Tout artiste a des hauts et des bas au cours d’une carrière qui survole six décennies. Johnny Cash a connu les deux extrémités du spectre, de ses débuts chez Sun Records dans les années 1950, jusqu’à ses derniers enregistrements à donner des frissons, au début de l’actuel siècle.
Par Philippe Rezzonico
Tout artiste qui a une si longue carrière laisse obligatoirement derrière lui une foule d’enregistrements inédits et de chutes de studio. Out Among the Stars est bien plus que ça. Il s’agit rien de moins qu’un album complet qui aurait pu voir le jour il y a trois décennies.
John Carter Cash, le fils de Johnny, l’explique dans le livret. Au tout début des années 1980, le paternel était – encore – aux prises avec une dépendance aux pilules de toutes sortes dont il va se départir.
En 1981, Cash retourne deux fois en studio pour graver ce qui sera la matière première de ce disque complété en 1984 et réalisé à l’époque par Billy Sherill. L’album ne verra jamais le jour.
Quand il l’a déniché dans les archives audio de ses parents, John Carter Cash s’est même demandé s’il devait le mettre en marché. Il l’a fait. Bonne idée, peut-on ajouter.
L’homme en noir, visiblement remis, affiche la voix d’un artiste dans la jeune cinquantaine qui conserve puissance, flexibilité et humanisme. Son timbre de baryton est à son mieux durant la touchante After All et peu de gens peuvent chanter une chanson et narrer un texte avec autant d’aisance qu’il le fait sur la chanson-titre.
Et pas question d’oublier les copains. La version de I’m Moving On, qu’Elvis gravait sur le légendaire From Elvis In Memphis (1969), est ici un shuffle accéléré, où Cash et son pote Waylon Jennings – qui fut le bassiste de Buddy Holly – s’amusent comme des petits fous. Et on accroche à la nostalgie de Rock and Roll Shoes.
Johnny et June
Impossible, bien sûr, que June Carter Cash ne soit pas de l’aventure. Baby Ride Easy et Don’t You Think It’s Come Our Time démontrent à quel point le couple royal de la musique country était toujours complémentaire il y a 30 ans.
La première chanson repose sur un rythme effréné qui rappelle les premières tournées de Johnny et June avant qu’ils ne soient des amoureux. La seconde, nappée de banjo et de steel guitar, propose de jolies harmonies.
Ce sont toutefois dans ses chansons de storytelling que Cash en impose : She Used To Love Me a Lot, qui parle d’un amour perdu; I Drove Her Out of My Mind, où Cash explique comment il va rendre folle la fille qui l’a largué; et If I Told You Who It Was, qui discoure de la relation d’un fan et d’une chanteuse country; sont impeccables.
Comme fiston John l’indique dans le livret, papa Johnny a connu quelques périodes de pointe dans sa carrière. Out Among the Stars n’est peut-être pas à ranger aux côtés des sessions de Sun et des albums de spectacles (At Folsom Prison/At San Quentin) gravés dans des pénitenciers en 1968 et 1969, mais à une époque où le country « radiophonique » et clinquant domine, ce disque est un modèle du genre.
Johnny Cash, Out Among the Stars (Sony). En magasin et en ligne le 25 mars.