Phil Everly (1939-2013) : les harmonies du bonheur

Harmonie. En toute justice, il faudrait mettre la photo des Everly Brothers à côté du mot dans chaque dictionnaire anglo-saxon ou autre à paraître dans les prochaines années. Parce que celles de Phil – décédé le 3 janvier 2013 à l’âge de 74 ans – et Don Everly n’auront pas seulement été les plus génétiquement parfaites de l’histoire de la musique, elles auront été celles qui auront influencé les duos, trios et groupes populaires à venir.

Par Philippe Rezzonico

Vous pouvez tous les nommer : Lennon et McCartney, Peter Paul and Mary, Peter and Gordon, les Beach Boys, les Byrds, The Hollies ainsi que Tom & Jerry, contemporains des Everly Brothers, qui allaient devenir…. Simon & Garfunkel quelques années plus tard.

Tous sont redevables à Phil et Don Everly dont les classiques sont encore ceux auprès desquels l’on mesure la qualité harmonique, près de 60 ans après leur création.

Tout prédestinait Donald « Don » Everly (1er février 1937), né au Kentucky, et son cadet Phillip « Phil » Everly (19 janvier 1939-3 janvier 2013), né à Chicago,  à une carrière. Les garçons ont grandi avec un papa musicien, Ike, qui avait une émission radio dès 1944, en Iowa.

Mais comme tant d’artistes avant eux, les débuts des Everly n’ont pas été glorieux. Les frangins ont été mis sous contrat chez Columbia en 1955, mais les quatre chansons enregistrées pour le label – incluant deux jamais diffusées – sont rapidement tombées dans l’oubli.

C’est la rencontre avec Wesley Rose, l’un des patrons de l’empire d’édition Acuff-Rose, qui fut déterminante. Impressionné par les frérots, Rose a présenté les Everly à Archie Bleyer, le patron de l’étiquette indépendante Cadence Records, un des labels qui avait pourtant levé le nez sur Don et Phil en 1956.

Mais cette fois, le duo signe avec Cadence en février 1957. Notez la chose : les Everly Brothers étaient sous contrat chez un label indépendant, ce qui ne les a pas empêchés d’obtenir un succès national et international. Exactement comme Arcade Fire finalement, quoique 50 ans plus tôt. Les Everly Brothers, hipsters avant l’heure…

C’est également Wesley Rose qui incitera Bleyer à faire enregistrer aux Everly Brothers Bye Bye Love, un titre d’un duo de compositeurs nommé Boudleaux et Felice Bryant. La chanson fut gravée le 1er mars 1957. Comme on dit, le reste appartient à l’histoire.

Premiers partout

À cette époque où les genres étaient bien définis, les Everly Brothers ont été parmi les rares artistes qui ont réussi à s’imposer sur tous les palmarès américains. La mythique Bye Bye Love s’est hissée en 1957 au premier rang du palmarès Country & Western (C & W), en deuxième place du palmarès pop et à la cinquième position R&B. Et ce n’était que le début.

Wake Up Little Suzie et la mirifique All I Have To Do Is Dream, peut-être bien la plus belle ballade gravée durant les années 1950, ont toutes deux atteint le sommet des trois palmarès, un tour de force exceptionnel quand on sait que les chansons qui dominaient la portion R&B étaient majoritairement celles des artistes noirs issus du doo-wop.

De 1957 au début 1960, les chansons dignes de tragi-comédies adolescentes des Everly Brothers auront obtenu neuf numéros 1 et dix autres chansons se seront classées parmi l’un ou l’autre des Top 10 américain. Les frères ont ensuite quitté Cadence Records pour Warner qui aurait déboursé un million de dollars pour un contrat de dix ans.

All I Have To Do Is Dream et Cathy’s Clown, en tournée britannique en 1960, avec les Crickets comme groupe d’appoint.

Les frangins ont amorcé les années 1960 avec l’exceptionnelle Cathy’s ClownDon’t want your looooove, anymoooore!!!! »), numéro 1 partout, ainsi que Ebony Eyes, Walk right Back et Crying In the Rain. Et après 1961, l’invasion britannique a commencé à tout balayer sur son passage, incluant les Everly Brothers qui ont néanmoins continué à produire du matériel de grande qualité.

À l’ère de iTunes, vous pouvez probablement acheter toutes les chansons énumérées plus haut à la pièce, mais si vous aimez ces objets nommés disques, tentez de vous procurer The Everly Brothers All-Time Original Hits (Rhino, 1999), encore disponible sur Amazon.

Cette compilation fut la première et l’une des rares qui comprend à la fois les succès essentiels gravés chez Cadence et chez Warner. Et elle est dotée d’une qualité sonore de premier plan. Vous pourrez compléter avec The Everly Brothers: The Mercury Years (1993, Mercury), qui comprend On the Wings of a Nightingale, composée et offerte par Paul McCartney.

Bye Bye Phil.