
Rock, blues, bière et jurons: Plume a pleinement profité de sa présence sur la Place des festivals. Photo courtoisie FrancoFolies/Jean-François Leblanc
Après avoir croisé le chemin de Catherine Major, Ariane Moffatt, GiedRé, Cœur de pirate, Lisa LeBlanc, Claire Denamur, Marie-Pierre Arthur et Aurélie Cabrel depuis le début des FrancoFolies, il fallait s’attendre à un retour de balancier. Ce fut le cas jeudi. Que des messieurs au programme.
Par Philippe Rezzonico
Première escale : L’Astral où Marc Déry proposait son spectacle «Libre». Liberté de mouvement, sans aucun doute, puisque l’ami Marc était bien seul sur scène. Sauf que la perception d’une performance solo dans le genre de celles qu’offraient Georges Brassens ou Félix Leclerc a bien changé au cours des ans.
De nos jours, l’artiste est aussi seul que dans le temps, mais quand il bénéficie d’un jeu de lumière ingénieux et efficace comme celui mis sur pied par Étienne Boucher, il nous fait voyager avec lui.
Même chose pour le son. On peut désormais modifier la tonalité de la voix qui sort du micro et enregistrer au préalable des pistes de guitare en un tournemain avec un bidule qui s’actionne avec les pieds.
Et quand la mise en scène de René-Richard Cyr permet à Déry d’être un compteur presque aussi efficace que Fred Pellerin, c’est du bonbon. Les origines de son premier groupe The Next et le périple à Londres valaient le détour.
Dans une forme du tonnerre, Déry a pris un malin plaisir à réarranger ses anciens titres, mais aussi ses nouveaux, puisque les compositions de Numéro 4 étaient fichtrement dépouillées en regard de leur forme de studio. Nous avions l’impression d’être avec lui, près de la console, quand D’hôtel en hôtel ou Welcome étaient offertes, mais on remontait carrément dans le temps pour ses premiers titres individuels et les classiques de Zébulon.
Déry avait beau manier une guitare, la ligne de Job Steady semblait calquée sur la basse de Strawberry Fields Forever, ce qui n’a rien d’étonnant quand on connaît l’amour qu’il voue aux Beatles. Il a d’ailleurs livré une version formidable de I Am the Walrus, durant laquelle il tentait de se substituer à plusieurs instruments. Il avait fait un peu le même coup quelques minutes plus tôt avec une livraison presque malgache de Les femmes préfèrent les Ginos.
De cette façon, Le monde est rendu peace et Hiver 87 (Déry solo), ainsi que R’viens pas trop tard (Zébulon) semblaient tirées de la même eau, tant l’enrobage amenuisait l’écart entre les styles et les époques. Comme je n’ai pu voir la deuxième partie parce que la soirée était trop chargée, j’ai un rendez-vous à fixer quelque part dans les prochains mois pour revivre ça au complet.
Toujours funambule
Au théâtre Maisonneuve, Michel Fugain avait l’air de ce gamin excité du temps qu’il dirigeait son Big Bazar. Et c’est un compliment. Chaque fois que je le vois, au-delà du fait que je connais les codes du métier, je réalise que le monsieur dégage encore une réelle capacité d’émerveillement, comme si il était lui-même étonné de faire ce boulot après toutes ces années.
Et il le fait bien. La barbe et les cheveux longs ont disparu depuis longtemps pour la peau imberbe et la couronne blanche, mais l’énergie et la fougue sont au rendez-vous, autant que la voix qui tient la route.
Veston, chemise sobre et jeans : aucun fla-fla en regard du passé et encore cette habitude de grouper les chansons par thématiques. Certains artistes font des pots-pourris. Fugain chante presque toujours ses chansons au complet, mais il lie parfois des titres de même essence.
Funambule, où il fait semblant de marcher sur un fil, précède fort bien l’enchaînement logique de Les ailes dans le dos et Fais comme l’oiseau, durant laquelle il bat des bras comme lorsqu’il avait présenté des dizaines de spectacles à la PdA au milieu des années 1970. Et sur un mode plus musclé, le doublé formé de Les années guitares (on l’adore celle-là) et Prends ta guitare était bien senti.
Mais, on n’en sort pas, c’est principalement pour ses immortelles que l’on va revoir Fugain. Et il n’est pas chiche. Il offre La belle histoire, la chanson «qui permet de payer la maison», reprise en chœur par le public qui n’attend que ça, Jusqu’à demain peut-être, l’incontournable La fête, qui fait lever tout le monde, et Bravo Monsieur le monde, qui, si ma mémoire est fidèle, n’a pas été interprétée à son passage en 2008.
Et tant d’autres qui ont été offertes après mon départ.
Plume All dressed
Départ, motivé, il faut le dire, par le désir de revoir au moins la finale de la tournée des 30 ans des Mauvais compagnons de Plume Latraverse. Virée inspirée de leur disque de 1978, qui était tout garni, comme on le sait.
Dans les faits, ça fait au moins deux ans qu’elle dure cette entreprise, puisque Plume a noté en présentant ses collègues que l’aventure des Mauvais compagnons durait depuis 32 ans. C’était d’ailleurs à peu de choses près le même spectacle présenté sur la Place des festivals jeudi que celui aux FrancoFolies de 2010 (Métropolis). Faut admettre que c’était pas mal plus festif sur Jeanne-Mance, puisqu’il n’y avait personne pour empêcher quiconque de se lever pour danser comme on l’avait vu il y a deux ans.
Fin renard, Plume a joué au prof d’école – et presque au Premier ministre – en lançant un sonore : « Silence dans la classe ! », alors qu’il dissertait sur les frais de scolarité et de la nécessité de poursuivre ses études sous peine de finir comme lui.
Remarquez, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée de finir comme lui. Quand tu vois le public massé dans la zone V.I.P. du site des Francos se lever d’un bloc à l’écoute du Rock’ n’ Roll du grand flan mou, Bobépine ou de Rideau et de son obligatoire verre de cognac, tu n’as sûrement pas raté ta vie… Du moins, au plan professionnel. Il y avait quelque chose de magique de voir cette mer de monde, toutes générations confondues, chanter les classiques avec tant de plaisir.
Plume l’a noté, lui aussi. C’était la première fois qu’il se produisait à l’extérieur durant les Francos. «Je suis ému», a-t-il sobrement résumé.
Nous aussi, Plume. Mais la prochaine fois – même si c’est une chanson d’avant les Mauvais compagnons -, tu ne murmures pas la mélodie de Jonquière uniquement pour nous dire que tu as eu du fun aux FrancoFolies, o.k. ? Tu la joues au complet mon grand ciboire..