
Jim Kerr, Charlie Burchill et Sarah Brown. Simple Minds était en feu au Métropolis. Photos Catherine Lefebvre.
Après avoir dressé la liste des cinq spectacles inespérés de 2013 – hors-normes, parce que vraiment inattendus -, il faut maintenant faire le vrai « Top 10 ». En fait, c’est surtout une façon honnête de tricher, parce qu’avec 164 shows sous la ceinture au cours des douze derniers mois, même un « Top 15 » anglo-saxon représente un pourcentage inférieur à dix pour cent de l’ensemble des prestations vues.
Par Philippe Rezzonico
En toute objectivité, la qualité d’ensemble étant ce qu’elle est, j’aurais pu inverser la moitié des spectacles notés ici avec d’autres formidables moments de scène. Mais il faut trancher et ce sont souvent les plus généreux (durée de show, raretés ou rappels) qui remportent la palme dans mes listes.
Listes qui devraient être chapeautées du titre de spectacles « préférées » plutôt que « meilleurs ». Après tout, nous n’aimons pas tous les mêmes choses.
Paul McCartney (Plaines d’Abraham, Québec), 23 juillet: Forcément, ce spectacle ne pouvait rivaliser avec celui du 400e anniversaire de la ville en 2008. La notion événementielle, l’effet de nouveauté et la marée humaine (spectacle gratuit) n’y étant plus.
Mais plus de la moitié du répertoire était différent de celui de 2008, des tas de titres (Eight Days A Week, Your Mother Should Know, Lovely Rita, All Together Now, Being for the benifit of Mr. Kite) n’avaient jamais été joués à Québec et PoPaul nous a gratifié d’un test de son de 45 minutes où 11 des 14 chansons interprétées (notamment Honey Don’t, Blue Suede Shoes, It’s So Easy, Penny Lane, Midnight Special) n’étaient pas dans le spectacle en soirée. L’impensable boni.
J’ai entendu ce soir-là plus d’une demi-douzaine de chansons interprétées par Macca que je n’avais jamais entendues de ma vie. Je me pince encore.
The Rolling Stones (Centre Bell), 9 juin: En décembre 2012, à New York et au New Jersey, Mick, Keith et leurs potes avait démontré après cinq ans d’absence de la scène la raison pour laquelle leur groupe a marqué l’histoire. Ce ne fut pas différent l’été dernier.
(I Can’t Get No) Satisfaction, Get of My Cloud, Paint It Black, The Last Time (Avec Win Butler, d’Arcade Fire), Gimme Shelter, Jumpin’ Jack Flash, Midnight Rambler (avec Mick Taylor), Honky Tonk Women, You Can’t Always Get What You Want, Sympathy For the Devil… Les Stones n’avaient pas interprété autant de tubes issus des années 1960 dans un show à Montréal depuis 40 ans.
Normal, lors de la tournée 50 and Counting, me direz-vous, mais tout est dans la manière. Mick Taylor a livré la version la plus frénétique de Midnight Rambler qui soit et Keith Richards a transformé sa guitare en hachoir lors d’une Jumpin’ Jack Flash du calibre de Metallica. Ce n’est toujours que du Rock n’ Roll, mais les Stones en sont encore et toujours les rois.
Beck (parc Jean-Drapeau, Festival Osheaga) 3 août: Après un moment, je me suis demandé quand Beck avait-il été aussi exceptionnel, lui qui est toujours excellent?
La réponse m’a sauté aux yeux et éclaté aux oreilles avec les fusions de Tainted Love et Modern Guilt, Think I’m In Love et I Feel Love, ainsi que Billie Jean et Sissyneck. Maîtrise totale, génie musical à l’œuvre et le meilleur spectacle de Beck depuis l’intouchable show de 1997 au Métropolis. C’était tellement bon que tout le monde a oublié avoir vu ce spectacle sous la pluie.
Simple Minds (Métropolis) 21 octobre : Rare sont les groupes qui reviennent en ville quelque 30 ans après leur dernier passage et qui arrivent à soutenir la comparaison. Jim Kerr et ses collègues de Simple Minds n’ont eu aucun problème à le faire face à cette foule conquise qui revivait sa jeunesse. Kerr ne semblait rien avoir perdu de la sienne à en juger par la qualité de sa voix et le nombre de fois qu’il s’est agenouillé sur scène.
Une prestation qui ressemblait bien souvent à une liesse collective et l’occasion avec mon pote Mario de se souvenir que l’on entendait du Simple Minds dans les clubs que l’on fréquentait au début des années 1980.
Shirley Alston-Reeves/Freddy Cannon/The Crystals (Rialto) 13 avril: Paul McCartney et Mick Jagger ne sont pas les artistes les plus âgés à trôner dans ce palmarès. Shirley Alston-Reeves, chanteuse soliste des Shirelles, était déjà une vedette dans les années 1950. La dame a pourtant aligné les légendaires Will You Love My Tomorrow, Mama Said, Tonight’s the Night et Baby It’s You (reprise par les Beatles) avec une voix intacte.

