Les vieilles bouteilles, ce sont le bop et le jazz classique. Le vin nouveau, c’est la brillante façon avec laquelle Ray Anderson et ses copains recyclent la musique des Gillespie, Parker, Pettiford, Ellington et compagnie.
Par François Vézina
L’opération est tout à fait réussie. Bacchus et Euterpe auraient apprécié.
Déjà, à l’époque, on savait Anderson fort polyvalent, lui qui avait déjà collaboré avec Anthony Braxton et Barry Altschul, deux lascars pas vraiment reconnus pour être des musiciens conventionnels. Et il avait fondé Slickaphonics, un groupe aux accents funk.
Voilà qu’à son sixième album à titre de leader, il se frottait au bop et au jazz plus classique. Surprenant? Pas vraiment.
Le jazz d’un certain âge et le tromboniste au son éclatant comme le rire de 100 enfants devaient bien se rencontrer un jour quelque part, de préférence sur une scène ou dans un studio.
Fort respectueux des morceaux qu’ils interprètent, Anderson et ses compagnons donnent une nouvelle robe à ces thèmes datant de quelques décennies.
Dès les premières attaques de l’album, le quatuor égaie. Et il saura maintenir le rythme et le ton jusqu’à la dernière note du cédé.
Sûr de ses arrières, le musicien originaire de Chicago peut, en toute confiance, s’élancer, s’exprimer sans retenue, s’amuser avec les mélodies et chatouiller au passage le suraigu.
Sa brillante technique ne nuit jamais à son discours touffu, mais cohérent. On a alors droit à une vivifiante Love Me or Leave Me, une foudroyante Laird Bard, une émouvante La Rosita, et une splendide In a Mellotone.
Étonnant Anderson
Le voilà qu’il dépose son instrument pour entonner Wine. Il n’a pas la voix de Sinatra ou d’Elling, tant s’en faut, mais son ton monocorde et sa truculence cadrent admirablement avec cette chanson oubliée célébrant les mérites relationnels du divin liquide.
Les aides-sommeliers ont été choisis avec justesse. Tous les trois sont expérimentés et savent aussi saisir la note au bond lorsqu’Anderson leur confie le flambeau. Barron, pour un, se montre particulièrement solaire.
Old Bottles, New Wine? (*) Un grand cru. Allez… À la vôtre!
(*) On peut se demander si le titre de l’album est un coup de chapeau saluant un enregistrement du grand orchestre de Gil Evans intitulé New Bottles, Old Jazz (1958) au cours duquel l’as arrangeur dépoussiérait de vieux airs datant de l’enfance du jazz et des pièces plus adolescentes.
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No 46: Ray Anderson: Old Bottles, New Wine (Enja)
Enregistrement: janvier 1985
Durée: 39:28 (7 plages)
Musiciens: Ray Anderson (trombone, voix), Ken Barron (piano), Cecil McBee (contrebasse), Dannie Richmond (batterie)