Nous avons tous un rapport différent avec la musique. Parfois, on choisit celle que l’on veut écouter selon notre état d’esprit. Tantôt, c’est la musique qui dicte notre humeur en raison de son pouvoir de séduction.
Par Philippe Rezzonico
Bref, dresser une liste d’albums marquants de 2011 dans l’océan de la production mondiale devient d’année en année une tâche plus ardue que jamais pour des raisons sur lesquelles on reviendra l’an prochain.
En attendant, voici cinq disques qui auront fait mon année, rayon production anglo-saxonne. Tous, pour des raisons différentes, tant leurs qualités ne sont pas les mêmes. A bien y penser, c’est probablement mon état d’esprit qui m’a incité à les écouter à répétition depuis leur parution, mais en définitive, ce sont leurs qualités intrinsèques qui s’imposent à tout coup.
Le disque irrésistible
The Black Keys, El Camino (Nonesuch) : Après Attack & Release et la percée mondiale générée par Tighten Up et Howlin’ For You de l’album Brothers, on se disait que la séquence de Pat Carney et Dan Auerbach était terminée. Puis, on a entendu la galopade effrénée de Lonely Boy, premier extrait de El Camino. Encore du gros, gros calibre. Des Lonely Boy, il y en a une demi-douzaine ici. Elles ont pour nom Gold On the Celling, Money Maker, Run Right Back, Hell of A Season, Nova Baby… Guitares acérées, batterie à la rythmique imparable, claviers dansants, mélodies mur-à-mur, effets de voix… Un disque absolument irrésistible. Tout ce que ces gars-là font depuis quelques années transforme en or. Rendez-vous obligatoire le 13 mars au Centre Bell.
Le disque vérité
PJ Harvey, Let England Shake (Island) : Toute vérité n’est pas bonne à dire, dit-on. Polly Jean Harvey n’en a jamais rien eu rien à foutre de la rectitude politique. Le portrait qu’elle brosse de l’Angleterre contemporaine – et du monde en général – à travers les chansons de Let England Shake n’a rien de rassurant. Mais au plan artistique, il y a de quoi être comblé. Voix aérienne et nasillarde, guitares aiguisées, autoharpe tranchante, piano résonnant, ambiances sonores à faire peur et mélodies accrocheuses : PJ nous entraîne dans son monde où il bien difficile d’émerger intact à l’écoute de la chanson-titre, In the Dark Place, On Battlefield Hill, The Words That Maketh Murder, The Last Living Rose ou Hanging In the Wire. Parfois cru, souvent étoffé. Majeur, sans l’ombre d’un doute.
Le disque vocal
Adele, 21 (XL) : Marrant. Je n’ai pas vu ce disque figurer dans beaucoup de listes de fin d’année ces dernières semaines. Pourtant, on parle de l’album le plus vendu de 2011. Et dieu qu’on a écouté Rolling In the Deep, Rumour Has It, Don’t You Remember et Set Fire to the Rain cette année. C’est vrai. J’oublais… Quand tu deviens populaire, tu baisses dans l’estime de plusieurs, surtout des branchés qui adulaient Adele quand elle jouait pour 150 d’entre nous dans une salle montréalaise il y a quelques années. Je n’ai pas changé d’allégeance. Elle était bonne à ses débuts. Elle l’est toujours. Pour une fois qu’on a une chanteuse de talent qui nous offre le meilleur disque vocal de l’année et non pas… (insérez le nom que vous voulez ici…..), on ne va pas l’écarter de notre liste.
Le disque planant
Bon Iver, Bon Iver (Jagjaguwar) : Oui, cet album est vachement plus chargé au plan sonore que le précédent de Justin Vernon, qui était plus folk, plus acoustique. On a droit ici à l’armada d’instruments que l’on a vu défiler sur la scène du Métropolis il y a quelques semaines (batterie, percussions, guitares, pedal steel, cordes, cuivres) et on en passe. Pourtant, chaque fois que j’écoute ce disque, je plane. C’est probablement dû à la voix de fausset de Vernon qui parvient à se détacher du lot ou aux ambiances si particulières. Sais pas et je ne veux pas le savoir. C’est ça, la magie d’un disque. A écouter de préférence tard le soir.
Le disque (re) découverte
Some Girls, The Rolling Stones (A&M) : Oui, je sais et je connais. Some Girls date de 1978. J’ai assez souvent entendu Miss You sur les planchers de danse cette année-là… Mais c’est de l’autre disque que je veux parler. Celui qui contient 12 chansons inédites greffées à l’édition double. Retouchées par Jagger – ce perfectionniste -, mais néanmoins créées à cette époque. So Young, pur Rock N’ Roll avec un solo classique de Keith ; When Your Gone, blues crasseux nappé d’harmonica qui aurait pu être sur Beggars Banquet ; You Win Again, reprise country inspirée plus proche de celle de Jerry Lee Lewis que celle de Hank Williams; et relecture furieuse de Tallahassee Lassie, qui envoie celle des années 1950 de Freddy Cannon aux oubliettes. Diable ! Un disque entier des Stones datant de 1978 révoilé en 2011… C’est pas le bonheur, ça ?