Parfois, le minimum suffit. Ce fut le cas, mardi, à L’Astral, pour ce programme double qui faisait figure d’événement dans le cadre du Coup de cœur francophone : Richard Desjardins et Marie-Jo Thério. Quand l’essence devient l’essentiel.
Par Philippe Rezzonico
Pourtant, Thério et Desjardins sont dissemblables à bien des égards. Elle, avec son piano, son intériorité, son univers déluré, sa fluidité dans les deux langues, sa théâtralité et sa façon de performer sur scène. Lui, avec sa guitare, son franc-parler, ses compositions terroir, son langage coloré et ses dénonciations.
Le duo a, en revanche, plusieurs points en commun. Tous deux possèdent une personnalité forte, une sensibilité à fleur de peau, une réelle conscience sociale, un désir de partage…et une relation intimiste avec le Coup de cœur francophone. Et ce sont les similitudes plus que les différences qui ont été soulignées à gros traits.
Galanterie oblige, c’est Marie-Jo Thério qui fut la première à se pointer sur scène. Avec un piano dont la sonorité était chaude et enveloppante, elle a créé l’ambiance en un clin d’œil avec A Moncton. Suspendus à ses lèvres, les spectateurs qui bondaient la salle de la rue St-Catherine.
D’autant plus vrai que la pianiste a parlé de sa relation avec Alain Chartrand, le maître d’œuvre du Coup de cœur, qui avait fait en 1982 une entrevue une gamine de 17 ans fraîchement débarquée à Montréal, bien avant la création de son festival… Elle a aussi parlé de son voyage en Bosnie qui lui a permis de ressortir de ses fonds de tiroirs la doucereuse Visoko.
Mais Marie-Jo ne serait pas Marie-Jo sans son grain de folie. Elle a enlevé ses souliers pour battre des claquettes sur son piano durant Another Love Song About Paris qui a eu droit à des extraits de Mon manège à moi ainsi que de l’opéra Carmen, et elle s’est mise à danser entre deux passages des histoires de Freddy qui bouffe un space cake à Amsterdam. Délirant.
Vibrant
« Hostie que c’était bon ! » a confirmé Desjardins, 45 minutes plus tard, alors qu’il interprétait à l’unisson avec la foule une livraison vibrante de Boomtown Café. Le vétéran affichait une forme du tonnerre, lui qui a passé une heure et demie debout, droit comme un chêne, pour nous parler de l’Atlantique Nord, du Pays des Calottes ou de Boom Boom.
Il a aussi su nous dérider en incorporant les introductions du spectacle qu’il a récemment présenté à Paris…avec les introductions parisiennes. Noter que Nicolas Sarkozy et DSK en ont pris plein la gueule, c’est un euphémisme.
Et que dire de ses parallèles avec Stephen Harper, ce « mort vertical », de son imitation de Renaud – à se rouler par terre – et de cette portion de version « française » de son classique Le bon gars, où il remplace ses références québécoises avec celles de l’Hexagone. Chapeau.
Ça ne l’a pas empêché de reprendre son sérieux pour nous parler des autochtones par l’entremise de chansons puissantes comme Migwetch ou Elsie et de nous offrir des versions parmi les plus belles de Tu m’aimes-tu ? et de Quand j’aime une fois, j’aime pour toujours.
A l’arrivée, Desjardins a loué le travail incessant de son ami Alain Chartrand, le comparant même à l’Office de la langue française. Mmm… On pense que Chartrand fait un meilleur boulot que l’Office, à en juger par ce que l’on voit dans certains quartiers de Montréal.
Cela dit, Chartrand pourrait renvoyer l’ascenseur à Desjardins. Ce programme des deux fidèles artistes au Coup de cœur aura mené au plus beau doublé de la semaine. Si vous en doutez, regardez cette dernière photo…