La tournée MDNA: plus d’impact, mêmes réserves

Madonna interprétant Revolver. Pas de doute... Photo courtoisie evenko.

Quand tu revoies un spectacle qui présente exactement la même production et une sélection inchangée de chansons, tu peux véritablement conforter ou infirmer tes premières impressions. Ce fut le cas, jeudi, au Centre Bell, où Madonna présentait sa tournée MDNA. Cette plus récente virée de la reine de la pop mise sur une production spectaculaire et quelques numéros à couper le souffle, mais laisse parfois sur sa faim.

Par Philippe Rezzonico

Contrairement au spectacle vu plus tôt cet été à Amsterdam, la foule montréalaise a été plus participative que celle des Pays-Bas et la Madone a su miser là-dessus. Chaleureuse avec le public, elle a fait le décompte en français « Un, deux trois, quatre ! » durant Express Yourself,  a parlé de ses racines « french canadian » et elle a même soumis à la foule un vote démocratique en cette période d’élections au Québec.

Après avoir enlevé son couvre-chef au terme de la livraison de Turn On the Radio tellement elle avait chaud, elle a demandé aux fans dans la salle comble de 16, 000 spectateurs si elle devait le remettre ou pas. La foule préférait l’Américaine avec ses cheveux en bataille et cette dernière a obtempéré.

Elle a même traîné son fils Rocco au-devant de la scène pour saluer des spectateurs massés dans le triangle central. Ce dernier faisait partie du groupe des danseurs pour la version retravaillée au tambour de Open Your Heart.

Fusillade en série

Toujours étonnant, aussi, de réaliser que l’impact d’un spectacle varie beaucoup en raison de la position de ton siège et des réactions de la foule. Le mien, mieux placé à Montréal qu’en Europe, m’a permis de voir une foule de détails qui m’avaient échappé lors du premier spectacle. Notamment quand Madonna prend une bonne rasade de on-ne-sait-trop-quoi dans un flasque en métal après Revolver.

C’est d’ailleurs durant ce premier bloc sombre et violent (AK47, révolvers, pistolets) que j’ai été éberlué quand des milliers de spectateurs ont salué les cartons en série de Madonna face à des cagoulards durant Gang Bang. La chanson a beau être explicite à souhait, j’estime toujours que les giclées de sang à répétition sur les écrans géants étaient superflues.

Parfois gamine dans son costume de majorette, tantôt femme fatale avec ses vêtements griffés Jean-Paul Gaultier, Madonna modifie son visage et son allure à profusion, comme si le temps n’avait guère d’emprise sur elle. Au plan de la flexibilité et de la souplesse, aucun doute là-dessus…

Tableaux marquants

C’est pourtant quand elle se met à nu – littéralement – pour montrer ses fesses  et le slogan « Free Pussy Riot » dessiné sur son dos durant Human Nature qu’elle est touchante et fragile. Tout ça, avant de demander aux Montréalais de scander « Free Pussy Riot ! » plusieurs fois.

La relecture sensuelle au piano de Like a Virgin, qu’elle chante à genoux ou allongée sur le ventre, est l’un des grands moments de ce spectacle, tout comme I Don’t Care, quand l’artiste conclu le titre allongée sur un autel, comme pour un sacrifice.

Madonna et son célèbre bustier de Jean-Paul Gaultier durant Vogue. Photo courtoisie evenko.

Autre éclatant tableau, celui de Give Me All Your Luvin’, alors que Madonna est accompagnée d’une dizaine de joueurs de tambours suspendus au plafond (impressionnant au possible), ou le numéro de Vogue, durant lequel l’esthétisme est à son paroxysme.

Points faibles

En dépit de ces points forts, cette production bâtie en quatre blocs distincts par l’entreprise québécoise Moment Factory  a des failles, rayon sélection musicale. L’exemple le plus frappant survient dans le dernier droit, là où l’on est sensé faire la fête : Addicted To Love et I’m a Sinner, deux nouveaux titres, sont passés complètement dans le vide.

Fallait mesurer l’écart dès que la foule a entendu les premières mesures de Like a Prayer qui précédait Celebration, en clôture. Tout le monde debout! Pourquoi ne pas miser sur Material Girl et Into the Groove et s’offrir un vrai dernier droit explosif? À ce stade, on se fiche un peu de la thématique, non?

En privilégiant – trop – de nouvelles chansons, Madonna retranche forcément dans ses classiques. Papa Don’t Preach est joyeusement écourtée, Hung Up est en mode électro plutôt que dance, Candy Shop est transformée en ballade : tous des petits détails qui font que notre plaisir est amoindri.

En fait, ce qui agace parfois, ce sont les segments préenregistrés  comme le bout où l’on entend Like a Virgin en version originale, Into the Groove, Music… Toutes des chansons sur lesquelles Madonna fait impasse. Frustrant. On entend même Holiday après que les lumières se soient rallumées dans le Centre Bell.

Quand on voit Madonna plusieurs fois en spectacle dans sa vie, on peut probablement passer outre. La petite madame croisée à la sortie ne l’a pas vu ainsi…

Elle disait à sa copine que 700 dollars pour des billets, c’était cher payé pour un spectacle durant lequel certaines de ses chansons favorites n’ont pas été interprétées. On n’en parlerait même pas si les billets étaient de l’ordre de 125 $. Mais là, c’est une discussion que l’on risque d’entendre souvent vendredi autour de la machine à café.