Le Top 50 de Frank (16): les Papys font de la résistance

Fatigué? Las? Déprimé? Voici la prescription du bon docteur Vézina: une dose périodique de cet excellent album de Benny Carter est un excellent moyen d’éloigner les cafards de la vie.

Par François Vézina

En 1977, Carter réunit une sorte de ligue du vieux poêle du jazz pour une tournée au Japon. Ses amis et lui, tous des musiciens chevronnés et aguerris, en profitent pour démontrer que malgré leur âge presque vénérable, ils sont tous jeunes de coeur et d’esprit.

L’air du Japon devait avoir quelque chose de vivifiant, du moins à cette époque.

Bien sûr, la formule tient de la jam session, ou, comme disent les Français, du bœuf. À qui le tour ? À lui, à toi, à moi. Chacun se passe le témoin à tour de rôle avec une bonne humeur communicatrice.

Les solistes ont la chance d’être superbement mis en valeur par de solides arrangements.

Carter est un as dans ce domaine. L’homme a déjà fait ses preuves depuis de nombreuses années, signant des partitions pour Fletcher Henderson, Duke Ellington et Count Basie.

Son excellent Further Definitions figure parmi mes nombreux 51emes du classement de mes 50 albums préférés.

Des hommages

Le répertoire semble avoir été choisi pour rendre hommage à d’autres grands du jazz.

L’orchestre amorce l’album sur des chapeaux de roue en présentant, comme une carte de visite, une composition de Johnny Hodges, Squatty Roo. Tous ont l’occasion de montrer de quel bois ils se chauffent.

La formation rend ensuite un joyeux hommage à Louis Armstrong qui permet d’admirer l’éclat de Cat Anderson, l’élégance de Benny Carter et la fraicheur de Joe Newman. Ce dernier jette la frénésie dans la salle quand il imite aussi la voix râpeuse de Satchmo, reprenant à la fin son célèbre «Oh yeah!».

Billie Holiday n’est pas oubliée. Les musiciens saluent sa mémoire en jouant Them There Eyes, une chanson enjouée immortalisée par la grande dame en 1939. Carter lui donne de nouveaux habits qui ne la dénaturent pas. Au contraire.

Le dessert réserve un coup de chapeau à Duke Ellington: It Don’t Mean a Thing (If It Ain’t Got That Swing). Pas de souci: la démonstration est enlevante, éloquente, convaincante. Ce soir-là, l’orchestre le possédait amplement. A la joie des Japonais dans la salle… et de la nôtre dans nos salons.

Alors toujours vivant, Carter, même 10 ans après sa mort? Et comment donc! Et nous aussi par la même occasion.

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Le top-50 de Frank (16): Benny Carter, ‘Live and Well in Japan

Étiquette: Pablo Live

Enregistrement: 29 avril 1977

Durée: 41:50

Musiciens: Benny Carter (saxophone alto, trompette), Budd Johnson (saxophone ténor, saxophone soprano), Cecil Payne (saxophone baryton, flûte traversière), Britt Woodman (trombone), Cat Anderson (trompette), Joe Newman (trompette), Nat Pierce (piano), Mundell Lowe (guitare), George Duvivier (contrebasse), Harold Jones (batterie).