Il y a un étalon qui ne ment pas quand vient le temps de mesurer la popularité d’un festival présenté en plein air: le nombre de spectateurs qui se pointe quand le ciel nous tombe sur la tête. Avec 40, 000 entrées au parc Jean-Drapeau pour une troisième fois en autant de jours malgré des déluges de flotte, le festival Osheaga aura conclut sa septième présentation en apothéose.
Par Philippe Rezzonico
Pas moins de 120, 000 spectateurs pour le week-end de trois jours. Pas de surprise pour vendredi et samedi avec des mercures de plus de 30 centigrades et un soleil radieux, mais pas de baisse d’achalandage dimanche. L’enthousiasme n’avait pas chuté d’un cran malgré les orages et le vent. Personne n’allait rester à la maison alors que The Black Keys, Metric, Bloc Party, Santigold, City and Colour et M83 étaient sur les scènes.
Pas grave, les intempéries semblaient se dirent les jeunes – et moins jeunes – festivaliers. De toutes façons, peu importe le niveau de protection contre la pluie souvent diluvienne (simple t-shirt, imper ou parapluie), tout le monde était logé à la même enseigne : après 30 minutes sur place, tout le monde était trempé aux os et pataugeait dans la boue. Aussi bien s’y faire.
Dans le merveilleux monde de la musique, ce qui se vit au parterre a toujours une répercussion sur la scène. Rien n’impressionne plus un groupe d’une foule massive qui ne recule pas d’un pouce malgré le temps de chien. C’est souvent à ce moment que les bands mettent toute la gomme.
L’énergie de Kele
Ce fut le cas pour Bloc Party. Il fallait voir la réaction de Kele Okereke devant cette marée humaine – c’est le mot – où les plus vaillants spectateurs surfaient allègrement sur les autres tandis que les Britanniques offraient leurs bombes (Positive Tension, One More Chance, This Modern Love) mâtinées de rock, ska, punk et reggae. Les boys ont d’ailleurs eu une bonne idée de miser sur leur passé n’offrant qu’un nouveau titre… aussi bon que les anciens. Dans ce contexte, c’était une bonne décision.

Kele Okereke et ses collègues de Bloc Party ont mis toute la sauce. Photo courtoisie evenko/Tim Snow.
Il fallait surtout voir ce type qui s’agrippait à son iPhone pendant qu’il surfait sur la foule. Débile… Et il fallait voir cette foule, justement, qui battait la mesure sous le déluge comme si rien ne comptait plus que la musique. Des images comme ça, personne ne s’en lasse. Ni les artistes, ni les fans, ni les journalistes.
Comme Okereke, Emily Haines affichait la même urgence quand Metric a pris d’assaut la scène de la Montagne. Une performance en demi-teintes, ça n’existe pas dans le vocabulaire de Metric.
La fougue d’Emily
Dans une forme exceptionnelle, fringante, dominante et cheveux mouillés dans le visage après quelques minutes, la blonde claviériste a misé au départ sur les nouvelles compositions du plus récent album du groupe (Synthetica) avant d’enfiler leurs désormais classiques. On n’y voyait aucune différence, tant les fans massés à l’avant-scène chantaient les paroles des anciens et nouveaux titres avec le même entrain.
N’empêche, il y a eu des moments plus forts que d’autres lors de ce set durant lequel Metric a été plus rock que jamais. Help, I’m Alive, était particulièrement relevée, Haines la chantant comme si sa vie en dépendait, tandis que Dead Disco, peut-être la chanson la plus connue du groupe, a eu droit à une version explosive étendue. Formidable contrepoint : cette livraison acoustique de Gimme Sympathy, tout en douceur, pour conclure un set du tonnerre.
En clôture, The Black Keys n’allait pas changer sa formule gagnante. Pour la critique, j’ai le goût de vous envoyer lire celle du mois de mars, quand Dan Auerbach et Pat Carney sont passés au Centre Bell.
De mémoire, la sélection de chansons proposée était très similaire et la séquence presque identique avec les Howlin’ For You, Gold On the Ceiling, I’ll Be Your Man, Little Black Submarines, Money Maker, Tighten Up et Lonely Boy. La différence, c’est que nous étions environ 35, 000 devant la scène au lieu d’être 13, 000.
Dans mon coin, c’était un élément appréciable. La faune de jeunes sortis de l’adolescence chantait et dansait sur tous les titres. Beau à voir. Si Auerbach était en voix et que Carney tapait sérieusement sur ses peaux, on eu l’impression qu’il y a quand même eu un petit creux de vague.

La sonorité des guitares de Dan Auerbach est l'une des signatures des Black Keys. Photo courtoisie evenko/Nick Leger.
Pas anormal quand on sait que certains festivaliers présents complétaient une présence de près de 30 heures sur le site depuis trois jours. Il y a aussi le fait que les Black Keys ont la mauvaise habitude de tout stopper entre les chansons – jusqu’à 45 secondes parfois – sans s’adresser à la foule. Ça empêche les enchaînements bien sentis.
Auerbach s’en est rendu compte. Après l’offrande de Tighten Up qui n’a pas cartonné autant que d’ordinaire, il a senti le besoin de lancer : « Allez Montréal ! Faisons les fous ! » avant d’amorcer la ligne de guitare grisante de Lonely Boy qui a rassasié tout le monde.
Rassasié, nous l’étions à tous les points de vue, après trois jours où la musique a enchanté des milliers de personnes… quoique peut-être pas certains résidents de Saint-Lambert, paraît-il.