Whitney Houston et le sommet de l’Olympe

Photo promotionnelle du film The Bodyguard

Certains étaient éberlués, samedi, à l’annonce du décès de la chanteuse Whitney Houston à l’âge de 48 ans. D’autres n’étaient pas surpris une seconde, tant la dernière décennie de l’artiste avait été marquée par les problèmes familiaux et la toxicomanie. La réalité, c’est que Whitney Houston fut quelque part au tournant des années 1980 et 1990 la perfection vocale et féminine. Et qu’en dehors du sommet de l’Olympe, il n’y avait point de salut.

Par Philippe Rezzonico

Dans l’univers pop/rock/soul/blues élargi, rayon interprètes féminines, tu as grosso modo trois catégories. Primo, les chanteuses au talent exceptionnel qui savent s’adapter à tous les courants, traverser toutes les modes et résister à l’usure du temps. Je pense ici à Barbra Streisand, Dionne Warwick, Petula Clark et Shirley Bassey.

Tu as aussi les comètes fulgurantes qui irradient le ciel mais dont le mode de vie annonce déjà une fin prématurée. Difficile de trouver de meilleurs exemples que Janis Joplin et Amy Winehouse.

Et tu as celles qui sont tellement intouchables au moment où elles sont au sommet de la pyramide, que toute suite sera forcément déficitaire. Je pense ici à Aretha Franklin, Dusty Springfield et à Whitney Houston.

L’histoire ne se termine pas toujours par une fin tragique comme celle de l’interprète de I Will Always Love You. Et il y a parfois d’autres succès après le pinacle. Mais comme Aretha et Dusty, Whitney a eu une période où elle fut la référence et le modèle. Dans son cas, du moment de la parution de son éponyme album Whitney Houston (1985) jusqu’au film The Bodyguard (1992), qui allait l’immortaliser à jamais.

Certains diront qu’il était écrit dans le ciel que la jeune Whitney allait briller. Née d’une mère chanteuse de gospel (Cissy Houston), cousine de Dionne Warwick et filleule d’Aretha Franklin… Appelons ça de la génétique.

Zéro modulation

Dans les faits, la jeune Houston avait une voix puissante digne des disciples du gospel, elle était dotée d’un registre de mezzo-soprano, et pouvait soutenir une note avec un filé exceptionnel, sans aucune modulation. On repérait toutes ces qualités dans ses premiers succès, particulièrement The Greatest Love of All, à mes yeux sa plus grande interprétation, puisque sa voix était au service de la chanson et non l’inverse.

C’était moins vrai quelques années plus tard avec I Will Always Love You, où l’on sent que Whitney veut performer, en tenant le « And IIIIIIIIIIII !!! » et le « love Yoooooooouuuuuu !! » à l’infini. Spectaculaire, il est vrai. Et cela sera son héritage, toutes les Mariah Carey et Céline Dion de la terre ayant tenté de l’imiter par la suite.

On le disait plus haut : chanteuse exceptionnelle, beauté classique, comportement exemplaire. Le sommet de l’Olympe.

Doit-on obligatoirement voir une cause à effet avec son mariage avec Bobby Brown, en 1992 ? Toujours est-il que c’est à ce moment que Whitney devient moins parfaite dans l’œil du public, ce qui ne l’empêchera pas d’avoir du succès au grand écran et d’aligner d’autres chansons de prestige de là à la fin des années 1990.

Vers le bas

N’empêche, la descente, lente et graduelle, est amorcée et elle va s’accélérer dans les années 2000. Le parallèle avec Amy Winehouse est tentant, mais si l’on tient compte que Whitney avait près de deux décennies de succès derrière elle, je pense plutôt à Michael Jackson.

Si l’autopsie du corps de celle qui fut trouvée sans vie dans le Beverly Hilton – quartier général de la remise des prix Grammy – confirme son décès en raison d’excès de médicaments, de drogue et d’alcool, plusieurs diront qu’elle l’aura cherché, que c’était la faute des médias, de sa dépendance envers la drogue, de son ex-mari… Que sais-je ?

La triste réalité, c’est que le monde de la musique est impitoyable, particulièrement pour les interprètes féminines. Pour les hommes, si la voix tient, le reste est presque facultatif. Tony Bennett et Charles Aznavour le démontrent depuis plus de 60 ans.

Mais pour les femmes, il y aura toujours une plus jeune, plus belle, plus talentueuse, plus folle… Whitney le savait, mais elle ne pouvait probablement pas admettre qu’elle ne serait plus jamais au sommet de l’Olympe.

Il est malheureusement trop tard pour elle, mais nous sommes en droit ne nous inquiéter pour toutes les Adele et Lady Gaga de la nouvelle génération. Pour elles aussi, sous peu, il y aura une plus jeune, plus belle, plus talentueuse et plus folle qui va se pointer le nez.

Il n’est pas dit que Adele et Lady Gaga ne seront pas les Barbra Streisand et Madonna de leur génération, mais elles pourraient aussi en être les Janis Joplin et Amy Winehouse. Ce qu’on ne souhaite surtout pas.