Il arrive un moment dans une carrière où un groupe peut tout se permettre. Changer sa sonorité. Sa production. Tout. Après le succès planétaire de Viva la Vida Or Death and All His Friends et de la tournée mondiale qui a suivi, Coldplay en était là.
Par Philippe Rezzonico
Comme Dylan l’a fait en passant de la poésie folk à la révolution électrique (Bringing It All Back Home) en1965, comme U2 – l’inspiration de Coldplay – a fait table rase du passé au tournant des années 1990 avec Achthung Baby, la bande à Chris Martin avait le champ d’inspiration totalement libre pour Mylo Xyloto, qui sera disponible, mardi.
Par l’entremise d’entrevues accordées par les membres du groupe depuis quelques semaines, on a apprend que l’intention première était une trame sonore avec un personnage fictif en filigrane. On en perçoit quelques éléments sur l’album, notamment par l’entremise des courtes portions instrumentales d’introduction ou transitoires (Mylo Xyloto, M.M.I.X. et A Hopeful Transmission) qui servent de rampe de lancement à des titres plus percutants. Concept, il y aurait pu y avoir.
Les boys ont aussi évoqué le fait qu’un album acoustique leur trottait en tête. L’écoute de la solide Us Against the World, de l’excellente U.F.O et de l’ennuyeuse Up In Flames le confirme : Coldplay a travaillé en studio sur des bases minimalistes. Du moins, selon ses standards.
Au-delà des deux extrêmes, force est d’admettre que le groupe anglais s’est en définitive conforté dans des positions hautement prévisibles. Du premier extrait, Every Teardrop Is A Waterfall, dévoilé il y a plusieurs semaines, jusqu’à Paradise, lancé il y a quelques jours, les habituels chants fédérateurs sont au menu.
Hurts Like Heaven, Charlie Brown, Major Minus et Don’t Let It Break Your Heart, font la part belle aux claviers de Martin et aux rythmiques de Will Champion. Du Coldplay pur jus, où la musique vivifiante et les mélodiques irrésistibles ont le dessus sur tout le reste. Globalement, je ne sais trop si le jeu à la guitare de Jonny Buckland a jamais autant « sonné » comme celui de The Edge. Remarquez, Martin a, lui aussi, eu une voix très proche de celle de Bono, ce qui a contribué à son charme et à sa réputation.
La rencontre au sommet tant publicisée avec Rihanna est le truc le plus bancal de l’album. A vouloir fondre le rock aérien à la R&B, tout le monde fait des compromis, personne n’est à l’aise et le résultat est à l’avenant. On ressent la contrainte d’un bout à l’autre.
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Joli paradoxe, ce disque qui se veut un amalgame de diverses avenues musicales abandonnées durant la production demeure néanmoins un sérieux ver d’oreille, la somme étant plus forte que chacune des parties. Au point qu’il n’est pas dit que nous n’allons pas écouter Mylo Xyloto plus souvent que Viva la Vida… Et nous avons beaucoup écouté Viva la Vida…
N’empêche, on a l’impression que Coldplay a raté son rendez-vous avec l’histoire. Et à ce stade de leur carrière, il est sérieusement permis de douter qu’il y aura une prochaine fois.
Coldplay, Mylo Xyloto (Parlophone)
3 étoiles et demie
Disponible mardi