Shirley Alston Reeves (au centre), encore la plus belle voix des années 1950, toujours en activité. Photo courtoisie Théâtre Rialto/Daniel Torchinsky
Quant à Freddy Cannon – encore plus âgé -, il a cartonné avec ses Tallahassee Lassie, Palisades Park et Way Down Yonder In New Orleans comme s’il avait encore 50 ans. Et Dee Dee et ses Crystals ont entonné les Da Doo Ron Ron, Then He Kissed Me et autres He’s A Rebel. Et téléportés aux origines du rock, étions-nous.
Heart (Centre Bell) 25 mars: Si Shirley Alston-Reeves fut la pionnière des groupes de filles, les sœurs Ann et Nancy Wilson de Heart auront été le plus beau fleuron des duos rock au féminin. Au fait… Pourquoi parler au passé?
Heart est toujours le duo féminin-phare du rock, 40 ans après ses débuts. Et Ann Wilson ridiculise désormais au plan vocal tous les Robert Plant et Roger Daltrey de sa génération. Il fallait entendre ses reprises de Black Dog et Love Reign O’er Me… Et Nancy donne son fameux coup de pied à la lune en intro de Crazy on You comme si elle avait 28 ans, pas 58. Et… C’est ça.
The Breeders (parc Jean-Drapeau, Festival Osheaga) 3 août: Il y a quelques spectacles que tu vas voir par pur nostalgie et celui-là qualifiait encore bien plus que celui des Rolling Stones. Entendre intégralement et en séquence toutes les compositions de Last Splash 20 ans après sa sortie en 1993 était un pur plaisir.
Et si les frangines Kim et Kelly Deal n’affichaient plus le look vu au Spectrum en 1995, elles jouaient leurs classiques avec tellement plus d’intensité que naguère. Le plaisir coupable de 2013.
Pink (Centre Bell) 12 mars: Poursuivons avec les filles, tiens. Lady Gaga, Rihanna et consorts ont défilé au Centre Bell en 2013, mais personne n’a aussi bien condensé l’essence pop, l’aspect dance, la hargne rock et la notion de spectacle à grand déploiement que Pink.
http://www.youtube.com/watch?v=VN2JyTx9XNE
J’ai beau ne pas être un inconditionnel de sa musique, l’athlétique chanteuse qui a survolé la foule accrochée à un harnais durant So What a été éblouissante à tous points de vue. Ce show, ce fut l’amour entre ciel et terre.
The Cure (parc Jean-Drapeau, Festival Osheaga) 2 août : C’était magnifique d’entendre Robert Smith chanter avec une telle voix et de savourer le catalogue sans fond des Cure alors que le groupe était si habité. Il fallait voir les yeux de Smith sur grand écran pour en être convaincu. Commentaire unanime émis par les collègues et amis : « Quand est-ce que The Cure a été aussi bon à Montréal? ». Réponse tout aussi unanime : « Les années 1980 ».
Rod Stewart (Centre Bell) 14 décembre : Je ne pensais plus jamais mettre un spectacle de Rod Stewart dans une liste de fin d’année. L’ai-je déjà fait?
Outre la qualité indiscutable de sa performance, Rod nous a – enfin – démontré qu’il pouvait nous surprendre en sortant des boules à mites The Killing of Georgie et en acceptant de chanter Sailing à la demande pressante du collègue Richard Burnett, chroniqueur à The Gazette. Thanks, mate.
Aussi dignes de mention : New Order, Boz Scaggs, Lee Rocker, Wax Taylor, NIN, The Cat Empire, Lady Gaga, Paul Anka, Joshua Redman, Chris Isaac, Jake Bugg, Charles Bradley, Pink Martini, Jacky Terrasson, Wanda Jackson, Franz Ferdinand, Bettye Lavette, Charles Llyod et Lyle Lovett.
Les rendez-vous partiellement ou totalement ratés:
Nelly Furtado, qui se cherche.
Tricky, qui était festif, mais brouillon et complètement défoncé.

Bonne idée, de faire monter des fans sur scène. Mais quand s'est pour suppléer à tes manques, ça perd de son impact. Photo Catherine Lefebvre
Cyndy Lauper, qui aurait dû livrer l’intégralité de She’s So Unusual en fin de spectacle, pas au début.
Feist, qui fait impasse sur presque tous ses succès sur la Place des Festivals. Pas bon.
Leon Russell. Au secours l’orgue en canne!
Thirty Seconds To Mars : mon pire show de 2013.
Le vrai de vrai rappel pas prévu : Boz Scaggs (troisième rappel) avec Harbour Lights.
Le bel hommage : China Forbes, de Pink Martini, qui chante Ma solitude, de Moustaki.
Le bonnet d’âne de l’année: Le technicien qui a coupé le son à 23h03 au Festival Osheaga, quand The Cure interprétait Boys Don’t Cry.
Les fausses explications : Fleetwood Mac, Macy Gray, Kanye West, entre autres, ont annulé des spectacles prévus à Montréal cette année. Raison de logistique, de sortie de disque, de problème avec de l’équipement de scène… Bla-bla-bla… Oubliez ça. Il n’y avait tout simplement pas assez de billets de vendus.
La déclaration de l’année (le rappeur Kanye West) : « We the new rock stars and I’m the biggest of all of them! » Pas besoin de traduire. J’entends d’ici Jagger, Richards, McCartney, Dylan, Angus Young et Bowie se rouler par terre.