Un Coup de coeur à saveur internationale

Coral Egan s'est appropriée les chansons de Ferland et Catherine Major comme si elles étaient siennes. Photo Jean-François Leblanc/Coup de coeur.

Quelle est votre chanson francophone coup de cœur ? Outre le fait que je mettrais des semaines à trancher entre deux douzaines de titres, je suis convaincu que mon choix serait différent dans six mois ou un an. Jeudi soir, pour l’ouverture de la 25e édition du Coup de cœur francophone, une poignée d’artistes a plongé sans filet de sécurité au Club Soda, spectacle d’ouverture oblige.

Par Philippe Rezzonico

Sympathique, le concept. Au parterre, on savait quels artistes allaient défiler sur scène, mais sans savoir ce qu’ils allaient interpréter. Ce n’était pas comme un spectacle hommage où l’on sait quel grand on célèbre et à quelles chansons on s’attend. Pas sûr non plus que le coup de cœur de ces artistes soit le même que le nôtre, tellement il y a de grandes chansons dans la francophonie.

Surtout que la brochette d’interprètes provenait d’horizons variés : Deux Québécois francophones (Luc De Larochellière, Pierre Flynn), une Québécoise aux racines libanaises (Alecka), une Montréalaise aux racines anglophones (Coral Egan), un Latino-gaspésien (Juan Sebastian Larobina), une Franco-ontarienne (Andréa Lindsay), un Sénégalais (Élage Diouf) et une Française de Toulouse (Marianne Aya Omac).

Immortelles consacrées ou chansons méconnues ? Répertoire québécois ou européen ? Au final, ce fut un peu tout ça et cela a brossé le portrait d’une chanson francophone aux saveurs internationales.

D’autant plus vrai que les sélections des artistes étaient souvent repêchées dans les catalogues de collègues « étrangers ». Lindsay, l’Ontarienne, a opté deux fois sur trois pour la France de Gainsbourg. Diouf a été visiter la Louisianne de Zachary Richard (excellente Cap enragé), Flynn s’est offert du Baschung, Larobina a choisi une chanson d’un anglophone qui chante en français (Jim Corcoran, présent dans la salle) et Aya Omac s’est attaquée aux Colocs. Comme quoi, l’intérêt envers une chanson n’a pas de frontières.

Comme c’est toujours le cas dans ces spectacles thématiques, parfois, c’est un artiste qui se démarque, tantôt, c’est une chanson qui fait mouche. Mais d’ordinaire, ce sont ceux et celles qui osent s’accaparer l’œuvre sans retenue et qui imposent leur personnalité qui enlèvent le morceau. Sur ce plan, Marianne Aya Omac et Coral Egan ont été les plus inspirées.

Les extrémités du spectre

La Française a montré l’étendue de son registre en livrant Le Répondeur avec une belle sensibilité en première partie, puis elle a déplacé les montagnes avec une livraison gigantesque (quelle voix !) de L’hymne à l’amour, comme si Piaf était réincarnée en elle. On ne pouvait être plus aux extrémités du spectre que ça.

Marianne Aya Omac a livré un Répondeur tout en douceur. Photo Jean-François Leblanc/Coup de coeur.

Coral Egan, séduisante dans une robe de soirée, a offert une version sexy et intense de J’veux pas dormir ce soir, l’amorçant en douceur sur son tabouret, puis concluant la chanson de Ferland comme un ouragan. A son retour, elle fut cette fois complètement aérienne en livrant La voix humaine, de Catherine Major. Frissons.

Imaginez un instant L’escalier, de Paul Piché, en mouture country-western-swing lancée à 100 miles à l’heure. Difficile, n’est-ce pas ? Ça se peut. Alecka, guitare en mains et l’accélérateur au plancher, l’a démontré. La plus déconstruite des chansons proposée.

Belle fougue, aussi, de Larobina, qui a presque mimé les pas de danse si particuliers de Corcoran pour J’vais changer le monde. Toutes les filles au programme et le grand Diouf sont venu le seconder pour danser sur les planches.

Ensemble et individuellement, Andréa Lindsay et Luc De Larochellière ont interprété Gainsbourg, Ferland et Vigneault. Photo Jean-François Leblanc/Coup de coeur.

Andréa Lindsay a été très solide avec une version psychédélique du Chat du café des artistes et son débit était fluide pour Le Poinçonneur des Lilas, du grand Serge. Jolie version de La Javanaise avec De Larochellière en duo, mais il manquait un peu de désir là-dedans. Remarquez, quand tu as vu Juliette Gréco et Diane Dufresne chanter ça deux fois dans ta vie, tout le monde passe deuxième…

Le traitement royal

Si Alecka a offert la version la plus métamorphosée de la soirée, c’est Pierre Flynn qui a extirpé la plus belle rareté, La nuit, du grand Gilles, que Vigneault lui-même avait oublié avant que Flynn ne lui propose de la faire en duo. Quant à La nuit, je mens, disons que le disparu Baschung a eu droit à un traitement royal, quoique moins sombre que ce qu’il nous offrait lui-même.

Pour lier tout ce beau monde, il y avait l’animatrice Monique Giroux qui fait partie du paysage du Coup de cœur francophone depuis le début. Elle s’est offert un genre de duo virtuel pour Il venait d’avoir 18 ans, avec sa performance du spectacle des Ratés sympathiques (les journalistes) de 1999.

Ça m’a soudainement rappelé que j’avais participé aux Ratés sympathiques de 2006 et que je m’étais – heureusement – payé la crise de pression qui m’a envoyé à l’hôpital au lendemain du show. Pas la veille.

On ne souhaite rien de tel en 2011. D’autant plus que le festival ne fait que commencer.