Bilan spectacles (1) : Dix messes musicales pour 2011

Prince aura joué durant plus de dix heures sur des scènes montréalaises cette année. Une paille. Photo d'archives. Courtoisie Pascal Ratthé.

Trois spectacles de Prince – quatre, en comptant son show privé au Newtown -, des doublés de U2, de Paul McCartney, d’Arcade Fire, de Bon Jovi, des Pixies… A bien y penser, résumer l’année spectacles 2011 tient beaucoup aux nombres de messes musicales vues ces 12 derniers mois.

Par Philippe Rezzonico

Oui, messes. Les rassemblements gigantesques, spectacles d’artistes mythiques, performances légendaires et marathons historiques semblaient avoir le même dénominateur commun.

Était-ce dû aux prix parfois prohibitifs des billets, à l’économie aussi chancelante que nos infrastructures, au sentiment de rage lié à la corruption généralisée dans nos sociétés ou aux printemps et automne de révolte observés dans le monde ? Je l’ignore. Mais rarement ai-je vu tant de gens assister à des spectacles avec le désir que le moment présent soit de l’ordre de l’instant culte, où artistes et public vivent et vibrent d’une seule et même voix.

A l’arrivée, on termine l’année avec des tympans qui en garderont des séquelles permanentes, des images qui seront à jamais incrustées dans notre mémoire et des sentiments de bonheur que l’on conservera notre vie durant.

Vus dans le plus gros club en ville, dans l’aréna du coach unilingue, dans un parc immense ou sur un site gigantesque aménagé pour un seul week-end, ce premier volet récapitulatif ne comprend que ces événements hors normes. Oui, il y a pas mal de noms qui reviennent plus d’une fois. Normal. C’est comme pour la messe. Faut y aller plus d’une fois par année.

1 – Prince, 24 juin (Métropolis) : Il ne voulait plus partir. On ne voulait pas s’en aller. Quatre heures de performance, de 23h30 à 3h30 du matin. Le plus gros jam musical de l’histoire jamais vécu dans un club, des relectures insensées de classiques (Crimson And Clover, Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin), Play That Funky Music), une énergie jamais démentie, des succès à la pelletée (Purple Rain, Let’s Go Crazy, Raspberry Beret, Little Red Corvette, Delirium, 1999), six ou sept rappels, un délire indescriptible… Mythique.

Quatre heures consécutives de fièvre musicale et de délire au Métropolis. Photo d'archives. Courtoisie Pascal Ratthé.

2 – Paul McCartney, 26 juillet (Centre Bell) : Pour ceux qui étaient aux couches quand les Beatles déferlaient sur l’Amérique de 1964, la Beatlemania demeure un phénomène appris dans les livres d’histoire. Plus maintenant. Ce soir-là, tout le monde était hystérique durant et après All My Loving. Paul n’en revenait pas lui-même. Ce fut de ce calibre durant trois heures avec les chansons de Paul de toutes les époques, mais aussi celles de John et de George. La Beatlemania a réellement existé. Je l’ai vécue. Légendaire.

Paul McCartney aura offert deux spectacles au Centre Bell cet été.

Paul McCartney aura démontré que la Beatlemania peut encore exister, près de 40 ans après sa naissance. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

3 – U2, 9 juillet (Hippodrome) : Gigantisme parfaitement maîtrisé, groupe au sommet de son art, structure de scène jamais vue, rassemblement monstre de 81, 000 personnes : ce deuxième spectacle de U2 ne fut rien de moins que la perfection à grande échelle avec une sélection de chansons supérieure à la veille, puisque New Year’s Day et Out of Control étaient cette fois de la partie. Tout comme le beau temps. Grandiose.

U2 en spectacle à l'hippodrome de Montréal

U2 aura attiré 162 000 spectateurs pour son doublé estival sur le site de l'hippodrome de Montréal. Photo courtoisie evenko.

4 – Paul McCartney, 27 juillet (Centre Bell) : L’effervescence de la veille était moindre, mais la sélection était peut-être supérieure avec la présence de I Saw Her Standing There et l’impensable rareté qu’est Things We Said Today. Mais là, on fait dans le détail. A la fin, c’est sidérant qu’un artiste de 69 ans offre en succession deux marathons de trois heures de ce calibre. Incroyable.

5 – Arcade Fire et Karkwa, 22 septembre (Place des Festivals) : Le meilleur groupe d’expression anglophone et le meilleur groupe francophone québécois de leur génération réunis. A eux deux, Arcade Fire et Karkwa totalisent plus de dix trophées (Grammy, Polaris, Brit Awards, Junos, Félix) récoltés en 2010 et 2011. Une soirée parfaite où les deux solitudes étaient pour une fois rassemblées par la musique. Historique.

Régine Chassagne, Tim Kingsburry et leurs collègues ont fait le plein à la Place des festivals. Photo d'archives. Courtoisie Catherine Lefebvre

6 – Eminem, 29 juillet (Parc Jean-Drapeau) : Il y a dix ans, le joueur de basketball Charles Barkley disait que le monde s’en allait chez le diable parce qu’un Noir (Tiger Woods) était le meilleur golfeur et qu’un Blanc (Eminem) était le meilleur rappeur. Une décennie plus tard, Marshall Mathers est toujours le meilleur rappeur. Rayon claque dans la gueule, difficile d’être plus efficace et percutant qu’il le fut au Festival Osheaga devant une marée humaine. Jubilatoire.

7 – U2, 8 juillet (Hippodrome) : Le premier spectacle de U2 était aussi bon que le second, d’autant plus que la frénésie était à son comble pour le retour des Irlandais chéris de Montréal après six ans d’absence. Mais comme il faut trancher quelque part… Les impératifs d’une retransmission web en direct, une I Will Follow un peu ralentie à mon goût et le ciel qui nous est tombé sur la tête à la fin du spectacle ont coûté quelques rangs à ce spectacle fabuleux.

8 – Prince, 25 juin (Métropolis) : Dix-huit minutes… Ce fut la durée des applaudissements et des cris de la foule entre le moment où Prince et ses collègues ont quitté la scène, le 26 juin, à 3 :01 du matin…et leur retour à 3 :20, pour interpréter Purple Rain. Avec uniquement six ou sept chansons du premier show jouées au second qui a duré trois heures et demie. C’est du catalogue, ça! Irréel.

9 – Jay-Z et Kanye West, 22 novembre (Centre Bell) : Avec les egos de ces artistes, on pouvait s’attendre au pire. Erreur. On a eu droit au meilleur. Complicité évidente, plaisir palpable, hymnes fédérateurs partagés par une génération qui a grandi avec le hip-hop dans ses veines comme d’autres l’ont fait avec le rock avant eux, ce marathon de trois heures fut mémorable. Classique instantané.

10 – Arcade Fire, 21 septembre (Métropolis) : Offerte devant bien moins de monde que le lendemain sur la Place des festivals, cette performance est néanmoins la meilleure jamais livrée par Arcade Fire à Montréal. Pourquoi ? Parce que le band jouait enfin dans une salle de spectacle digne de ce nom et la sono était tellement parfaite qu’on a entendu des notes dans certaines chansons qu’on n’avait jamais entendues auparavant. Événement rarissime.

Demain : Dix grands spectacles internationaux…à échelle humaine.