Il y a un certain temps que les chansons de John Mellencamp ne figurent plus au sommet des palmarès et qu’il a délaissé les arénas pour de plus petites scènes, comme celle de la salle Wilfrid-Pelletier, où il sera de passage jeudi. Mais Mellencamp n’a jamais oublié ses racines comme en fait foi On the Rural Route 7609.
Par Philippe Rezzonico
Né à Seymour, Indiana, il y a de ça soixante ans ce mois-ci, Mellencamp vit toujours dans le même état américain, dans le coin de Bloomington. Pas question d’aller ailleurs. Pour lui, la notion de Heartland qui se rattache autant à sa musique qu’à son territoire est de l’ordre du sacré.
C’est cette dimension qu’exploite Mellencamp au sein de ce coffret de quatre disques qui n’a rien d’une compilation grands succès. Le compact The Best That I Could Do, 1978-1988 (1997) et la compilation double Words & Music, John Mellencamp’s Greatest Hits (2004) s’en chargeaient fort bien. A la limite, nous ne sommes pas exactement dans ce qu’on pourrait nommer une anthologie non plus, en dépit de la période étendue survolée par le coffret (1976 à 2009, d’où le 7609).
Cette collection de 54 titres est plutôt un éclairage nouveau sur l’œuvre de Mellencamp, une redécouverte par le biais de démos, d’inédits, de grands succès retravaillés, de chansons oubliées et de récentes compositions. Si vous étiez parmi ceux qui ont aimé l’alliage sonore que l’on repérait déjà sur The Lonesome Jubilee (1987) et qui était omniprésent sur les albums Big Daddy (1989) et Human Wheels (1993), c’est votre truc.
Mellencamp commente ses chansons dans le massif bouquin aux couleurs de sable et de terre farçi de photos de son Amérique rugueuse. Et Anthony DeCurtis, du magazine Rolling Stone, signe le livret factuel, qui est doublé d’une entrevue.
Le terroir avant tout
Des mégas succès qui lui ont permis de remplir des arénas de 20,000 spectateurs durant une vingtaine d’années, seuls Jack and Diane et Pink Houses s’y retrouvent dans la forme originale que l’on connaît. Les versions de Rain On The Scarecrow, Between A Laugh and A Tear et Love and Happiness sont celles – formidables et méconnues – réenregistrées pour l’album de terroir que fut Rough Harvest (1999). Authority Song et Cherry Bomb figurent ici sous forme de démos. On a aussi droit au démo de Jack and Diane et à la chanson qui fut la base de travail de celle-ci (Jenny At 16).
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L’intention de Johnny était visiblement de fondre sans heurts son passé et son présent actuel. Depuis une dizaine d’années, Mellecamp a graduellement délaissé le mode électrique pour l’instrumentation organique. Il y avait le violon de Lisa Germano dans le temps. Celui de Myriam Strum aujourd’hui. Mais l’instrumentation et la réalisation contemporaine de ses albums sied mieux au singer songwriter plus accompli qu’est devenu Mellencamp au cours des ans.
Il est possible que vous n’ayez jamais entendues ses récents titres qui parlent de mort (exceptionnells If I Die Sudden et Don’t Need This Body), de rédemption (A Ride Back Home), de désillusion (Freedom’s Road), de tragédies (Rural Route) et de politique (Troubled Land, To Washington).
En prenant de l’âge, Mellencamp a affiné sa plume. S’il parle toujours de ce qui le touche, l’âge l’a rendu moins frivole, mais pas moins rebelle. Pas de demi-mesure dans ses constats au XXIe siècle. C’est franc. Direct. C’est même cru. Jamais complaisant.
Mais comme il l’a fait lui-même depuis quelque temps, c’est parfois aussi tortueux que les chemins de campagne dans lesquels il nous amène.
John Mellencamp, On the Rural Route 7609, Mercury (2010)
4 étoiles