
Coeur de pirate, nouvelle maman, domine les nominations de l'ADISQ avec six. Photo d'archives courtoisie Montréal en lumière. Frédérique Ménard-Aubin.
Bien sûr, il y a les girls. Cœur de pirate, Lisa LeBlanc, Marie-Pierre Arthur et Isabelle Boulay récoltent 21 nominations individuelles en vue du 34e gala de l’ADISQ. On ne peut passer à côté de cet exploit de nos belles artistes de cœur et de tripes. Mais il y a plus… Rarement a-t-on vu une cuvée de l’ADISQ qui va mettre en opposition directe des œuvres musicales aux antipodes. Un véritable choc frontal s’annonce.
Par Philippe Rezzonico
Commençons par l’évidence. Six nominations pour la toute jeune maman qu’est Béatrice Martin, alors que Lisa, Marie-Pierre et Isabelle en récoltent cinq chacune. Les Cowboys fringants suivent avec quatre, groupe qui, incidemment, comptera sous peu un père, une mère et deux mononcles. C’est vraiment l’année de la cigogne…
Fred Pellerin a également droit à quatre mises en candidature, tandis que Patrick Watson, Richard Desjardins, Avec pas d’casque, Kaïn, Maxime Landry et le collectif de Star Académie en comptent trois. À l’exception du grand Richard, il y a beaucoup de jeunes (CDP, Lisa, Marie-Pierre, Maxime) ainsi que des œuvres originales dans le ton et la forme (encore Lisa et Marie-Pierre, Fred, Avec pas d’casque, Patrick) parmi ces nominations.

Marie-Pierre Arthur, gagnante du prix Félix-Leclerc 2012, totalise cinq nominations. Photo Catherine Lefebvre.
Mais il va aussi y avoir des ruptures de ton. Très souvent, des artistes dont l’œuvre est plus recherchée au plan musical, voire, plus littéraire dans le texte, s’affrontent au sein des mêmes catégories, alors que les albums plus pop et légers se disputent les Félix dans d’autres vitrines de choix.
Cette année, ceux qui sont d’allégeance « auteurs » et « pop bonbon » risquent de s’étouffer selon l’identité de certains lauréats.
Noir et blanc
Dans la catégorie Album de l’année – adulte contemporain, vous avez le collectif de Don Juan et Maxime Landry d’un côté, alors que Richard Desjardins et Catherine Major sont de l’autre. Si vous permettez l’analogie politique, dites-vous que les philosophies de création artistiques et musicales entre ces deux blocs d’artistes sont plus éloignées que les politiques du Parti libéral et de Québec solidaire… Et je doute que la lumineuse Ingrid St-Pierre ne tranche le débat, elle qui fait penser à la bande d’Option nationale (poids plume) dans cette catégorie.
Situation similaire pour Spectacle de l’année – interprète. Il y a un gouffre artistique digne du grand canyon qui sépare le bloc A (Douze hommes rapaillés (deuxième édition) et Une sorcière comme les autres, de Jorane) et le bloc B (les collectifs Le retour de nos idoles et Mixmania 2). Qui sait, ça sera peut-être le spectacle universel d’isabelle Boulay (Les grands espaces) qui décrochera la majorité…
Même la catégorie Album de l’année – reprises, met aux prises des clients qui ne s’affrontent pas d’ordinaire sur la même patinoire : Star Académie et Vulgaires Machins. Comment être plus aux antipodes que ça? Et catégorie Album de l’année – Pop, on y retrouve notamment Marie-Pierre Arthur et ses guitares abrasives face à Mixmania 2?
On ne peut mieux expliquer le phénomène des clivages de genres et de styles musicaux qu’en comparant les deux catégories les plus à l’opposé qui soient.
La toute nouvelle Album de l’année – choix de la critique, propose les disques de Marie-Pierre Arthur, Avec pas d’casque, Canailles, Richard Desjardins, Lisa LeBlanc et Fred Pellerin. La catégorie antithèse à cette dernière, celle de l’Album de l’année – meilleur vendeur, regroupe les galettes de Star Académie, François Pérusse, Maxime Landry, Cœur de pirate et Fred Pellerin.
Le choc des genres, disais-je. Uniquement Fred Pellerin fait l’unanimité…
Bonne idée d’avoir réduit à cinq les nominations dans les catégories interprètes, mais là aussi, les vedettes grand public et les auteurs-compositeurs vont se mesurer à part à peu près égales : Arthur, Boulay, LeBlanc, CDP et Andrée Watters chez les dames, Landry, Pellerin, Gregory Charles, Éric Lapointe et Vincent Vallières chez les messieurs.
Incongruités et oublis
Ça va de soi, aucune catégorie ni aucune sélection ne fait l’unanimité. La mouture 2012 ne fera pas exception.
Les nominations de Lisa LeBlanc, Ingrid St-Pierre, Salomé Leclerc et Patrice Michaud sont méritées dans la catégorie Révélations, mais Sophie Beaudet avant Chloée Lacasse dont l’album est supérieur? Et où est David Giguère?

Lisa LeBlanc, à l'avant-plan, va logiquement rafler le Félix de révélation de l'année. Photo d'archives Catherine Lefebvre.
Il faudra aussi que quelqu’un m’explique comment Antoine Gratton peut se retrouver dans la catégorie alternative. Et Les Dales Hawerchuck, même si ce n’est pas une première dans leur cas. Avec l’album Que du vent, vitaminé, les Cowboys fringants se retrouvent cette fois dans la catégorie rock, mais ils sont néanmoins en nomination avec des potes comme Pépé et Dumas.
Quant à la grande perdante, c’est Ariane Moffatt. Puisque MA est un disque bilingue, elle est en nomination dans la catégorie Album de l’année – anglophone où elle devrait logiquement baisser pavillon devant Leonard Cohen ou Patrick Watson. Mais n’aurait-elle pas mérité une nomination dans la catégorie Interprétation autres langues? Je le pense.
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Le 34e gala de l’ADISQ, animé par Louis-José Houde, le 28 octobre sur les ondes de Radio-Canada.