Que du vent : Les Cowboys fringants ruent de nouveau

Karl Tremblay et Jérôme Dupras en mode festif. Une image que l'on reverra souvent au cours des prochains mois en raison de la nature des compositions de l'album Que du vent. Photo d'archives. Courtoisie Annik MH de Carufel.

Après une expédition de trois ans – ainsi que quelques mois de repos et de création -, les Cowboys favoris du public sont de retour. Plus fringants et grinçants que jamais avec un album qui manie l’ironie, l’autodérision et la conscience sociale dans une mouture festive qui a un petit air de jeunesse. Rencontre.

Par Philippe Rezzonico

Dans la grande salle située au sous-sol des locaux de La Tribu, les membres du groupe québécois qui aura atteint des sommets de popularité sur disque et sur scène au XXIe siècle accueillent l’intervieweur avec la même affabilité que d’habitude en dépit des 67 entrevues données dans les 36 dernières heures.

Affables et confiants, peut-on ajouter, comme on peut l’être après 16 ans de carrière commune dont la prochaine (en 2012) sera la 15e de leur première parution sur disque (12 Grandes chansons). Il faut être un tantinet sûr de soi pour intituler un nouvel album Que du vent. Imaginez les jeux de mots assassins de la presse spécialisée si cette dernière estime que ce huitième album studio des Cowboys fringants – leur 11e au total – n’est pas bon.

«Et encore, on a failli l’appeler Hasbeen », lance Jean-François Pauzé en rigolant, faisant allusion à la chanson la plus rock du nouveau corpus.

Peut-être parce que le groupe n’a jamais douté de lui lors de la réalisation. Festif, disait-on plus haut. C’est un euphémisme. Ça fait longtemps que l’on n’a pas entendu un disque francophone québécois à consonance pop, folk et même rock, où le nombre de titres lancés sur des rythmiques endiablées surpasse le nombre de ballades ou de chansons à tempo moyen. A fond la caisse.

«Au plan de l’énergie, ce disque est sûrement plus près de ceux de nos débuts, confirme Pauzé. Le squelette de la rythmique est similaire à ce qu’on a toujours fait, mais on a quand même greffé quelques éléments nouveaux en cours de route.»

Retour du balancier prévisible d’un groupe qui avait mis au monde un splendide album texturé (L’Expédition) en 2008, mais dont la matière première n’était pas taillée sur mesure pour faire la fête.

«On s’en est rendu compte lors des premiers spectacles de la tournée de L’Expédition, note Marie-Annick Lépine. Les nouvelles chansons prenaient la place des anciennes comme Joyeux calvaire et Awikatchikaën et ça sautait moins. Ce nouveau disque est peut-être le premier qu’on a fait en pensant d’abord à la scène.»

Selon Marie-Annick Lépine, Que du vent a été créé en fonction de la scène. Photo d'archives. Courtoisie Annik MH de Carufel.

Aucun doute là-dessus : Télé, Paris – Montréal, Classe moyenne (avec anchois), Hasbeen et Party ! sont tapissées de refrains fédérateurs et de « woo-woo-woo ! » tous azimuts. Quand je souligne que cela risque d’être dynamité en spectacle, le regard de Karl Tremblay est sans équivoque. Il a visiblement très hâte de chanter ça sur les planches…

Plus percutant

Les Cowboys ont créé d’excellentes chansons humaines et socialement engagées sur les disques L’Expédition et La Grand-Messe. Que l’on pense à 8 secondes, Plus rien, Histoire de pêche, Droit devant et La tête haute. Des chansons que l’on compose et auxquelles on adhère à la fin de la vingtaine, quand le jeune adulte mûr délaisse l’ado fougueux de naguère.

Mais vu de l’extérieur, on a eu l’impression que ça amenuisait la force de frappe des chansons d’ordre sociopolitique. Monsieur et Lettre à Lévesque, par exemple, sont des titres bien foutus, mais moins rentre-dedans que ne l’étaient En berne, La Manifestation, Québécois de souche et Le Gars d’la Compagnie sur Break Syndical et Motel Capri.

Ce côté mordant est sérieusement de retour sur Que du vent, entre autres par l’entremise de Télé, un brûlot qui ne fait pas dans la dentelle envers ceux qui veulent passer sur écran HD. Sans nommer personne, on comprend que le spectre va d’une star mondiale comme Paris Hilton jusqu’au wannabe le plus pathétique.

Pour Jean-François Pauzé, les messages véhiculés par les Cowboys peuvent l'être sur un ton cabotin. Photo d'archives. Courtoisie Annik MH de Carufel.

«On veut toujours passer des messages engagés, mais on voulait ramener une forme d’ironie, des clins d’œil ludiques, un petit côté cabotin et des sourires en coin», assure Pauzé.

«C’est une façon de pointer l’individualisme, de parler des déficits d’attention du monde qui veut absolument être vu et entendu, note Jérôme Dupras. Ça va du blogueur qui en met trop jusqu’au lofteur.»

Quant aux politiciens, économistes et autres banquiers de ce monde, ils en prennent pour leur rhume avec Classe moyenne (avec anchois). Ça n’empêche toutefois pas les Cowboys de verser dans l’autodérision. Quand on les entend chanter dans Hasbeen : « Et pendant qu’on chante Toune d’automne/On fait semblant qu’on a du fun », on se dit qu’ils pensent déjà à la tournée qu’ils feront quand ils auront 50 ans.

« Peut-être bien aussi celle de l’an prochain », lance Jérôme.

«Ouais, parce que certains soirs, Toune d’automne… », ajoute Jean-François sans compléter sa phrase.

Émotion palpable

Cette énergie renouvelée n’empêche pas les Cowboys de livrer des chansons poignantes : du genre de Marilou s’en fout (une descente aux enfers), L’horloge (le destin de la vie) et Shooters, cette dernière ne pouvant être écoutée par un type comme moi sans penser à un certain lock-out.

Vies brisées, retraites remises en question, quête d’emploi et beuverie d’usage. Tout y est. Le plus beau, c’est que ce texte a été inspiré d’un événement bien précis, mais demeure universel dans le ton en raison de la façon dont il a été rédigé.

«C’est lié à la fermeture d’une usine dans notre coin, à L’Assomption, mais tout le monde qui vit ça peut ressentir la même chose, explique Marie-Annick. Il n’y a qu’une seule référence, celle du bar Le Portage.»

Revoilà donc les Cowboys en selle avec ce nouveau disque et une tournée qui s’amorce dès décembre et qui les mènera dans les régions du Québec ainsi qu’en Europe en fin d’année 2011 et en 2012.

Groupe de l’année en 2012 ?

Une situation qui mènera assurément à une autre nomination en 2012 dans la catégorie Groupe de l’année, au Gala de l’ADISQ. Rappelons que les Cowboys ont remporté le Félix décerné par le public il y a deux semaines, même si le groupe n’a pas été le plus actif des bands en nomination durant la période couverte par le scrutin.

Les Cowboys fringants: le groupe de l’année 2011. Photo Catherine Lefebvre

Jean-François Pauzé avait même demandé aux fans de ne pas voter pour eux. Que le commentaire ait été sérieux ou pas, il n’aura servi à rien. Les Cowboys ont gagné quand même, ils ont accepté le trophée du public avec humilité et notent que c’est la récompense pour l’ensemble formé par le disque et la tournée de L’Expédition. Mais si la situation se représente l’an prochain, l’approche va être différente, assure Karl.

«Cette fois, on va dire au monde de voter pour nous.»