Les petits garçons veulent devenir policier, pompier, médecin ou avocat quand ils seront grands. Le plus souvent, ils veulent faire le même métier que leur papa. Mineur, tiens… Surtout quand tu vis dans une bourgade du Nord de l’Angleterre comme le jeune Billy Elliot. Mais Billy, il n’a jamais voulu être mineur. Il voulait danser. Pour être libre.
Philippe Rezzonico
Film à succès lors de sa sortie en l’an 2000, Billy Elliot est devenu depuis 2005 une production-phare des scènes londoniennes et new-yorkaises et prend l’affiche jusqu’à dimanche à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.
Billy Elliott est de cette lignée de musical classiques: une production où l’histoire a autant d’importance que la musique. En ce sens, les affinités sont bien plus prononcées avec West Side Story, qui opposait deux gangs de New York, qu’avec Mama Mia!, où le but était d’enchaîner les tubes d’Abba.
Du contenu
Ici, la grève des mineurs britanniques sous l’égide du gouvernement de Margaret Thatcher au milieu des années 1980 est bien plus qu’une toile de fond. Sa résultante – le passage à tabac des syndicats et la disparition graduelle des mineurs en raison de l’importation de charbon du gouvernement britannique – est une raison de plus pour le jeune Billy de s’émanciper et de quitter sa ville natale qui est en sursis.
De toutes façons, sa carrure frêle et son incapacité chronique à prendre des coups sur la gueule (ceux de son père, de son frère ou de son entraîneur de boxe) le marginalise d’emblée.
Sur ce plan, l’intégration des éléments (luttes des mineurs, présence policière, fumiers de briseurs de grève et peuple qui crève de faim) est impeccablement intégrée aux chorégraphies, notamment dans les numéros Solidarity et Once We Were Kings.
Le livret de Lee Hall est d’une remarquable exactitude en regard du film. Cela se mesure avec les échanges et répliques de Billy (Noah Parets, lors de la première de mardi) avec son prof de danse Mme Wilkinson (solide Janet Dickinson), son paternel bourru (Rich Hebert), son frère désabusé (Cullen R. Titmas), sa grand-mère non conformiste (excellente Patti Perkins), la petite Debbie (charmante Samantha Blaire Cutler) et son ami Michael (Jake Kitchin), le seul qui comprend l’attrait de Billy pour le ballet en raison de sa propension pour les vêtements féminins…
Un peu trop proche du film, ajouterais-je. La production met un bon quart d’heure à nous happer en raison de la mise en place de tous les personnages-clés (pas de problème de ce côté), mais elle étire la sauce inutilement en fin de parcours avant le bouquet final.
Rodé à point
Les performances collectives sont rodées au quart de tour, mais ce sont les numéros plus intimistes qui marquent l’imaginaire : le numéro spectaculaire (Express Yourself) où Billy et Michael se griment en danseuses dans un décor multicolore tranche avec la facture plus sobre de la production.

Billy Elliot: quand le ballet et la police s'intègrent sans heurts. Photo courtoisie de la production.
Une mention aussi pour Electricity, quand le jeune Billy met ses tripes sur la table et danse seul pour impressionner les juges du Ballet Royal. Le jeune garçon s’offre pas moins de 16 révolutions sur lui-même en finale. Impressionnant, même si le jeune danseur affiche des limites évidentes en raison de son jeune âge. D’où la nécessité pour la production d’avoir quatre «Billy» qui camperont le rôle tour à tour.
La mise en scène permet des changements de décors ultra-rapides et la musique d’Elton John, riche, colore le tout. Un bémol : la mise en place d’un musical dans une salle (Wilfrid-Pelletier) qui n’est pas taillée sur mesure pour ce genre de production.
Si l’action est vibrante au ras du plancher, le haut de la scène est désespérément vide, hormis deux ou trois numéros, notamment celui où Billy virevolte dans les airs, accroché à un mince filin. Rien à voir avec Chicago qui avait parfaitement adapté la production de Broadway à la scène de la PdA avec de nombreux numéros où les comédiens étaient juchés sur des échelles ou des trapèzes afin de remplir l’espace.
Avertissement aux francophiles: le débit des comédiens se fait dans un fort accent britannique et, visiblement, les oreilles peu habituées vont rater des tas de bonnes blagues. C’était patent à la première, avec le tiers de la salle qui éclatait de rire lors de répliques assassines, tandis que les autres spectateurs ne réagissaient absolument pas.
Ne l’oublions pas. Billy Elliot est devenu un danseur de ballet, mais il demeure le fils d’un ouvrier du Nord de l’Angleterre… Mais ne faites pas impasse sur Billy Elliot pour autant. Un musical bien ficelé avec un propos pertinent (émancipation, liberté, lutte des classes) qui passe par Montréal, ce n’est pas si courant. Indeed.
—-
Billy Elliot, à la salle Wilfrid-Pelletier de la PdA, jusqu’au 13 janvier.