Bilan spectacles 2014 : 20 grands moments et quelques dérapages

Stromae: un bombardement sensoriel constat. Photo courtoisie FrancoFolies/Frédérique Ménard-Aubin

J’ai vu des tas de bilans de disques au cours du dernier mois. Mais pratiquement aucun des meilleurs – ou pires – spectacles de l’année. Pourtant, désormais que la musique ne vaut plus rien (merci U2), c’est avec le prix parfois exorbitant des spectacles que le consommateur/amateur de culture se fait avoir ou pas.

Par Philippe Rezzonico

Heureusement, la majorité des artistes se prépare adéquatement et se donne sur scène. Cela mène à ce bilan très personnel de spectacles vus ici et ailleurs. Très majoritairement d’exceptionnels à excellents… mais avec quelques dérapages. On se souhaite une année du genre en 2015.

1 – Stromae, Centre Bell, Francofolies de Montréal, 17 juin: Éblouissant, spectaculaire, brillant, ingénieux, sensible, jouissif, irrésistible : mettez les qualificatifs que vous voulez, ils résument tous l’ambiance, l’état d’esprit et la folie universelle que Stromae a su propager ce soir-là.

Quand je pense que des gens voulaient voir ça gratuitement sur la place des Festivals… Pour voir un spectacle de ce calibre, il faut payer. Paul Van Haver n’a pas volé un sou du prix demandé pour ses billets. Le show de l’année. Point.

2 – Diana Ross, Théâtre du Madison Square Garden, New York, 21 juin: Voix éclatante, prestance et robes spectaculaires, Diana Ross a offert le meilleur survol de répertoire d’un artiste de légende que l’on peut espérer. Des succès, des succès et encore des succès, notamment cette jouissive séquence de bombes des Supremes (My World is Empty Without You, Where Did Our Love Go, Baby Love, Stop! In the Name of Love, You Can’t Hurry Love, Love Child) qui a mis le théâtre du MSG sans dessus dessous.

C’est pour cette raison que c’est le spectacle de New York et non pas celui tout aussi excellent présenté au FIJM à Montréal qui figure à mon palmarès. À New York, TOUT LE MONDE était debout TOUT LE TEMPS. Sauf pour deux ballades. Il faut bien trancher quelque part…

3 – Justin Timberlake, Centre Bell, 25 juillet: quelque six mois après ce spectacle, je cherche dans ma mémoire un défaut qui m’aurait échappé. Je ne trouve toujours pas. Voix porteuse, fougue indéniable, chorégraphies redoutables et la plus impressionnante passerelle jamais vue pour survoler une foule massée dans un aréna. La quintessence de ce que doit être un show pop au XXIe siècle.

4 – Keith Jarrett, FIJM, Maison symphonique, 28 juin: On a eu peur qu’il se fâche, que quelqu’un tousse ou prenne une photo à la dérobée, qu’il fiche le camp ou qu’il se fâche. Rien de tout ça n’est arrivé.

Visiblement bien luné, Jarrett était dans un état de grâce plus souvent qu’à son tour : motifs récurrents avec la main gauche, bouquets d’étincelles de la main droite. Et nous avons eu droit à trois rappels!!! Et le récital a été enregistré (on veut un disque)! Pour celui qui avait multiplié les écarts de conduite au cours des ans, ce spectacle fut une rédemption totale.

5 – Les vieilles canailles, Palais Omnisports Paris-Bercy, 8 novembre: Les potes du Square de la Trinité, Jacques Dutronc, Johnny Hallyday et Eddy Mitchell, ensemble sur scène pour la toute première fois. L’événement musical de l’automne à Paris : 214 ans d’âge, plus de 150 ans de métier et 100 000 spectateurs en six soirs.

Aucune chance de voir ça à Montréal. Donc, acte : achat de billets (spectacle et avion) et 5000 kilomètres plus tard, on pleure en entendant J’ai oublié de vivre pour la première fois, on explose quand le trio s’offre Noir c’est noir, on voit Johnny et Eddy s’éclater à chanter Les Cactus, Dutronc nous dire C’est moi et moi et moi et Eddy de répliquer que C’est un rockeur. Et les trois vieilles canailles qui s’amusent comme s’ils avaient 17 ans. Et nous aussi…

Lorde: le triomphe. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

6 – Lorde, Festival Osheaga, 3 août: quand j’avais 17 ans, les adolescentes de mon âge ne ressemblaient pas à Lorde. Aucune d’elle n’avait une telle voix, une telle dégaine, une telle présence. Habitée, investie, la Néo-Zélandaise qui donnait parfois l’impression d’être une marionnette retenue par des fils invisibles sur scène a affiché une maîtrise vocale et scénique qui fait défaut à des artistes qui n’ont pas dix ans de carrière.

7 – Ronnie Spector, Pop Montréal, Théâtre Rialto, 19 septembre: L’histoire de la vie de Ronnie Spector est aussi tragique les chansons qu’elle a popularisée avec les Ronnettes sont légendaire. Avec le spectacle Beyond the Beehive, on a eu les deux : les histoires d’horreur avec le réalisateur fou nommé Phil Spector et une Ronnie qui a chanté Be My Baby, Baby I Love You et Walking In the Rain comme si elle était toujours dans les années 1960. Baby, je t’aime…

Chant, images et vidéos au programme. Photo courtoisie Pop Montréal/Domincik Mastrangelo.

