Chapter and Verse: Bruce Springsteen avant le E Street Band

bruce-springsteen-chapter-verseLa carrière discographique de Bruce Springsteen, avec son E Street Band ou en solo, est amplement documentée depuis la parution l’album Greetings From Asbury Park, N.J., en janvier 1973. Sauf que la carrière de Springsteen n’a pas commencé il y a 43 ans, mais bien avant.

Par Philippe Rezzonico

Avant le E Street Band, il y a eu The Castiles et Steel Mill. La compilation Chapter and Verse, compagnon audiophile à la biographie Born To Run (Simon & Schuster) attendue mardi prochain, permet d’entendre le jeune Bruce et ses premiers compagnons de route dès leurs débuts, il y a 50 ans cette année.

C’est l’année de ses 17 ans que l’adolescent Springsteen devient le guitariste principal d’un groupe local du New Jersey nommé The Castiles, dont la toute première incarnation sera formée de George Thiess (chanteur et guitariste), de Springsteen, de Frank Marziotti (basse), du batteur Bart Haynes et d’un cinquième membre interchangeable au fil des mois.

Baby I, chanson d’ouverture de la compilation, a été enregistrée le 18 mai 1966, au moment où Springsteen et Theiss, les deux seuls membres permanents du groupe, étaient désormais flanqués de Vinnie Manniello (batterie), de Curt Fluher (basse) et de Paul Pokin (tambourin).

Composition originale du groupe, Baby I est dans l’air du temps. Une chanson interprétée à plusieurs voix qui repose sur une ligne de guitare fortement inspirée de Gloria (Them), avec un pont musical digne des chansons des Beach Boys.

On a greffé au disque une reprise garage de You Can’t Judge a Book By the Cover, composition de Willie Dixon popularisée par Bo Diddley, que The Castiles gravent le 16 septembre 1967, soit une semaine avant les 18 ans de Springsteen.

Puis vint Steel Mill, premier groupe qui annonce vraiment le E Street Band, puisque formé au cours des ans de Springsteen, cette fois en meneur de jeu, accompagné des futurs membres Vini Lopez (batterie), Danny Federici (piano/orgue/accordéon), Steven Van Zandt (guitare), ainsi que de Vinnie Roslin (basse). On a retenu He’s Guilty (The Judge Song), féroce composition de rock aux accents psychédélique enregistrée le 22 février 1970. La meilleures des cinq inédites se trouvant sur ce disque. Van Zandt n’était pas de l’enregistrement à ce moment de la courte vie du band.

Avant le E Street Band, il y a aussi eu le Bruce Springsteen Band. Le 14 mars 1972, Springsteen, Van Zandt, Lopez, David Sancious (piano) et Garry Tallent (basse) enregistrent The Ballad of Jesse James, un titre – presque – fleuve (5 minutes et demie) musclé qui épouse les influences connues de Dylan et The Band, notamment.

Pour conclure les inédites, on retrouve Henry Boy (juin 1972), une composition acoustique (guitare-voix) de Springsteen dont les affinités avec la musique retenue pour les couplets de Blinded By the Light – qui se retrouvera sur Greetings From Asbury Park, N.J. – est perceptible. Qui sait? Peut-être que le Boss s’est servi de cette base de travail pour écrire Blinded…, après Clive Davis lui ait rendu le démo des premières chansons prévues pour son premier disque en lui disant : « Il n’y a pas de hits là-dessus. »

Par la suite, la compilation propose une chanson essentielle de presque tous les albums studios qui ont suivi. Si Born To Run (Born To Run), Badlands (Darkness On the Edge of Town), The River (The River), Born In the U.S.A (Born in the U.S.A), Brilliant Disguise (Tunnel of Love), The Ghost of Tom Joad (the Ghost of Tom Joad) et The Rising (The Rising) sont des évidences, on note la preference de 4th of July, Asbury Park (Sandy) aux depends de Rosalita (Come Out Tonight) pour le disque The Wild, The Innocent and the E Street Shuffle et My Father’s House à Atlantic City pour l’album Nebraska. Quand on connait le lien de Danny Federici avec 4th of July… et celui de Springsteen envers son père, ces choix éditoriaux tombent sous le sens.

Compilation généreuse qui permet au non-initié de survoler la carrière de  Springsteen sur cinq décennies, Chapter and Verse s’adresse principalement aux irréductibles de l’artiste pour qui la diffusion des cinq inédites relève du même plaisir que la parution du coffret Tracks en 1998 et du disque double The Promise en 2010.

Bruce Springsteen, Chapter and Verse (Columbia) – 4 étoiles