De retour après trois ans d’absence, le Comiccon de Montréal a établi un record d’assistance au Palais des congrès de Montréal au terme d’un week-end où la science-fiction s’est, plus que d’ordinaire, conjuguée au présent.
Par Philippe Rezzonico
On s’attendait à des hordes d’amateurs de comic books, de science-fiction, de jeux vidéos et de cosplay. Et ils et elles sont venues. Pas moins de 62 000 d’entre eux, en fait. À bien des égards, l’événement faisait bigrement penser au Festival de jazz qui avait lieu quelques rues plus au Nord. Il fallait faire très attention afin de ne pas se faire marcher sur les pieds tellement les foules étaient denses.
Personne ne semblait se formaliser avec les longues files d’attentes lors de ce retour à la normale où, globalement, les masques de super-héros étaient plus nombreux que les masques de prévention à la pandémie.
Cela dit, la panne généralisée au Canada qui a frappé le géant des télécommunications Rogers a mené à une situation digne d’une série de fiction. Des milliers de jeunes et de moins jeunes amateurs de culture geek se sont soudainement trouvés dans l’impossibilité d’acheter quoique ce soit.
Tous les services liés à Interact étaient paralysés. Il y avait bien moyen de payer par carte de crédit, mais encore fallait-il que le commerçant ait un terminal qui ne soit pas lié à Rogers. Et dites-vous que pour un grand nombre de ceux qui viennent de l’Ontario – Toronto, Ottawa, Hamilton -, c’était le cas.
L’argent liquide? Si vous en aviez déjà sous la main, ça allait. Sinon, les dizaines de distributrices dans le palais des congrès étaient en panne. Sortir du complexe pour aller à une distributrice d’une banque. Oui, mais encore fallait-il aller à une distributrice liée à votre institution financière. Je tenté le coup et ça a fonctionné. Mais d’autres personnes présentes au Comiccon n’ont pu retirer de l’argent provenant d’un guichet d’une autre institution que la leur.
C’était un peu surréaliste d’être dans un lieu où tout ce que tu vois dans ton champ de vision (comic books, magazines, jouets, bijoux, affiches, etc.) est sujet à achat sans pouvoir te le procurer, mais dans bien des cas, les commerçants mettaient les objets désirés de côté et le client n’avait qu’à revenir plus tard ou le lendemain avec des espèces sonnantes.
Appelez quelqu’un? Si, comme moi, votre réseau était celui de Rogers, vous ne pouviez téléphoner à quiconque, envoyer des textos ou vous servir de l’internet. Je me sentais comme dans l’épisode de la série originale de Star Trek, The City on the Edge of Forever – celui avec Joan Collins -, projeté dans le passé.
Comme lors de mes premières années de journalisme – années 1980 – j’étais sur le terrain sans que quiconque puisse me joindre et réciproquement. Et Monsieur Spock n’était pas disponible pour m’aider à faire fonctionner la transmission…
Une fois passé le sentiment étrange de la situation, cette contrainte est devenue un charme. Comme des milliers de gens qui aiment divers aspects de cette culture populaire, je baignais dans un univers de plaisir coupable sans que personne ne m’emmerde. Une poignée d’heures jouissives au possible. Et, finalement, à voir les sourire des gens tout autour, ça semblait être drôlement partagé.
La cohue du samedi
La situation était revenue à la normale le samedi avec l’incroyable cohue qui est liée à cette journée. Pour des adolescents et des jeunes adultes, c’est l’occasion de défiler en costume de Spider-Man – toujours le plus populaire -, de Deathpool, de Black Widow ou de n’importe lequel des personnages de Stars Wars. Pour d’autres, il s’agit d’une affaire de famille.
« J’adore tout ce qui touche à Star Wars, Marvel et Stranger Things, note Patrice Desmarais qui y était avec son fils et une amie de ce dernier. Mon gars collectionne les maquettes Gundam et tout ce qui touche les mangas. Le but de mon garçon était de dépenser une partie de sa paie dans l’univers japonais », note le quarantenaire qui se pointe au Comiccon au moins une journée depuis quatre ou cinq ans dans ce qui est devenu un rituel.
« Mes filles étaient absentes cette année. Je devais leur rapporter une « Mystery Box » d’Harry Potter ou de Disney. J’en ai profité pour m’en procurer une de The Office. Au niveau commercial, c’était moins complet que la dernière édition. Moins de t-shirts, moins de kiosques de boîtes, mais nous étions heureux de voir l’événement reprendre vie.
« J’aime toujours aller voir de loin des invités qui signent des autographes à fort prix. J’ai pu voir durant quelques minutes Malcolm McDowell, sans toutefois prendre de photos. Au terme de la journée, nous sommes allés voir au cinéma le nouveau Thor, un autre rituel que nous avons depuis quelques années après le Comiccon. »
Le fils d’un ami à moi, n’a pas hésité à débourser afin de se faire photographier avec McDowell (Clockwork Orange, Star Trek Generations) qui a répondu à des questions de l’auditoire en compagnie de Jason Rockman, de CHOM FM, durant le week-end.
Il est toujours étonnant de voir les variantes d’intérêt selon la stature de l’acteur ou l’actrice. Prenez Grace Van Dien, qui s’est jointe à la distribution de la quatrième saison de la populaire série télévisée Stranger Things. Il n’y avait qu’une poignée de personnes, vendredi, qui désiraient un autographe ou une photo, quand je suis passé à son kiosque.
Photo gracieuseté Comiccon
La jeune femme de 25 ans étaient accueillante au possible. Elle a signé les vêtements d’un couple d’amateurs qui pourraient être ses grands-parents. Des gens futés. Si elle poursuit son rôle dans la prochaine saison – je l’ignore, je ne regarde pas Stranger Things -, il y aura une foule bien plus nombreuse l’an prochain si elle revient à Montréal. Et l’autographe risque de coûter plus cher…
Dans une autre section du Palais des congrès, on voyait des tas de jeunes essayer de nouvelles versions de jeux vidéos. Ailleurs, on pouvait converser avec les illustrateurs Dan Parent (Archie Comics) ou le Québécois Yanick Paquet (Wonder Woman). Si on le désirait, on pouvait simuler une bataille avec des sabres-lasers. Dans une autre zone, on pouvait même se faire tatouer.
Un kiosque qui a fait de bonnes affaires – du moins, je présume? Celui de Vidéotron. En pleine panne de Rogers, c’était du tout cuit… Un kiosque qui était un peu off? Celui des Canadiens de Montréal. Parions qu’au moment de faire la photo promo pour la participation au Comiccon, le secteur promotionnel du Tricolore n’avait pas pensé qu’Alexander Romanov allait être échangé. N’empêche, Youppi! a été populaire.
Au fil d’arrivée, en dépit des problèmes de réseau du premier jour, cette 12e présentation du Comiccon aura visiblement permis à des milliers d’amateurs de retrouver – comme pour les amateurs de musique ou de cinéma – une forme de normalité. Il reste maintenant à peaufiner le tout en vue de l’an prochain où l’on espère que les seuls masques que l’on verra seront ceux de Darth Vader et consorts.