Francos, jour 2: Cœur de pirate au passé, au présent et au futur

Photo Francos/Benoit Rousseau

Ça ne manque pas. Jamais. Ça arrive à chaque festival. Toujours. Il ne fallait donc pas s’attendre à ce que ça soi différent en temps de pandémie… Je parle, bien sûr, du pépin de logistique.

Par Philippe Rezzonico

Le plus souvent, il se mesure par l’incapacité d’être à deux concerts en même temps. Rien de ça, cette fois. Concrètement, le problème était personnel. Mais au fil d’arrivée, il était plus que probable que je ne puisse arriver à temps pour assister au concert de Cœur de pirate, samedi soir, aux Francos de Montréal.

C’est à ce moment que je me suis souvenu que les concerts étaient diffusés sur la chaîne YouTube des Francos en raison de l’impossibilité d’accueillir plus que 2 500 spectateurs en présentiel pour chacune des deux scènes.

Couvrir un spectacle à distance? Devant un écran? Il y a deux ans, je n’aurai même pas envisagé la chose. Les 18 derniers mois de pandémie nous ont pourtant démontré que c’était possible. Après tout, même les deux plus récents spectacles de la Fête nationale du Québec ont été présentés ainsi.

O.K. d’abord…

À 21h15, je suis donc devant mon écran lorsque Cœur de pirate, enceinte et vêtue d’un manteau long, s’installe à son piano, accompagnée d’un guitariste et d’une violoncelliste qu’elle n’a jamais nommés lors de ses présentations.

« Je suis un peu sous le choc. Je ne pensais plus que ça allait arriver », a-t-elle lancé, faisait allusion au festival qui est cette année limité à des concerts en plein air.

C’est à ce moment qu’elle a précisé qu’en raison de son opération aux cordes vocales dont elle se remet bien, qu’elle se limitera à une demi-douzaine de chansons et que le reste de la prestation sera composée des instrumentales de son album Perséides. Parfait pour moi. Je n’ai justement pas vu ce spectacle-là.

Dans les faits, on pourrait parler d’un récital où Béatrice Martin a mis à l’avant-plan son passé (deux classiques), ses actuelles instrumentales et son avenir par l’entremise de nouvelles chansons qui seront sur son album, Impossible à aimer, à paraître en octobre.

Face à un public attentif, Cœur de pirate a été inspirée lors de ses instrumentales qui désignent des villes du Québec (Kamouraska, Arvida, Notre-Dame-du-Portage). Parfois penchée sur ses ivoires comme une élève appliquée, jouant tantôt la tête redressée vers l’arrière, les yeux clos, comme transportée par ses mélodies, elle a mis de l’avant une touche délicate pour des compositions apaisantes et d’une grande beauté.

Ici et là, une chanson connue (Place de la république) ou une inédite (Le monopole de l’amour) venait varier la proposition musicale. De la première, Béatrice a souligné qu’elle avait écrit beaucoup de chansons portant sur des gens lui ayant « fait du mal », mais que « ça sert à payer mon hypothèque et à faire de bonnes chansons ». De la seconde, elle a noté qu’elle sera sur un album de chansons qui parlent de ses « fuck up amoureux ». Le monopole de la douleur avait une jolie touche country.

Avec les multiples caméras utilisées pour la diffusion, on pouvait apprécier en plans rapprochés le jeu des trois instrumentistes comme si nous étions encore mieux placés qu’au premier rang.

Espiègle, elle a noté avec plaisir que « je sais encore chanter ». Sérieuse, elle a demandé aux spectateurs un moment de silence pour toutes les personnes disparues durant la pandémie, enchaînant aussitôt avec Crier tout bas. Un enchaînement aussi touchant que réussi.

Au rappel, elle a livré son nouvel extrait, On s’aimera toujours, qui sera sur le disque à venir, quoique dans une version acoustique très différente de celle aux effluves dansants de la version studio.

En clôture, elle a invité les spectateurs avec elle pour Comme des enfants.

« Vous pouvez aussi marmonner. C’est un peu ce que je fais… »

Et elle a donc eu droit à un accompagnement de la foule lors de cette dernière interprétation qui a conclu une splendide prestation de 70 minutes au parterre de la Maison symphonique de Montréal… et dans mon salon.

Comme quoi, on finit toujours par résoudre les problèmes de logistique.