Catherine au pays de Björk

Catherine Durand, envoutante, hypnotisante et libre. Photo courtoisie Montréal en lumière/Frédérique Ménard-Aubin.

Était-ce parce que la genèse de son disque Les murs blancs du nord est née en Islande? Était-ce parce que Montréal était balayée un blizzard? Je l’ignore, mais jamais le spectre musical de Catherine Durand ne fut aussi large sur scène que mercredi soir, comme si elle avait été influencée par la plus célèbre artiste du pays nordique.

Par Philippe Rezzonico

Entendons-nous, la musique de Catherine Durand n’a que très peu à voir avec celle de Björk, mais son désir de liberté créatrice était au moins aussi grand que celui de la petite islandaise.

Il fallait entendre le crescendo durant Souvenirs. Avec le clavier en mode pulsion de Denis Faucher et la batterie aux peaux cajolées par les balais de Justin Allard, nous semblions être dans un univers assez proche de la marmite folk d’antan de Durand.

Puis, les claviers s’emballent et dégoulinent de couleurs, la guitare de Jocelyn Tellier  s’accroche dans le motif, la basse de Durand se fait plus lourde et la salle comble de l’Astral s’est retrouvée en orbite. En orbite où à Reykjavik, c’est selon.

Ce sentiment jubilatoire qui fait ressentir au spectateur que tout peut arriver s’est vérifié à plusieurs reprises. L’Odyssée, que Catherine a ressorti d’un disque enregistré du temps qu’elle était sous contrat avec un label «de Toronto», était méconnaissable, transformée en un hybride digne d’un groupe d’indie-rock. D’autant plus relevée avec le jeu de lumières de Sébastien Pedneault qui était spectaculaire.

Avec la voix de Durand qui résonnait comme un écho, À chacun sa pierre qui tombe avait tout du proverbial abime dans lequel nous pouvons tous tomber. Cette fois, on sautait avec Catherine, pour être sûr de ne pas la perdre de vue.

Je ne l’avais jamais vue aussi «rock n’ roll girl»…  sinon dans la chanson suivante, quand elle a transformé Je vais rester en brasier avec le concours de de Tellier. Nous étions bien à un spectacle de Catherine Durand? Oui.

Denis Faucher, Catherine Durand, Justin Allard et Jocelyn Tellier. Photo courtoisie Montréal en lumière/Frédérique Méanrd-Aubin.

Même si certains de ses classiques présentés en deuxième partie nous ramenaient à son enveloppe sonore folk, jamais Durand et ses complices n’ont rompu la magie. Durant la formidable Mon bateau, j’ai écrit sur mon bloc-notes : « T… que c’est bon! »

Bon? Et comment! Même Diaporama, pourtant livrée uniquement à la guitare, avait un pouvoir d’attraction méconnu. Pourtant, on l’a entendue quelques fois sur scène, celle-là.

Les nouvelles impressions

Contrairement à mes craintes, les claviers de Faucher n’ont jamais trahi les anciennes chansons. Bien mieux, ils ont permis aux nouvelles de briller d’un éclat exceptionnel.

À l’aise comme on ne l’a jamais vue, Durand a livré des anecdotes sur ce fameux voyage en Islande et sur son aisance à intégrer le mot «cœur» dans ses chansons, au point de devoir trouver des synonymes pour le remplacer.

Mais surtout, j’ai eu l’impression que Catherine voulait, plus que jamais, exorciser quelques démons dont on sent la présence à travers les textes des chansons. Comme si elle voulait ajouter une dimension supplémentaire à ce qu’elle dit, ou peut-être, è ce qu’elle ne veut pas dire en mots, mais en musique. Peu importe, en vérité.

Quand elle a enchaîné Peine perdue, Point de départ et Des cendres de nous, en chantant, vibrant et en s’abandonnant sur les planches, je me suis dit que l’ouragan Catherine pouvait désormais balayer le blizzard qui sévissait hors des murs de L’Astral. Celui qui sévissait dehors, et peut-être bien celui qui sévit parfois dans ses tripes…

Catherine Durand, avec une guitare comme arme de séduction. Photo courtoisie Montréal en lumière/Frédérique Ménard-Aubin.

Je n’ai qu’un souhait : cette tournée dont il s’agissait de la première au festival Montréal en lumière doit être impérativement gravée de cette façon et commercialisée ainsi. La magnifique musique de Catherine a trop souvent eu du mal à percer nos radios. Un tel disque lui permettrait de montrer une facette de sa personnalité que seuls ses fidèles de scène comme nous connaissent.

Quand je lui ai demandé en entrevue il y a quelques jours pour quelle raison le public devait venir voir son spectacle, elle a répondu : « Parce que ça va être le meilleur!»

Et elle avait raison. Ce spectacle de Catherine Durand est le meilleur de sa carrière. Et la tournée ne fait que commencer. Björk n’a qu’à bien se tenir.