8 – Heart, Centre Bell, 14 juin : Des grands shows de Heart, nous en avons vus quelques-uns. Mais un spectacle de Heart jumelé à un autre de Led Zeppelin, c’était inédit. Avec Jason Bonham à la batterie, Ann et Nancy Wilson ont revisité le catalogue de leurs idoles et mis fin à un débat stérile. Si Jimmy Page, John Paul Jones et le fils Bonham veulent remettre Led Zep sur les rails, ils n’ont qu’à prendre Ann Wilson à la place de Robert Plant. Personne sur cette planète ne chante Led Zep comme Ann Wilson le fait.

9 –

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Black Sabbath, Centre Bell, 7 avril: C’était soir d’élections au Québec. Le peuple a voté vert, orange, bleu et majoritairement rouge. Au Centre Bell, tout le monde a voté noir. Est-ce pertinent de jouer du métal à l’âge de la retraite? Ozzy, qui ne se souvenait plus de son nom il y a dix ans à la télé, Tony, le survivant du cancer, Geezer et tout le monde présent a répondu oui dans l’amphithéâtre du Canadien transformé en église pour un vote noir sans dissension.

10 – Nick Cave and the Bad Seeds, Festival Osheaga, 2 août: Du placide à l’explosif, guitares, basses, violon et batterie sont capables de toutes les ruptures, de toutes les douceurs, de tous les crescendos avec Nick Cave qui narre, chante ou hurle ses compositions comme si c’était la dernière fois. Comme s’il voulait que chaque spectateur ne l’oublie jamais. Et la jeune asiatique qui a touché le doigt de Cave comme dans une fresque de Michel-Ange s’en souviendra toute sa vie. Dense, intense et dramatique.

Nick Cave: l'intensité à son meilleur. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

11 – Metallica, Heavy Montréal, 11 août: la consécration du festival Heavy Montréal. La vision de la marée de monde derrière moi durant For Whom the Bells Tolls restera à jamais gravée dans ma mémoire. Frissons.

12 – John Fogerty, Centre Bell, 12 novembre: pour nous avoir ramené en 1969 comme si nous y étions encore.

13- Twister Sister, Festival Heavy Montréal : pour avoir joué l’intégrale de Stay Hungry (1984) comme s’il venait de voir le jour.

Dee Snider de Twisted Sister. Photo courtoisie evenko/Tim Snow

14 – Charles Aznavour, Centre Bell, 17 septembre: comme d’habitude, ses chansons ont remonté le temps et lui a remonté le sien. Livrer à 90 ans un spectacle du calibre de ceux qu’il offrait à 75 semblait impensable. Et pourtant…

15 – Bruce Springsteen, Times Union Center, Albany, 17 mai: un spectacle de raretés espérées depuis toujours (Seaside Bar Song), de reprises inattendues (Treat Her Right), de nouveautés décapantes (High Hopes) et de relectures monstrueuses (The Ghost of Tom Joad, avec Tom Morello). Le Boss se réinvente toujours.

Tom Morello, Bruce Srpingsteen et Nils Lofgren. Photo tirée de Backstreets.com

16 – Tom Petty, Centre Bell, 28 août: formidable retour à Montréal de l’American Boy qui aligne ses succès (voir définition de Diana Ross plus haut). Et avec Steve Winwood en première partie, on avait le meilleur programme double de l’année.

17 – Étienne Daho, Olympia, Paris, 5 novembre: Un coup de hasard, un – autre – billet acheté sur le web (voir définition des vieilles canailles) et près de deux heures de délire dans un Olympia surchauffé. Rien de tel pour de tenir éveillé sur un décalage horaire après 37 heures sans sommeil.

Étienne Daho a fait vibrer l'Olympia. Photo FB Étienne Dado

18 – Elton John, Centre Bell, 5 février: Banal, Elton John? Pas quand il nous offre une tournée visant à souligner les 40 ans de Goodbye Yellow Brick Road dont plus de la moitié des chansons sont interprétées.

Elton John: des tubes, de l'amour et du plaisir. Photo Flickr

19 – Arcade Fire, Air Canada Centre, Toronto, 13 mars : Oui, le spectacle à Montréal au parc Jean-Drapeau était formidable. Oui, vous y étiez (moi aussi). Mais la tournée de Reflektor a été conçue pour une configuration d’aréna et ce spectacle faisait diablement plus effet en vase clos que dans un espace à ciel ouvert.

20 – Martha Reeves and the Vandellas, B.B.King Club, New York, : un billet sur le web (air connu) et, coup de pot, une place au pied de la scène face à la section de cuivres. Ça a chauffé durant Heatwave et Dancing in the Street.

Les dérapages…

La folle de l’année: la dame dans la première rangée au spectacle d’Eric Burdon présenté à l’Olympia de Montréal à l’automne. Tellement dérangeante que Burdon l’a envoyé se faire voir…et a foutu le camp en omettant une chanson de rappel.

Le show désastre: Aretha Franklin, le malaise royal.

Le show triste: B.B. King, c’est la fin.

Le show chiche: Elvis Costello, l’apéro écourté de Monsieur, le somptueux souper de Madame.