Les 51èmes de Frank: Rauque and roll

adams-pullen-vanguardUn vent de folie enfièvre le Village Vanguard en ce soir d’août de 1983. La tempête est déclenchée par l’un des plus beaux quatuors des années 1980: celui qu’animaient deux musiciens qui se sont connus et appréciés chez Charlie Mingus: le saxophoniste George Adams et le pianiste Don Pullen.

Par François Vézina

Choix du producteur de l’album? Ordre choisi par Adams et Pullen lors du concert? Quatre pièces ‑ chacune dépassant les 13 minutes ‑ figurent au programme.

Le groupe rend hommage à Thelonious Monk (une pièce justement intitulée The Necessary Blues ou Thank You Mr. Monk, au cours de laquelle Adams se permet de citer brièvement Rythm-a-Ning), à Duke Ellington (envoûtante Solitude) et, gratitude oblige, à Charlie Mingus (magnifique Diane).

Aussi à l’aise dans les morceaux au rythme endiablé que dans les ballades suintantes, la formation plonge sans hésiter au coeur de son sujet: l’improvisation libre mais contrôlée bien enracinée dans le blues et le hard bop.

Les deux solistes cohabitent la scène sans se piler sur les pieds.

Le délire impétueux d’Adams – qui peut aussi caresser une mélodie  – se marie fort bien au lyrisme nuancé de son compagnon de notes. Si celui-ci sait assurer un bel appui aux envolées coltraniennes du saxophoniste, il peut, comme son compère, métamorphoser son discours, le rendre plus abstrait tout en conservant son efficacité cinétique.

La complicité entre les deux hommes est manifeste et se répercute sur l’ensemble de la formation.

Adams et Pullen ont recruté un mingusien historique, Dannie Richmond, à la batterie et Cameron Brown, métronome efficace, à la contrebasse.

Les deux leaders ont l’intelligence de ne pas demander à Brown de jouer le rôle de Mingus. Une telle mission eut été impossible et comme on n’est pas devant un télé ou au cinéma.

La section rythmique est bien arrimée aux jeux d’Adams et de Pullen. Cette symbiose parfaite permet aux solistes de sauter dans le vide, sachant que les deux parachutes ne les entraîneront pas directement vers le sol.

Richmond et Harris ne freinent pas les sauts vers l’inconnu. Ils les catalysent, les redirigent, les guident afin que l’atterrissage ne soit pas trop hasardeux.

Richmond est une véritable génératrice à lui seul. Sa frappe pure et inventive empêche ses patrons de s’engluer dans la routine.

Les notes se superposent, tourbillonnent et virevoltent, sans s’échapper de l’univers cohérent du groupe. L’énergie ainsi dégagée définit les espaces de liberté propre à la formation qui parvient à fusionner trois éléments essentiels à la vie: l’air, la terre et le feu.

Un petit bémol au sujet de la qualité de l’enregistrement: Adams semble parfois s’échapper de son micro tandis que la batterie de Richmond est parfois surexposée. Heureusement, la qualité de l’ensemble envoie ce léger inconvénient aux oubliettes.

P.S. Il existe aussi un vol. 2 de cette soirée au Vanguard. Tous deux figurent dans le coffret dédié à Adams, Complete Recordings on Black Saint & Soul Note, publié chez Cam Jazz

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Les 51èmes: George Adams-Don Pullen Quartet, Live at the Village Vanguard

Maison de disque: Soul Note

Enregistrement: 19 août 1983

Durée: 56:15

Musiciens: George Adams (saxophone ténor), Don Pullen (piano), Cameron Brown (contrebasse), Dannie Richmond (batterie).