Comiccon 2018 : une offre de 65 000 $

Une offre de 65 000 $ canadiens pour la naissance de Spider-Man

Une offre de 65 000 $ canadiens a été faite pour l’illustré de la naissance de Spider-Man

Le Comiccon de Montréal n’a cessé de croître depuis sa première présentation il y a dix ans déjà. L’événement qui se tient au Palais des congrès de Montréal depuis hier et jusqu’à dimanche va encore attirer des dizaines de milliers de personnes durant le week-end.

Par Philippe Rezzonico

Avec les célébrités issues du monde de la télévision et du cinéma qui sont des vedettes dans l’univers de la science-fiction, l’apport accru des jeux vidéo et les adeptes du cosplay (qui se déguisent comme les super-héros fictifs), le Comiccon est depuis plusieurs années déjà résolument axé vers un public jeune qui carbure aux films de super-héros sur grand écran (Avengers, Deadpool, Wonder Woman, Black Panther) et aux populaires séries télévisées (Arrow, The Flash, Agent of S.H.I.E.L.D).

La raison d’être (les comics et leurs créateurs) de toutes les foires du genre depuis une quarantaine d’années a cédé le devant de la scène depuis des lustres, mais il serait faux de penser que cela ne représente pas encore et toujours un élément important de ces rencontres.

Si le nombre d’exposants qui s’adresse aux collectionneurs a décliné depuis quelques années, les amateurs d’illustrés en papier savent qu’il faut arriver tôt pour dénicher les meilleures prises. Le principe du premier arrivé premier servi est de mise ici.

C’est aussi au début du week-end que les divers exposants canadiens qui proviennent de Montréal, Toronto, Ottawa et Hamilton s’échangent des pièces de valeur, selon ce qu’ils ont dans leurs inventaires respectifs.

Les manœuvres peuvent s’avérer intéressantes pour les acheteurs selon le prix. D’ordinaire, les exposants font ces manœuvres avant l’ouverture des portes pour le public, mais au volume d’exposants qui se pointent dans le Palais des congrès – et le temps que cela prend à les installer -, bien peu d’entre eux sont prêts avant l’arrivée des foules.

Pour un type dans mon genre qui recherche quelques numéros manquants à des séries d’antan bien précises, le vendredi est la journée la plus intéressante. Parfois, cela permet aussi de mesurer que le marché des collectionneurs est encore fort actif. Et pas seulement auprès de gens de ma génération.

Offre mirobolante

L’un des exposants du week-end spécialisé dans les très vieux illustrés avait dans ses boîtes deux exemplaires du numéro 15 de Amazing Fantasy, dans lequel Spider-Man a vu le jour en 1962. Le proprio l’avait montré de près à quelques festivaliers quand il s’est écarté pour discuter avec deux jeunes hommes et une jeune femme. Celui qui conversait avec le marchant, la calculatrice de son téléphone intelligent à la main, aurait pu être mon fils tellement il était jeune. Moins de 25 ans, aucun doute là-dessus.

Après quelques minutes, le trio est parti et j’ai lancé au marchand que je connais depuis longtemps : « ils semblent être des acheteurs sérieux. »

Il m’a répondu dans l’affirmative en ajoutant qu’ils venaient faire une offre d’achat sur le Amazing Fantasy no. 15, celui qui était dans le meilleur état des deux. Pour les connaisseurs, l’un avait une cote de 5.0, l’autre de 6.0. Les échelles vont jusqu’à 10.

C’est à ce moment que le marchand a précisé que l’offre en question était de l’ordre de 49 000 $… En fait, 49 000 dollars américains. Le trio, dans les faits, venait de faire une offre d’acquisition pour 65 000 $ canadiens.

Selon la bible de référence Overstreet Guide, en cet état, ce comic book vaut – en moyenne – 28 000 $ US, mais pour des exemplaires rarissimes de ce genre, le prix d’achat est généralement bien supérieur à sa valeur sur le marché. Histoire de vous situer, dans un excellent état (9.2, Near mint -), Amazing Fantasy no. 15 a une valeur sur le marché de 350 000 $ US. Non, les comics books, ce n’est plus pour les enfants…

Cela dit, d’autres acheteurs ont également manifesté leur intérêt. Je ne sais trop qui a finalement acheté l’illustré de prestige, ni à quel prix. Cela dit, fort content d’avoir mis la main sur le numéro 75 de Showcase (9,2) qui est à des années-lumières – à la baisse – de cette gamme de prix.

Le travail de Yanick Paquette

Par les illustrateurs invités, il y a le Québécois Yanick Paquette qui œuvre depuis une vingtaine d’années dans le milieu du comic book américain. Ils ne sont qu’une poignée de Québécois à le faire.

Paquette a travaillé récemment sur la plus récente adaptation de Wonder Woman et il a connu un beau succès avec The Swamp Thing. Avec lui, on a causé dessin. Comment un métier d’artisan qui s’est longtemps confiné au papier, aux crayons et aux stylos s’est transformé à l’ère du numérique.

L'illustrateur québécois Yanick Paquette avec un admirateur.

L’illustrateur québécois Yanick Paquette avec un admirateur.

« Aujourd’hui, je travaille exclusivement en numérique. Avec l’évolution de la technologie, le geste est désormais le même, peu importe si tu travailles sur papier ou sur écran. Au final, la différence est négligeable.

« Quand je faisais de la couleur, je préférais le papier, surtout que j’aime le travail à l’aquarelle. Mais ça fait plusieurs années que Nathan Fairbairn se charge de la couleur pour mes séries. Il est meilleur et plus rapide. »

Conway et la mort de Gwen

Connaissez-vous The Punisher? Ce justicier sans règles est apparu en 1974 dans le numéro 129 de Amazing Spider-Man et sa popularité ne s’est jamais démentie. C’est Conway, un scénariste, qui est l’un des deux créateurs du personnage.

AmazingSpider121Pour les amateurs de Spider-Man, Conway est surtout celui qui a avait signé quelques mois plus tôt l’histoire la plus controversée jamais publiée chez Marvel Comics, du moins depuis la relance de la maison d’édition en 1961 avec la parution du premier numéro des Fantastic Four.

Sur la page couverture de l’illustré Spider-Man # 121 (1973), on apprend que l’un des proches de son alter-ego, Peter Parker, va mourir.

Pas moins de neuf portraits de personnages sont dessinés sur la couverture. Lequel sera effacé de l’univers de Marvel?

On saura lequel à la dernière page, en même temps que l’on nous dévoile le titre de l’épisode volontairement caché jusque-là: «The night Gwen Stacy Died»

Marvel avait décidé de tuer l’amie de cœur de son personnage le plus célèbre, histoire de donner un électrochoc à la série.

Le scénariste Gerry Conway en séance de dédicaces.

Le scénariste Gerry Conway en séance de dédicaces.

La maison d’édition avait été inondée de courrier haineux (c’était avant les courriels), d’appel téléphoniques, etc.

Stan Lee, qui avait créé le personnage avec Steve Ditko – décédé la semaine dernière -, a même été poursuivi par des amateurs furieux sur un campus universitaire quelques jours après la sortie du bouquin en kiosque. Il s’était défilé en disant que la décision avait été prise à son insu, par Conway, Roy Thomas et l’illustrateur Gil Kane.

-Et puis? Stan le savait, Monsieur Conway?

« Tu parles qu’il le savait, a répondu Conway avec un sourire éclatant. Comment n’aurait-il pas pu le savoir? Il était l’éditeur. C’est du Stan tout craché, ça. Good old Stan… »

Le Comiccon 2018 se poursuit samedi et dimanche au Palais des Congrès de Montréal.