Le Belge Stromae a écoulé 1,5 million d’exemplaires de son plus récent disque Racine carrée en France et 300 000 albums de plus dans les marches francophones comme ceux du Québec, a annoncé, lundi, Universal Music. Un rare grand succès francophone à une telle échelle de nos jours.
Par Philippe Rezzonico
Ce même Stromae sera en spectacle au Centre Bell le 18 juin prochain lors de la 26e présentation des FrancoFolies de Montréal. Nous devrions tous être heureux de la venue du Belge. Pourtant, il y en a qui rechignent.
Qui sont ces gens? Je l’ignore. Mais il semblerait que certains soient déçus que Stromae se présente pas ledit spectacle sur la Place des festivals. Il doit y en avoir pas mal, de ces gens, car la collègue Émilie Côté, de La Presse, a pris la peine de relancer l’organisation des FrancoFolies afin de demander des explications quant à la raison de la tenue de cet événement dans l’amphithéâtre du Canadien.
Il y a pourtant eu des précédents : Patricia Kass, aux FrancoFolies, ainsi que Diana Krall, au FIJM, ont livré leurs spectacles dans l’aréna du Canadien. Michael Bublé va le faire deux fois cet été. Et n’oublions pas que des dizaines de spectacles produits par les festivals de Spectra sont présentés dans des salles qui ne leur appartiennent pas (les cinq salles de la Place des Arts, le Club Soda).
Est-ce que ces gens s’attendaient à la présence de Stromae sur la Place des Festivals en raison de son opération lancement au même endroit octobre 2013? Possible. Le Belge avait alors interprété Papaoutai, Alors on danse et Formidable.
Sauf qu’il y a une différence entre un exercice de promotion éclatant et la présentation d’un spectacle qui risque d’être farci d’effets spéciaux, du moins, si l’on se fie aux remarquables clips du monsieur.
La gratuité
En fait, je suis plutôt convaincu que ces gens qui sont déçus sont ceux qui espéraient – encore une fois – se farcir un spectacle gratuitement. Nous sommes champions, pour ça, au Québec.
Je pourrais ici faire l’énumération des artistes de premier plan locaux, internationaux, francophones, anglophones ou d’autres horizons musicaux, qui ont offert un spectacle « gratuit » au Festival de jazz, aux FrancoFolies de Montréal et au Festival d’été de Québec depuis le début du 21e siècle. J’en aurais pour des heures…
Nous avons tellement été gâtés… Que dis-je… Nous avons tellement été pourris que cela semble désormais un droit acquis pour certains, ce concept de spectacle gratuit. À tous ces gens qui estiment que Stromae aurait dû jouer sur la Place des festivals, je vais vous en apprendre une bien bonne : pour voir un spectacle, il faut payer.
Pas tout le temps, il est vrai. Et n’ayez crainte, nous allons encore avoir notre lot de prestations gratuites dans les prochaines années. C’est un retour d’ascenseur normal de la part de festivals qui sont subventionnés.
Mais de grâce, n’allez pas vous plaindre quand un promoteur met une vedette à l’affiche dans une salle payante. Au fait, combien d’artistes francophones d’Europe ont présenté un spectacle payant en tête d’affiche – pas un spectacle collectif – au Centre Bell/Molson depuis le 1er janvier 2000? Cherchez bien, sans « googler »…
De mémoire, je ne vois que Patrick Bruel, Johnny Hallyday et Indochine. J’en oublie peut-être, mais le chiffre est inférieur aux doigts des deux mains. Peut-être même aux doigts d’une seule main… Donc, Stromae au Centre Bell, c’est un événement.
Très abordable
Et avec deux gammes de prix de billets (62,50 $ et 42, 50 $), on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un spectacle hors de prix. Les prix des billets pour Lady Gaga (2 juillet) vont de 48,50 à 219,50 $ et ceux pour voir Katy Perry (15 juillet) sont dans une fourchette comprise entre 43 $ à 168 $ Et je vous parie qu’il y aura plus de monde à ces deux spectacles-là qu’à celui de Stromae, un jeune homme dans la vingtaine qui n’en est qu’à son deuxième disque.
Je vous entends d’ici : « Vous avez le beau jeu, monsieur le chroniqueur, car vous assistez gratuitement à ces spectacles. » Vrai. Parce que c’est mon travail, mais mon « budget spectacles » lors des 14 derniers mois approche quand même les 2000 $. Quand je ne travaille pas, je paie.
Pourquoi? Parce que l’on peut désormais voler impunément la musique de n’importe quel artiste débutant ou établi, d’ici ou d’ailleurs. Le spectacle, pour ces derniers, est désormais la principale source de revenus.
Et comme je ne veux pas voir cet art nommé chanson ou musique disparaître, j’espère que nous sommes encore prêts à débourser collectivement pour assister aux prestations de ceux qui créent de la musique.