
Galaxie, qui a mis le feu au Club Soda la semaine dernière, s'est imposé au GAMIQ. Quel est l'avenir pour ceux qui vont suivre? Photo Jean-François Leblanc/Coup de coeur.
La Gala alternatif de la musique indépendante du Québec (GAMIQ) célébrait dimanche ses lauréats 2011, parmi lesquels on comptait Galaxie, Jimmy Hunt et les Breastfeeders. Bravo. Bien mérité. Il y aura un autre gala en 2012, mais à en juger par l’érosion des ventes d’albums des artistes émergents au Québec, il n’y aura peut-être pas de raison de célébrer.
Par Philippe Rezzonico
On peut être un artiste émergent sans être un artiste alternatif, certes, mais souvent, l’équation est similaire. Il suffit de se souvenir des groupes ou artistes qui ont été mis en nomination au GAMIQ pour faire leur apparition après coup dans les catégories du Gala de l’ADISQ. C’est d’ailleurs pour cette raison que le GAMIQ avait modifié ses critères de sélection cette année, écartant de facto des gros joueurs comme Arcade Fire, Karkwa et Bernard Adamus.
Le problème est fondamentalement celui de la relève et des artistes émergents, toutes catégories confondues. Et l’avenir n’est pas rose si on se fie aux chiffres dévoilés la semaine dernière par l’Observatoire de la culture et des communications du Québec.
Le plus récent rapport (La vente des albums québécois de nouveaux artistes) nous apprenait que la portion des artistes émergents (*) parmi les 500 albums physiques et numériques les plus vendus au Québec en 2010 avait chuté à 12, 3 pour cent, le score le plus bas depuis 2003, année durant laquelle cette proportion était de 25 pour cent.
Ceux qui se réjouiront de voir que certains chanteurs et musiciens s’illustrent se leurrent. Les cinq artistes émergents ayant vendu le plus de disques en 2010 représentent plus de la moitié (56 pour cent) du 12,3 pour cent cité plus haut. En clair, ils sont l’exception. Pas la règle.
Il y aura toujours un Arcade Fire pour s’imposer à l’échelle mondiale, une Cœur de pirate pour exploser sur la scène québécoise et française ou une tornade nommée Pascale Picard. C’est de l’ordre des choses. Mais au volume, le constat est inquiétant.
La dernière décennie a été bonne pour la relève au Québec. Des groupes ou artistes qui n’étaient pas là, qui en étaient à faire leurs classes, ou qui n’avaient pas encore percé au tournant du siècle ont obtenu des succès critiques et populaires : Les Cowboys fringants, Pierre Lapointe, Ariane Moffatt, Loco Locass, Dumas, Mes Aïeux, Yann Perreau, Stefie Shock et Vincent Vallières, entre autres, sans compter tous les poulains de l’écurie de Star Académie propulsés par le succès de l’émission télévisée.
Mais vu que personne ne va prendre sous peu sa retraite parmi ces gens-là, le travail est ardu pour ceux qui suivent en dépit du formidable boulot des étiquettes locales québécoises qui font figure de modèles.
Qui plus est, il est intéressant de noter dans la même étude l’impact de l’anglais. Parmi les artistes émergents ayant le mieux tiré leur épingle du jeu ces dernières années, on note Pascale Picard, Bobby Bazini, The Lost Fingers et Maxime Landry. Les deux premiers chantent en anglais, alors que le trio The Lost Fingers interprète dans les deux langues. Constat.
A l’arrivée, qu’ils soient alternatifs ou grand public, l’avenir pour les artistes francophones de la relève s’annonce sombre. Le marché du spectacle affiche ses limites (offre gigantesque), celui du disque s’effondre (en dépit de la montée du numérique) et certaines radios tentent de contourner par tous les moyens les quotas de chansons francophones sur leurs ondes.
Après le ressac du référendum durant les années 1980 et la traversée du désert des années 1990, reverra-t-on la même chose dans la deuxième décennie du XXIe siècle ? J’en ai bien peur. Rendu là, il ne faudra pas se surprendre de voir d’autres Karkwa et Coeur de pirate vendre des chansons à la pub pour pouvoir continuer de vivre de leur art.
—
(*) Artiste émergent ou nouvel artiste selon l’OCCQ : auteur-compositeur-interprète, interprète, duo ou groupe qui apparaît pour la première fois dans la liste des 500 albums les plus vendus, dont la parution du premier album remonte à cinq ans, maximum, et qui ne compte pas plus de deux albums à son actif.