal beaucoup – recyclée.
Cela dit, Peter Peter impose de plus en plus sa propre personnalité sur scène et on ne peut qu’aimer un artiste qui boit du vin à la bouteille et qui comprend un saxophoniste dans son groupe.
Son nom est Béatrice
J’ai pris seulement 30 minutes de Peter Peter, car je voulais voir absolument le deuxième spectacle solo de Cœur de pirate, au Gesù, qui ne s’intégrait nulle part dans mon parcours de la veille.
Parlez-moi d’un changement d’ambiance! Une voix, un piano et, pour deux chansons, une guitare. Des spectateurs qui retenaient parfois leur respiration dans cet environnement solennel qui incitait au recueillement.
Je fus de ceux qui ont reproché à Béatrice Martin son manque d’élocution à ses débuts (notamment aux Francos de 2008, en première partie de Biolay), mais aussi de ceux qui n’ont cessé de louer ses progrès depuis lors.
Dans ce contexte sans filet, l’offrande des deux tiers des chansons de ses albums était d’une réelle splendeur : la touche délicate sur les ivoires, la voix de petite fille mieux ajustée, la portée mélodique décuplée des chansons, l’élocution adéquate… Ravissant.

Voix ajustée, touche délicate sur les ivoires, livraisons impeccables. Photo ULB/Courtoisie FrancoFolies de Montréal
Béatrice, comme elle s’est présentée, a désamorcé toutes les bombes en expliquant qu’elle ne jouait de la guitare que depuis un mois avant d’interpréter Verseau. Hôtel amour a eu droit au même traitement. Une chanson mise sur la version de luxe de Blonde, « qui n’était pas assez bonne pour l’album », a-t-elle plaisanté.
Les amorces qui précédaient certaines chansons (comme Cap Diamant) conféraient un décorum de récital de musique classique. Ce qui n’a pas empêché la foule de battre la mesure pour Ensemble. En dépit de l’absence de musiciens, la seule véritable relecture fut celle de Adieu.
Ne pouvant suppléer toute seule l’énergie d’un groupe, Béatrice a interprété la chanson dans un tempo ralenti. Si le titre perdait en puissance pop, le propos de quittance le regagnait en fragilité.
Ce sont néanmoins les Place de la République, Golden Baby et Comme des enfants qui ont fait mouche auprès du public qui a pu voir et entendre Béatrice Martin reprendre avec panache le classique anglo-saxon You Belong To Me.
Le festin Lisa
Changement d’ambiance du tout au tout en arrivant dans le Métropolis où Lisa LeBlanc avait livré la moitié de son spectacle. Pas grave, c’était le même que celui présenté à L’Olympia quelques mois plus tôt…avec encore plus d’invités. Avec Lisa, il n’y a jamais trop de monde pour faire la fête.
En fait, quand elle a entonné une version à faire trembler les montagnes de Aujourd’hui, ma vie c’est d’la marde, j’ai bien compté une quinzaine de personnes sur scènes. Le trio des Hey Babies – -comme d’habitude cette année pourrions-nous dire -, des membres de Mama Rosin, le groupe suisse qui faisait sa première partie, Adèle Trottier-Simard, et même Gourmet Délice, notre bassiste favori du temps des Secrétaires Volantes.

Lisa Leblanc et quelques-uns de ses nombreux invités à son rodéo au Métropolis. Photo Frédérique Ménard-Aubin/Courtoisie FrancoFolies de Montréal.
Il y a eu aussi le professeur de guitare de Lisa qui est venu partager Kraft Diner avec elle. Lisa était tellement contente de montrer à ce public montréalais, qui l’a vu jouer dans presque toutes les salles et les espaces extérieur de la métropole depuis deux ans, l’un de ceux qui a fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui.
Contente? Elle s’est même permis du bodysurfing en fin de programme, comme si elle était jalouse de ne pas en avoir fait trois jours plus tôt sur la place des Festivals lors du spectacle 25 ans, 25 artistes, 25 chansons. Lisa surfant sur la foule dans un Métropolis en feu. Il fallait voir ça! Idéal pour compléter une soirée de ping-pong musical.