Coup de cœur : Cormier électrique, acoustique et en or

Louis-Jean Cormier et Guillaume Chartrain à l'église Saint-Pierre-Apôtre. Photo courtoisie Coup de coeur/Jean-François Leblanc.

Louis-Jean Cormier acoustique. Dans une église, en plus. La belle proposition que voilà. Ça fait quelques semaines que l’on salive. Voir et entendre la tournée de l’album Le treizième étage dans ce contexte, ça ne doit pas être ordinaire.

Par Philippe Rezzonico

Pourtant, à peine assis sur l’inconfortable banc en bois de l’église St-Pierre-Apôtre – celle en face de la tour de Radio-Canada -, presque au-dessous de la sacristie, je remarque que les instruments alignés sur la scène pas conventionnelle me semblent être des guitares et basses électriques. Diantre. Aurais-je mal lu l’affiche?

Quelques minutes plus tard, après la présentation du fondateur du Coup de cœur francophone, Alain Chartrand, et d’Andréanne Sasseville, de Sirius XM, Cormier et ses collègues Simon Pedneault (guitare), Guillaume Chartrain (basse), Marc-André Larocque (batterie) et Adèle Trottier-Rivard (voix et percussions) se pointent et amorcent La cassette… en mode électrique. Bon. Je me suis trompé. Pas grave.

N’empêche, une approche exclusivement acoustique aurait peut-être été préférable. Il est nettement plus aisé de calibrer le son d’instruments acoustiques qu’électriques dans une église, en raison de l’écho inhérent à ces sanctuaires.

C’était particulièrement évident durant Bull’s Eye et Transitors, tant le son était sourd. Mais aussi chaque fois que Cormier prenait la parole, tel un prêtre prêchant à ses ouailles. En bref, la définition sonore était bien meilleure cet été, lors du concert présenté au Métropolis lors des FrancoFolies.

Dimension nouvelle

Cela dit, si la présence de l’écho se voulait ennuyante lors de certaines livraisons, l’amplification naturelle de la vaste église conférait une dimension toute autre à certains titres. Il fallait entendre le volume magnifié au possible durant Un refrain trop long, bouclée avec une finale atomique. Formidable.

Cormier a aussi, ici et là, modifié divers arrangements, dans ce qu’il a désigné comme étant son « laboratoire spirituel ». Il faut avouer que les églises ont été mises à contribution ces derniers jours, avec les trois spectacles de Patrick Watson à l’église Saint-Jean-Baptiste et le doublé de Cormier. Comme le soulignait la collègue Tanya Lapointe, de Radio-Canada, les églises n’auront jamais été aussi pleines… Tous ces spectacles ont affiché complet.

Un contexte et une mise en scène hors de l'ordinaire. Photo courtoisie Coup de coeur/Jean-François Leblanc.

La valeur majorée de cette soirée fut l’enrobage visuel. L’éclairagiste Mathieu Roy a soutiré le meilleur de l’enceinte en y allant de projections de silhouettes sur les colonnes de pierre durant Cœur en téflon, alors que les projecteurs braquaient leurs faisceaux de lumière vers la voûte. Splendide. Durant Complot d’enfants, de Félix Leclerc, livrée avec encore plus de fougue et de mordant que cet été, nous avons eu droit à la descente du plafond de quatre rizières d’ampoules. Fort bel effet.

Disque d’or

On aime quand un artiste comme Cormier reçoit un disque d’or pour Le treizième étage. Et la mise en scène (les musiciens qui le larguent durant une chanson) était bien planifiée. Mais faire la remise durant l’interprétation d’une nouvelle chanson à la mélodie imparable et au texte touchant qui s’annonce comme un méga-tube (Si tu reviens)? Non. Next time, avant le show, durant les applaudissements à la fin, ou avant le rappel, mais pas durant une chanson, s.v.p..

En revanche, rien n’a gâché le plaisir durant l’interprétation de Au long de tes hanches, de Gaston Miron, L’ascenseur, avec « l’effet Michel Louvain (on reconnait la chanson aux paroles, pas à la musique), et L’épaule froide, de Karkwa, avec son crescendo.

Nous avons eu aussi au rappel la portion bivouac – et acoustique cette fois -, où Cormier s’est payé une incartade linguistique en interprétant avec Adèle Trottier-Rivard From the Mouth of Gabriel, de Sufjan Stevens, avant d’enchaîner avec tout le groupe Échapper au sort, de Karkwa, et Le monstre, en version bluegrass. Frissons.

Adèle Trottier-Rivard, Simon Pedneault (en arrière-plan), Louis-Jean Cormier, Marc-André Larocque et Guillaume Chartrain. Photos courtoisie Coup de coeur/Jean-François Leblanc.

Il ne restait qu’à boucler avec une version retravaillée de Tout le monde en même temps, ralentie mais pas dénudée de rythme, et La seule question. Impeccable clôture, en vérité.

À la sortie, je croise Steve Marcoux, coordonnateur à la programmation du Coup de cœur francophone, et je lui demande de conforter mon impression. Ce show-là, il a bien été vendu, promu et présenté comme étant un spectacle acoustique, non? Il me confirme que oui.

Je risque donc une explication. Ce spectacle du Treizième étage, faut-il le rappeler, a obtenu le Félix du spectacle de l’année, catégorie auteur-compositeur et interprète, au récent gala de l’ADISQ. Parions que Cormier a voulu offrir ce pourquoi il a été célébré, plutôt que de livrer un authentique spectacle acoustique qui aurait sûrement été excellent, quoique peut-être pas ce à quoi de nombreux acheteurs de billets auraient pu s’attendre.

Et puis, dans une église, il faut bien donner au peuple ce qu’il demande, non? Ça, le révérend Cormier l’a bien compris et nul doute que les fidèles sortiront aussi comblés de l’église Saint-Pierre-Apôtre lundi soir que dimanche.