Bob Seger : Old Time performance

Bob Seger et son avalanche de succès ont fait vibrer la foule à Ottawa, mardi soir. Photo d'archives.

OTTAWA – Montréal a beau être une des dix villes les plus hip de la planète, dixit le New York Times, elle a parfois la fâcheuse habitude de battre froid certains grands du passé. Bob Seger, tiens.

Par Philippe Rezzonico

Plus de 50 millions de disques vendus et une douzaine de monuments qui tournent en rotation sur toutes les stations de rock classique de la planète n’y font rien. Bob, son dernier passage à Montréal remonte à une trentaine d’années. Dans un Forum pas plein.

Il n’est pas le seul, remarquez. Tom Petty et ses Heartbreakers ainsi que The Pretenders comptent parmi les oubliés de notre mémoire locale. Pas assez populaires auprès du public francophone et dont la masse critique d’amateurs anglophones n’est pas suffisante pour justifier une présence en aréna.

Donc, on va les voir ailleurs. Petty, l’an dernier à Toronto. The Pretenders, il y a une dizaine d’années à Boston. Pour Seger, l’ailleurs, c’était l’amphithéâtre des Sénateurs d’Ottawa.

A vue de nez, plus de 10, 000 personnes incluant le parterre de chaises le plus tassé que je n’ai jamais vu. Imaginez des rangées de sièges en arrière de la console de son au Centre Bell, sans aucun espace de dégagement pour la sécurité. Plein comme ça.

Des fans, l’Américain originaire du Michigan en compte des tas dans la capitale du pays de Stephen Harper. Là où il avait crainte, c’est en raison de l’âge. Seger, mine de rien, a 66 berges bien comptées. Et comme il a pris un peu de ventre, on se disait qu’il ne devait pas être dans la classe de performance des sexagénaires que sont Mick Jagger, Sir Paul ou le Boss. Il n’est effectivement pas du calibre de ces trois forces de la nature, mais le monsieur tient sérieusement la route.

En dépit de sa crinière et barbe dorénavant plus sel que poivre, Seger a encore du coffre au plan vocal et démontre un dynamisme que lui envieraient bien des jeunots. Le vétéran a un réel plaisir à offrir son avalanche de succès. Pas de triche. Quand il ne livre pas à la guitare acoustique une jolie Mainstreet, il prend place au piano pour émouvoir avec la touchante We’ve Got Tonight.

Dynamo

Mais dès qu’il se lève, il se révèle être une petite dynamo avec les deux poings le plus souvent braqués vers le ciel pour inciter la foule à battre la mesure. Pour le seconder, Seger a son fameux Silver Bullet Band qui comprend son bassiste Chris Campbell depuis 1969, son saxophoniste Alto Reed depuis 1971 – ce dernier livrant le fameux solo langoureux d’ouverture de Turn the Page à la perfection – , et le pianiste Craig Frost depuis trois décennies.

Ça, ce ne sont que ses vétérans. Au total, Seger trimbale 14 musiciens et choristes, incluant une section de cuivres. Oh, là, là… On vous jure que Hey Hey Hey Hey (Going Back To Birmingham), vieux titre de 1955 de Little Richard, a pété le feu. Et que dire de Travelin’ Man – la sienne, pas celle de CCR. Les cuivres, la batterie de l’ex-Grand Funk Railroad Don Brewer et les tambours ont donné une lourdeur inégalée à ce classique. Tout aussi vrai avec Nutbush City Limits, que Tina Turner aurait apprécié.

Mais ce qui frappe quiconque qui connaît peu ou qui a oublié le catalogue de Seger, c’est le nombre phénoménal de succès radiophoniques. Her Strut, écrite en s’inspirant de Jane Fonda, Roll Me Away, The Fire Down Below, Ramblin’ Gamblin’ Man, qui remonte à 1968, Katmandu, Rock and Roll Never Forgets… Les titres ne vous disent peut-être rien, mais allez écouter ça sur le web. Si vous avez plus de 35 ans et que vous avez grandi au Québec en écoutant CHOM, c’est bétonné.

Et Seger en a tellement des succès, qu’il n’a pas besoin de tout garder pour la fin. La légendaire Old Time Rock and  Roll après 20 minutes de perfo, ça a mis tout le monde en train.

Pour certains, ce furent les ballades intergénérationnelles que sont Against The Wind (fabuleuse) et Night Moves (excellente) qui ont été les moments de nostalgie par excellence. Pour d’autres, ce fut l’épopée du jeune couple dissemblable de Hollywood Nights, grande chanson découverte dans une autre vie.

En dépit de ce succès en Ontario, nous avons peu de chances, finalement, de jamais revoir Seger nous livrer une performance old school de ce genre à Montréal. Tant pis pour nous. Faudra continuer à voyager. Against the Wind, s’il le faut.