Après dix années de carrière, une artiste a généralement plus d’atouts dans son jeu : voix ajustée, catalogue de chansons garni, présence de scène affinée, etc. Quand je suis sorti du Centre Bell, mardi soir, au terme du spectacle d’Avril Lavigne, je me disais que j’aurais préféré revoir le DVD de sa première tournée offerte au même endroit en 2003.
Par Philippe Rezzonico
Aucune production scénique digne de ce nom, band en mode « pilote automatique», enchaînements bancals, pas d’énergie communicative, absence d’écrans: nous avons probablement assisté au spectacle le plus navrant livré par une artiste de statut international depuis des lustres. C’était chiche et fade.
Une grande partie du blâme en incombe à la principale intéressée. Il faut vraiment que tu possèdes un catalogue blindé pour pouvoir offrir une tournée d’aréna sans aucun artifice. De Dylan jusqu’à Arcade Fire, en passant par Pearl Jam ou Springsteen, l’histoire a démontré que ça se peut. Avril ? Soyons francs. Elle a une demi-douzaine de chansons incontournables. Quand ton aréna est au tiers plein (seulement 5369 spectateurs), tu cours à ta perte.
Si, au moins, elle avait défoncé la baraque… Si elle s’était dépensée sans compter. Même pas.
La version de Sk8er Boi, pourtant l’un de ses plus gros tubes à décaper la peinture, n’était pas loin d’être amorphe en regard du passé. Note : j’ai vu toutes ses tournées. L’intro de Girlfriend a été sabotée par un pont instrumental qui n’avait aucune raison d’être là. Sa chanson la plus dynamitée a été moins dynamique que sur disque. Un comble.
Madame pose
Et il y a la manière… Avril, elle pose. Et pas juste pour les photographes durant les trois premières chansons. Zéro spontanéité. Combien de fois a-t-elle passé sa main dans ses cheveux ? Plus souvent qu’elle a crié «Montréal !». C’est vous dire. Au moins, elle a souri plus souvent que dans le temps…
A 27 ans – c’est encore jeune – elle se meut sur scène avec l’entrain d’une promeneuse du dimanche. Hé ! C’est un show rock que vous nous proposez, madame Lavigne ! Hayley Williams (Paramore) la vaut dix fois au plan de l’énergie brute, tandis qu’Amy Lee (Evanescence) a 100 fois plus de personnalité. Et on parle de contemporaines. Avant le segment «piano», il n’y a rien qui passait la rampe, sauf, peut-être, pour les gens en avant au parterre.
Une fois assise sur ledit instrument, la jeune femme qui a grandi à Napanee a tenté de se prendre pour Whitney Houston ou Céline Dion, poussant sa voix dans les hautes cimes. Pas une bonne idée. En revanche, l’interprétation de When You’re Gone a très bien tenu la route.
Trop peu dans ce spectacle qui a commencé trop tard à être un tant soit peu fédérateur, soit dans le dernier quart d’heure, avec une solide version de Happy Ending, une I’m With You reprise a cappella par la foule, et l’incontournable Complicated, en finale.
Les gars originaires de Trois-Rivières du groupe The New Cities, qui devaient gagner leurs galons avant Avril Lavigne, eux, ils ont tout donné lors d’une première partie énergique à laquelle a participé le bassiste de Simple Plan, David Desrosiers, en qualité de…batteur. Chouette.
Au final, je ne sais trop ce qui est le plus inquiétant pour la Canadienne : la maigre foule, le fait que le dernier spectacle de sa tournée Black Star n’a pas été l’événement attendu, ou les interrogations qu’elle doit se poser en vue de l’avenir. Car mardi, nous avons vu une Princesse Pop-Punk en Perdition. (*)