Dix ans de FME: un désir, du succès et un peu de chance

Lisa LeBlanc, à l'avant-plan, est l'une des têtes d'affiche de la 10e édition du FME. Photo d'archives Catherine lefebvre.

Le coup de fil est survenu en 2004, à l’approche de la deuxième présentation du Festival de musique émergente. Ariane Moffatt voulait absolument participer à l’édition annuelle, elle qui avait raté la première dont elle avait tellement entendu parler.  Sandy Boutin savait alors que le FME était un succès. Restait maintenant à en assurer la pérennité.

Par Philippe Rezzonico

L’anecdote racontée par Boutin, le gérant de Karkwa et président de l’étiquette de disque Simone, résume bien cette année folle que fut la deuxième édition. Celle qui s’amorce jeudi est la dixième du festival qui a pignon sur « rue » en Abitibi-Témiscamingue. Pour le président et l’un des cofondateurs du FME, si le festival de 2012 marque le 10e anniversaire de l’événement, en rétrospective, ce n’est pas la première présentation qui lui a donné des sueurs froides. Ce fut la deuxième…

«Le festival est né d’un désir commun de chums qui travaillaient dans l’industrie de la musique et qui voulaient un festival à leur goût, dit-il. On voulait que ça nous ressemble. Nous avions un peu d’expérience, mais sans plus. J’avais déjà produit Fred Fortin, les Cowboys fringants et Galaxie en Abitibi, mais produire quelques spectacles et mettre sur pied un festival complet, ce n’est pas la même chose. »

La première présentation  à Rouyn-Noranda fut modeste, dans tous les sens du terme : 22 groupes, mais aucun spectacle présenté à la même heure, ce qui permettait à tous les festivaliers de ne rien manquer. Et 3500 spectateurs à la clé. Le financement?  Environ  60, 000 $ liés aux recettes à la billetterie, à la publicité locale et à un sérieux de coup de pouce de l’association touristique de l’endroit.

La difficile amorce

« Histoire de donner un coup de main à l’événement qui donnait une belle visibilité à la région, l’association nous a versé la moitié de son budget annuel, soit 25, 000 $ dit Boutin. Et l’autre gros coup de main, ce fut celui de Richard Desjardins.

« Depuis la première année, on honore quelqu’un qui a marqué la musique au Québec. La première année, c’était Desjardins. Il nous a demandé un cachet ridicule pour son spectacle. Et le même cachet ridicule quand un deuxième spectacle s’est ajouté. Il a été un parfait gentleman et on a fait des profits de plus de 10, 000 $ avec ces spectacles qui nous ont permis de boucler le budget de la première année. »

Richard Desjardins a donné un fier coup de main au FME à ses débuts. Photo d'archives. Courtoisie Alain Décarie.

L’année suivante, les jeunes organisateurs voyaient gros. Peut-être un peu trop… Comme les artistes pour qui le deuxième album représente le gros défi après un premier succès, la deuxième édition ne fut pas de la tarte.

« Le pire festival, au plan de l’organisation, ce fut le deuxième, assure Boutin. On a voulu avaler le bœuf. On a réussi, mais ce fut difficile à digérer. Nous sommes passés de 22 à 44 artistes, de quatre à huit salles… Tout a doublé, mais pas l’équipe ni le financement. »

Vision

Si le FME a grandement servi la cause des artistes, l’industrie arrivait aussi à la croisée des chemins, à un moment où il fallait plus que les vitrines déjà bien établies des festivals comme les FrancoFolies, Granby ou le Festival d’été de Québec.

« C’était une période effervescente, se souvient Boutin. Bande à part venait d’entrer en ondes, Pop Montréal, le MEG et Mutek sont arrivés dans ce temps-là. Le mouvement alternatif était bouillonnant. »

De par ses structures et son éloignement, le FME demeurera à jamais un festival de dimensions modestes, voire, intimiste à ses heures. Mais il est ironique de constater que l’élément qui aurait pu lui coûter sa survie est devenu sa grande force.

« L’éloignement est devenu notre plus gros atout. Après un show, il n’y a rien d’autre à aller faire qu’aller en voir un autre. Et c’est aussi vrai pour les artistes qui sont devenus nos meilleurs porte-parole.  Ça crée une ambiance du tonnerre. Certains artistes n’ont jamais le temps de se voir à cause de leurs horaires, mais au FME, ils peuvent fraterniser et même jouer ensemble. »

Pour ce dixième anniversaire qui va surpasser la barre des 20, 000 festivaliers pour la première fois de son histoire, le FME a compte parmi ses têtes d’affiches Bernard Adamus qui viendra présenter des chansons de son nouvel album (No 2) attendu dans un mois, tout comme Catherine Durand, qui lance le sien (Les murs blancs du nord) la semaine prochaine, et Peter Peter (Une version améliorée de la tendresse), qui l’a fait ces derniers jours. Louis-Jean Cormier profitera aussi du FME pour interpréter des chansons à venir de son disque solo attendu à l’automne.

Et il y a d’autres gros canons au FME comme Feist, Lisa Leblanc, Radio Radio, Dumas, Plants and Animals, Marie-Pierre Arthur, Godspeed You! Black Emperor, Isabeau et les chercheurs d’or, Avec pas d’casque, les Sœurs Boulay, Fanny Bloom et les Charbonniers de l’enfer. Et le vétéran célébré cette année est Jean-Pierre Ferland.  Rien pour s’ennuyer lors du long week-end férié.

– Et Arianne? Elle a jouée à cette deuxième édition, finalement?

« Elle voulait absolument venir, mais la programmation était presque complétée. On a quand même dit oui et elle est venue jouer dans un sous-sol. Les billets se vendaient  5 $… »

Pérennité assurée. En effet.