Francos, jour 9: Loco Locass, la politique et la rue

Loco Locass en rouge et en feu. Photo courtoisie FrancoFolies/Frédérique Ménard-Aubin.

Vendredi soir, 20h10. Des gens portant le carré rouge, casserole à la main, arrivent de partout. La place des Festivals se remplit assez rapidement à sa pleine capacité. Comme le dira Chafiik un peu plus tard: «Jamais autant de gens se sont déplacés pour nous voir et nous entendre.»

Par Richard Bousquet

Une foule des plus participatives pour une soirée véritablement manifestive. Les gars de Loco Locass ont tenu parole durant leur prestation à ciel ouvert lors des FrancoFolies de Montréal.

Biz, Batlam et Chafiik sont arrivés sur scène vêtus d’une chienne de travail rouge, celle de l’école de la Montagne rouge, un regroupement d’étudiants en design graphique de l’UQAM créateurs d’une grande partie du visuel de la lutte étudiante et inspirés par les affiches de Mai 68.

Ça faisait aussi drôlement penser aux tenues de scène des Beastie Boys – influence majeure de Loco Locass – lors d’une tournée des années 2000. Les étudiants ont accompagné le trio sur scène, alors qu’ils produisant des affiches en sérigraphie durant le spectacle.

Rassemblement monstre

La prestation s’est amorcée avec [Wi], chanson thème de plus récent album du groupe, Le Québec est mort, vive le Québec!, légèrement adaptée pour la circonstance. «C’est le printemps québécois… Le peuple est dans la rue… Le peuple s’épanouit… On est plus que 50!»

La rue aura répondu à l'appel de Loco Locass. Photo courtoisie FrancoFolies/Frédérique Ménard-Aubin.

Accompagnés de deux guitaristes, d’un batteur et d’un claviériste, Loco Locass a livré la presque totalité de son dernier opus ainsi que cinq pièces tirées de leur album Amour oral. Mais l’ensemble n’aurait pas été aussi grandiose sans «l’orchestre de la grande fricassée», tel que baptisé par les membres du groupe.

La foule a fait rythmer les casseroles et a chanté en chœur, en particulier sur La trahison des marchands, Le mémoire de Loco Locass – pour un Québec laïc et en français –, Maison et idéal, Occupation double – introduite par Batlam: «Jamais nous ne serons vaincus» –, et Du joufflu. Biz en a profité pour saluer le courage des filles quand ça devient plus violent dans les manifs à cette occasion.

La mer de monde a également fait sentir sa présence sur Tous les jours, chanson qui a permis à Batlam de saluer la persévérance des manifestants, précisant qu’«on est né pour vivre ces moments-là».

Faire tomber les murailles

Elle s’est fait un peu plus calme pour l’émouvante M’accrocher?, Tout le monde est malheureux – avec la voix de Gilles Vigneault préenregistrée – et Wendigo. Mais aucune fortification, si grosse soit-elle, n’aurait tenu le coup durant La bataille des murailles. Et la foule n’était pas paisible durant La paix des braves que Samian est venu interpréter avec les gars de Loco Locass.

Un nouveau disque mais toujours une même cause pour Loco Locass. Photo courtoisie FrancoFolies/Frédérique Ménard Aubin.

Le trio a fait précéder Secondaire d’un sondage «aussi précis que ceux de La Presse» en demandant s’il y avait des étudiants présents ce soir. Mais lorsqu’ils sont sortis de scène après Les géants, nous n’avions pas besoin d’un autre sondage pour savoir qu’il en manquait une. La foule s’est alors mise à scander «libérez-nous des libéraux!».

Chafiik a repris le micro pour expliquer qu’il est fasciné par la créativité se dégageant des slogans du mouvement social des derniers mois, en reprenant quelques-uns avec la foule: «Charest dehors, on va t’trouver une job dans le nord», «On avance, on avance, on recule pas» – précisant que ce n’est pas drôle quand on est devant les policiers – et «La loi spéciale, on s’en câlisse» qui est alors devenue une chanson avec participation collective.

Les associations étudiantes

Les cinq porte-parole du mouvement étudiant sont alors montés sur scène… malgré l’avertissement des organisateurs des Francofolies qui avaient précisé au trio que le festival ne devait pas servir de causes politiques.

Pas de baisse d'intensité durant le spectacle. Photo courtoisie FrancoFolies/Frédérique Ménard-Aubin.

Ils ont alors demandé à la foule de s’asseoir le temps d’une minute de silence avant d’entonner l’hymne Libérez-nous des libéraux avec les leaders étudiants – Gabriel Nadeau-Dubois s’est révélé le plus à l’aise – et la foule en délire.

Puis Biz a souhaité que ça soit une des dernières fois qu’il la chante, implorant les étudiants d’aller voter. Fin du réquisitoire politique. Les organisateurs des Francofolies pouvaient pousser un soupir de soulagement.