Catherine Major : instinct maternel et musical

Catherine Major. A fleur de peau. Photo Catherine Lefebvre

L’instinct. On peut tous en avoir dans nos vies, mais pour un artiste, c’est pratiquement un élément essentiel. Tel mot ou telle note ? Tel instrument ou tel arrangement ? On n’en sort pas. Au-delà de l’expérience, de l’expertise et du talent, à un moment, tu dois te fier à ton instinct et espérer qu’il te guide dans la bonne direction. Rien à craindre pour Catherine Major.

Par Philippe Rezzonico

Le désert des solitudes, paru en octobre, aura confirmé dès sa sortie que la démarche artistique de l’auteure-compositrice et interprète fut la bonne. A un moment, se mettre à nu, c’est risqué. D’autant plus vrai quand c’est ta réelle famille et ta famille rapprochée qui sont mises à contribution. Mais le pari est gagné. Deux Club Soda à guichets fermés attendent Major cette semaine, dans le cadre du festival Montréal en lumière.

Tous ceux qui ont écouté Le désert des solitudes ont noté à quel point ce disque est plus étoffé au plan musical que son prédécesseur, le très bon Rose sang. L’ironie, c’est que la plus grande transformation qui a touché Catherine Major depuis quelques années n’a rien à voir avec la musique.

«Il faut évoluer en dehors des disques, admet la pianiste. Etre mère m’a fait grandir. Et la tournée de Rose sang aussi. En jouant constamment, à l’oreille, je savais de plus en plus ce que je voulais pour la suite. »

Cocon familial

Le désert des solitudes a été fait presque en vase clos. L’amoureux de Major (l’auteur-compositeur et interprète Jeff Moran), sa mère (Jacinthe Dompierre), son frère de sang (Mathieu Désy), son réalisateur depuis des années (Alex McMahon) et même son enfant (indirectement, par l’entremise de la chanson Tape dans ton dos) sont de l’aventure. Et le disque a beau être doté de splendides arrangements, Major admet qu’il a vu le jour dans la plus remarquable aisance.

«L’album est très musical, très arrangé, pourtant, on ne s’est pas trop posé de questions en le faisant, assure-t-elle. Alex m’a dit : « Profitons du moment ». Et c’est ce qu’on a fait, le disque s’est bâti avec beaucoup d’amour.»

Ceux qui ont vu ne fût-ce qu’une fois Major en spectacle savent combien elle fait corps avec son piano, au sens propre comme au sens figuré. Dans le fond, quand elle compose, elle veut prolonger ce même sentiment.

«Comme musiciens, nous sommes bons. L’important, c’est de rendre toute l’âme des chansons. Aller à l’essence… On part d’une voix qui est un piano. Et si les chansons se tiennent en piano voix, ça ira.»

Retour aux sources

Le disque repose sur de bonnes bases d’influences classiques dans lesquelles Major baignait quand elle était jeune. Une affaire de formation musicale, ici. Quand on écoute certains morceaux comme la chanson-titre et Saturne sans anneaux, on se dit que l’artiste préférerait peut-être faire sa rentrée montréalaise ailleurs qu’au Club Soda…

«J’aimerais tellement jouer à la nouvelle Maison symphonique ! dit-elle. Mon rêve, c’est de jouer avec un orchestre, avoir de vraies cordes… Pour cette rentrée, j’aurai quand même un vrai quatuor à cordes, tant à Montréal (16 et 17) qu’à Québec (23 février). »

Comme tant d’artistes québécois, la pianiste aura l’occasion de proposer ces nouvelles chansons en Europe francophone dans les prochaines semaines. Ce n’est pas une première, mais le succès de son précédent disque va faciliter la logistique.

«La scène est pour moi un espace de création, mais aussi d’interprétation. Tes chansons vivent et prennent parfois une autre forme. Rose sang a été distribué en France deux ans après sa sortie au Québec. Il y a eu un vrai décalage quand je suis allée jouer les chansons du disque là-bas pour la première fois.

« Le désert des solitudes sort en France le 26 mars, alors que j’ai une série de dates simultanées (Paris, Épinal, Clichy) durant cette semaine-là. Ça va être plus facile, même si l’Europe, ça demeure un travail énorme. C’est toujours un peu à recommencer en dépit des prix et tout ça. Parce que je ne veux pas nécessairement m’installer six mois en France.»

Complètement exclu? Catherine Major dit l’ignorer. Pas de presse. Pour ça aussi, il ne faut rien brusquer et laisser l’instinct prendre le dessus.

Catherine Major les 16 et 17 février au Club Soda, dans le cadre de Montréal en lumière, et le 23 février, au Grand Théâtre de Québec.