Cela fait des années que Johnny Hallyday demeure une énigme au Québec, lui qui n’avait offert qu’un trio de spectacles chez nous depuis 1975 (au théâtre St-Denis en l’an 2000) avant de renouer avec le public québécois sur les plaines d’Abraham cet été. Ceux qui étaient au Centre Bell, jeudi soir, savent désormais pourquoi le monsieur a été une idole auprès de plusieurs générations de francophones d’Europe : le showman extraordinaire vide encore ses tripes comme si chaque performance était la dernière.
Par Philippe Rezzonico
Oui, pour des tas de gens, Hallyday est une star qui n’aura eu d’écho qu’en Europe depuis plus de 30 ans – hormis pour quelques milliers expatriés français qui vivent au Québec – , un has been, une vedette de variétés françaises et le type qui a signé le plus long bail de l’histoire auprès de tous les Paris-Match de ce monde. Sauf que sur les planches, « Djeuuunnyy!! », comme disent ses fans, il vous en met encore plein la gueule.
Avec un spectacle doté de configurations multiples qui reposait sur un band de rock majoré de cuivres pétaradants, une portion somptueuse avec orchestre et l’incontournable bivouac acoustique, Hallyday a pu survoler toutes ses périodes musicales depuis cinq décennies avec aplomb et brio.
Dans les faits, il a même su répondre aux critiques qui estimaient qu’il manquait quelques-uns de ses gros tubes en bonifiant sa performance en regard de celle de Québec (Le pénitencier et Hey Joe ont été ajoutés), mais surtout, il a eu la bonne idée d’offrir une performance ou les deux tiers des 27 chansons proposées remontaient aux années 1960 et 1970. On discutera jusqu’à demain matin si vous voulez, mais ce sont principalement ces chansons que les gens veulent entendre, car ce sont elles qui ont fait sa légende.
L’idole de toujours
Tout ça pour dire que j’aurais été pleinement heureux d’entendre uniquement la demi-douzaine de titres offert en mode intimiste, quand Hallyday et ses musiciens ont pris place à l’avant-scène. Entendre l’emblématique L’idole des jeunes comme si nous étions en 1962 n’avait pas de prix.
Elle est terrible condensait toute l’énergie du rebelle Johnny des débuts et Tes tendres années, livrée uniquement en mode guitare-voix, avait de quoi faire chavirer. Nous avons même eu droit à une version par-fai-te de I’m Gonna Sit Right Down and Cry (Over You) qu’Elvis avait gravée sur son premier 33-tours en 1956. Rien de moins que la félicité pour les puristes.
Mais nous n’allions pas gâcher notre plaisir pour le reste. La livraison de Excuse-moi partenaire était mémorable, celle de Diego libre dans sa tête était d’une rare intensité, tandis que le narratif Poème sur la 7e, soutenu par l’orchestre, était presque Wagnérien de facture.
Plein les yeux
Avec Johnny, il y a aussi de la production. Et cette fois, toute la quincaillerie y était : entrée de Hallyday dans une boule géante pour Allumer le feu dans un décor de fin du monde, images d’un L.A. ou New York crasseux pour Je suis né dans la rue, et vidéo qui faisait penser à celui de Seven Nation Army, des White Stripes, pour la gigantesque L’envie, tout y était.
Tu veux faire la fête? Tu invites Marie-Mai à partager Rock n’ Roll Attitude. Tu veux faire un duo soul à faire vibrer la foule? Tu offres avec ta choriste I (Who Have Nothing) – plus en mode Tom Jones que Ben E. King – et tout le monde tombe à la .renverse
Et tu veux vraiment faire trembler les colonnes du temple? Tu livres Ma gueule avec les spots braqués au ciel et tu te défonces les cordes vocales avec le doublé formé de Que je t’aime et Le pénitencier. Les deux titres porte-étendard de Johnny en succession. Boum! Toute l’histoire est là…
Il était à l’hôpital le mois dernier, ce type de 69 ans? Pour une bronchite de surcroit? Et dans le coma l’année d’avant? Je ne sais trop de quoi Hallyday est fait, mais quand il s’est roulé par terre durant Deux étrangers et lorsqu’il a fait sauter le Centre Bell avec son Requiem pour un fou, je me disais qu’il était hors normes.
Ceux qui suivent sa carrière n’en ont jamais douté, mais ceux qui le voyaient pour une première fois jeudi doivent maintenant en être convaincus. Et ça va être la même chose vendredi soir. Johnny chantera encore comme si ça allait être la dernière fois.
Que voulez-vous? Il ne connaît pas d’autre façon de faire. Idole un jour, idole toujours.