Ornette n’est pas le seul empêcheur à tourner en rond nommé Coleman de l’histoire du jazz. Il ne faut pas oublier Steve, cet infatigable défricheur.
Par François Vézina
En mars 1995 (il y a 18 ans, j’hallucine…), le Hot Brass, une ancienne boîte parisienne, organisa une série de spectacles mettant en vedette diverses formations du saxo-alto.
Cet album met à l’honneur les Five Elements qui n’étaient que quatre ce soir-là. Mais qui s’en soucia réellement? Ces quatre musiciens étaient tous habités par le feu.
Sur des motifs rythmiques démentiels et atemporels, Coleman laisse libre cours à sa grande imagination.
Ses longs solos aux lignes mélodiques parfois complexes, laissent entendre l’étendue de sa technique et de son sens artistique, ne laissant que peu de répits à l’auditeur.
Ici, il s’emballe, là, il se retient, taquinant ses notes, improvisant sur une grande tessiture, mais toujours en gardant un son personnel sans fioriture. Euphorisant.
Il ne faudrait pas oublier Andy Milne, aussi créatif en soutien rythmique qu’en solo.
Les Five Elements parviennent à étonner, offrant même une éblouissante version d’un morceau presque éculé tellement il a été joué sur tous les tons depuis sa création: Round Midnight.
Du renfort
Quatre musiciens, vous dites ? Pas tout à fait. David Murray, ô divine surprise!, vient les rejoindre pour deux morceaux endiablés (Country Bama, I’m Burning), apportant sa propre voix, sa déraison et sa démesure.
Le numéro de polyphonie entre les deux saxophonistes à la fin de Country Bama enrichit, comme s’il en avait besoin, cet album.
Et avant que ne se rallument les lumières, le groupe sera rejoint par trois membres, dont un certain Kokayi, des Metrics, autre formation de Coleman, pour une poursuite entre scatteurs et rappeurs, comme si le saxo voulait embrasser d’un coup la grande histoire de la musique noire, complétant la boucle puisqu’il avait amorcé le spectacle avec une invocation de l’Afrique, du moins par le titre (Multiplicity of Approaches -The African Way of Knowing).
Et si on rêvait d’une carte blanche à Coleman au FIJM ?
Album: Steve Coleman & Five Elements: Curves of Life (RCA Victor)
Enregistrement: 29 mars 1995
Durée: 78:07 (7 plages)
Musiciens: Steve Coleman (sax alto, voix), Andy Milne (piano), Reggie Washington (basse), Gene Lake (batterie), David Murray (sax ténor), Black Indian (voix), Sub Zero (voix), Kokayi (voix)
Pour comprendre la genèse de cette série, veuillez lire: Mon pote Frank