Ça faisait bien 20 minutes que l’entrevue était amorcée quand j’ai réalisé à quel point Diane Tell répétait souvent qu’elle était chanceuse, comme si cette carrière qui dure maintenant depuis plus de trois décennies était presque uniquement le fruit du hasard et du timing. J’en doute. N’empêche, il est vrai que dans la vie, on fait sa chance. Et sur ce plan, la Québécoise originaire de Val-d’Or n’est pas en reste.
Par Philippe Rezzonico
Faire sa chance, c’est parfois tourner à droite plutôt qu’à gauche, reculer pour mieux sauter, ou foncer en avant. En 2010, Diane Tell a fait un retour dans sa ville natale pour les célébrations du 75e anniversaire de la municipalité. Sa dernière présence là-bas datait d’une ou deux éternités.
«Je sortais d’un album jazz, dit-elle. Un autre volume du même genre? Je ne savais pas. L’album a plu, mais je n’avais pas d’idée particulière pour la suite. Un retour à l’écriture ? Des collaborations avec d’autres Québécois ? Tout était possible. Mais je ne savais même pas si j’allais refaire un disque si vite.»
Parfois, les événements nous dictent le pas. Pour celle qui fut née Diane Fortin et qui réside à Biarritz depuis plusieurs décennies, l’essentiel est de ne pas parler – ni chanter – pour rien dire.
«J’ai une règle. Quand je n’ai rien à dire, je ne dis rien. L’album de Boris Vian (Docteur Boris & Mister Vian), ça faisait longtemps que j’avais envie de la faire, avec un répertoire inédit. C’est ce qui a fait le déclic.»
Prendre forme
A Val-d’Or, le déclic, si l’on peut dire, a eu pour nom Serge Fortin. Pas de lien de parenté. Rencontres, échanges, discussions… Rapidement, la charpente de ce que deviendra Rideaux ouverts – que Diane Tell présentera lundi soir à L’Astral dans le cadre de Montréal en lumière -, prend forme.
«C’est toujours la création que je trouve le plus dur. C’est difficile faire partir la locomotive. Mais quand la machine est lancée, tout va très bien. Je suis peut-être paresseuse (rire), mais ça me prend un moteur bien huilé pour que ça marche. Et je suis chanceuse d’avoir eu une si longue carrière.
«La longévité, c’est souvent l’histoire de saisir sa chance. Si je n’étais pas passée par Val-d’Or, l’opportunité de ce nouveau disque ne se serait peut-être pas présentée. Quand tu composes, tu tombes parfois sur les bonnes mélodies. La santé, la forme, il y a aussi de la chance…. Quand j’ai composé Si j’étais un homme, c’était à un moment où il n’y avait pas d’auteurs compositeurs féminins au Québec. Je suis arrivée au bon moment. Le timing est aussi très important.»
L’instant présent
Rideaux ouverts, c’est une suite de tableaux d’un couple ensemble depuis un certain temps, avec les brèches, l’usure du temps et la reconquête de leur amour commun. Le genre de choses que Diane Tell n’aurait pas chanté il y a 30 ans, mais qui s’avère indispensable de nos jours.
«Je parlais de règle. J’en ai une autre : être sincère. Il n’y a pas eu d’œuvre calculée avec moi. C’est spontané», dit celle qui sera aussi l’une des invités au concert hommage de Jacques Brel, en clôture du festival MEL, où elle interprétera deux chansons du grand Jacques.
Ceci expliquant cela, sa performance individuelle sera tributaire de cette logique. Sa prestation sera scindée en deux parties très distinctes: une portion acoustique où l’artiste revisitera son catalogue à succès et l’intégrale de Rideaux ouverts, cette fois, livrée avec un groupe entier.
«Je n’ai jamais fait ça de ma vie, jouer l’ensemble des compositions d’un disque en séquence.»
Parions que ça va bien aller. Tout va toujours bien pour les gens qui sont chanceux.
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Diane Tell, le lundi 20 février à L’Astral