A ce jour…: Michel Rivard n’a pas tout dit

Un regard en arrière avant de poursuivre l'aventure pour Michel Rivard. Photo courtoisie Spectra Musique/Valérie Jodoin-Keaton

Ça doit être le temps des Fêtes, tiens. Ou l’air du temps. Ou la fin du monde appréhendée par les Mayas. Que sais-je… Ces jours-ci, les grands du Québec rééditent, regroupent et refourguent… Après Paul Piché qui a fait dans la réédition unitaire (À qui appartient l’beau temps) et Richard Séguin qui nous a offert son anthologie (Ma demeure), voilà Michel Rivard avec son coffret À ce jour…

Par Philippe Rezzonico

Un coffret qui est uniquement ça : un coffret. Pas un coffret de grands succès car toutes les chansons enregistrées en studio 1977 et 2008 s’y trouvent. Pas une anthologie non plus. Et pas une intégrale, malgré la mention sur le communiqué officiel.

«Pour une anthologie, il y aurait eu des chansons de Beau Dommage, du spectacle des Filles de Caleb et des titres que j’ai écrit pour d’autres artistes, précise Rivard. L’anthologie, quelqu’un la fera quand je serai mort, rigole-t-il. Je n’avais pas le goût de me prêter à l’exercice de choisir moi-même les chansons qui pourraient y figurer.

«Et ce n’est pas une intégrale non plus, car les albums «live» n’y figurent pas. C’est tout ce que j’ai fait en studio depuis 1977. Chaque chanson avait sa raison d’être sur les albums parus depuis ce temps-là. Je n’avais pas le goût de juger.»

Lecture pour les oreilles

Peu importe l’appellation contrôlée que l’on peut lui donner, l’objet en soi est invitant. De la forme d’un gros livre, il contient huit disques studio de Rivard, tous les textes, et une courte mise en contexte du principal intéressé. Simple, mais pas simpliste. Sobre, mais attachant. On a le goût de le tenir dans ses mains, ce coffret, alors que l’on réécoute une œuvre qui aura touché plusieurs générations.

En revanche, le boulimique d’histoire en aurait voulu plus : des prises inédites, des démos, un texte biographique écrit par un Sylvain Cormier, tiens, comme il l’avait fait pour Stephen Faulkner et la compilation double Si j’avais un char en 1992. Rien de ça.

«Je ne voulais pas de bio, d’extras ni de fond de tiroirs, assure Rivard. Je ne voulais pas ce côté définitif de la chose. Par contre, je voulais profiter de l’occasion pour refaire le mastering des albums. Pour De Longueuil à Berlin, par exemple, le mastering n’était pas à la hauteur du travail accompli. On a donc profité de l’occasion pour mettre ça à jour.»

Le recul

Rivard a, forcément, dû réécouter tous les albums. Emphase, ici, sur le mot «dû». Je n’avais même pas besoin de poser la question. Tous les artistes – sauf les narcissiques – détestent réécouter leurs disques, d’autant plus vrai quand ils sont perfectionnistes comme l’est Rivard. Et puis? Un choc?

«Un drôle de feeling… De la fierté. Du bon ouvrage… Mais aussi, et c’est normal, des commentaires comme «telle chanson, peut-être que j’aurais dû prendre deux jours de plus.» Cette phrase-là était peut-être «un peu trop rapide». Mais dans l’ensemble, beaucoup de fierté et d’humilité. »

Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que presque tous ces albums sont intemporels au plan sonore, sauf Un trou dans les nuages, qui affiche clairement son époque. En revanche, c’est peut-être bien celui qui était le mieux enregistré de tous à sa sortie. Le compact des années 1980 sonne encore comme une tonne de briques.

«C’est vrai qu’il affiche sa période. Les synthétiseurs, c’était une mode. C’est peut-être le seul disque qui est lié au courant du moment, mais à l’époque, j’avais vraiment le goût de faire un disque avec des synthés. Je voulais savoir où je pouvais aller avec ça.»

Le boulimique

Dans la page de garde du coffret, Rivard écrit : « Huit albums originaux en trente et un  ans, c’est pas la fin du monde, mais c’est un maudit bon début. » En effet. Cela dit, en y regardant de plus près, un constat est frappant.

Finie la tournée, Michel Rivard retourne en studio. Photo d'archives/Catherine Lefebvre.

Si l’on tient compte que Rivière… (2008) est un disque de classiques réenregistrés, on note que depuis 1998 (Maudit bonheur), Michel Rivard n’a livré qu’un seul album studio de matériel original (Confiance, 2006). On en aurait pris plus, même si l’on sait que le grand Fly Bin a toujours un agenda plus chargé qu’un ministre de la Culture.

«J’ai écrit 36 chansons pour Les filles de Caleb, des chansons pour Isabelle (Boulay), pour Luce (Dufault), il y a eu les enfants et mes autres activités parascolaires (théâtre, télévision) et les tournées. Et curieusement, même si mes textes sont de plus en plus économes, je prends de plus en plus de temps à les écrire.

«À 61 ans, tu sais que tu peux écrire spontanément quelque chose et que tu peux le retravailler plusieurs mois plus tard.  Mais là, la chose que je désire le plus, c’est un album studio. Un maudit bon album studio. Me retrouver avec mon carnet, mon téléphone, mon pad… Pendant des mois. Avoir la discipline d’écrire tous les jours. »

Bref, Rivard n’a pas dit son dernier mot. Allez hop! Un album.

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Michel Rivard, À ce jour... (Spectra Musique)