Il n’y avait pas moyen d’échapper à cette voix au tournant des années 1970 et 1980 dans la grande région de Montréal, même si vous n’étiez pas un amateur de musique disco. La voix de Donna Summer, la reine du genre, disparue jeudi des suites du cancer à l’âge de 63 ans, était partout. Absolument partout… Sur toutes les ondes des radios destinées au jeune public de la bande FM, comme le soulignait sa chanson On the Radio, sauf celles de CHOM.
Par Philippe Rezzonico
Évidemment, son ascension s’était amorcée quelque temps plus tôt avec la parution de Love To Love You Baby à la fin de l’année 1975, l’un des tubes les plus cochons de l’histoire de la musique. Une chanson qui aura eu droit à une version remixée de plus d’un quart d’heure – l’une des premières ayant droit à ce privilège dans le genre disco – où Summer simule des tas d’orgasmes.
L’Àméricaine née à Boston en 1948 sous le nom de LaDonna Adrian Gaines prendra d’assaut les planchers de danse de la planète en 1976 avec cette bombe et autres Could It Be Magic. Elle va consolider sa jeune légende en 1977 avec I Feel Love dont la pulsion hypnotique et répétitive faisait autant vibrer les amateurs de l’idiome que hurler de rage ses détracteurs. Dieu que j’ai détesté cette chanson produite par Giorgio Moroder à l’adolescence !
De la voix
Sauf que Donna – fallait admettre – savait chanter. Elle n’avait pas une voix de mezzo-soprano pour rien. Avec sa couronne de reine du disco bien installée sur sa tête, elle décida de le démontrer. Quand MacArthur Park arrive sur les ondes en 1978, je tombe en bas de ma chaise.
Sa relecture métamorphosée de la ballade de Jimmy Webb popularisée par Richard Harris est délectable et lui permet de rallier des amateurs de musique qui ne sont pas nécessairement des clubbers.
Donna Summer ne s’arrêtera pas sur sa lancée. Avant la fin de l’année, le film peu mémorable que fut Thank God it’s Friday – n’est pas Saturday Night Fever qui veut – lui permet d’interpréter son nouveau succès, Last Dance, qui sera salué d’un premier trophée Grammy. Le compositeur, un certain Paul Jabara, obtiendra de son côté un Oscar pour cette chanson.
Soul et pop
Mais pour les ados dans mon genre qui découvrent des tas de genres musicaux, Summer est désormais plus qu’une chanteuse disco. On repère la soul et la pop dans ces nouveaux tubes à venir, tous archi-mélodiques : Heaven Knows, avec le groupe Brooklyn Dreams ; le doublé coup de poing formé de Hot Stuff et Bad Girls, de l’album du même nom; ainsi que et le duo avec Barbra Streisand (No More Tears (Enough is Enough) ).
Tout ce que Summer touche se transforme en or. Sur une période d’un an, Last Dance, Bad Girls, Hot Stuff et No More Tears – parus sur trois albums différents -, vont tous atteindre le sommet des palmarès et inonder les ondes radiophoniques.
Le reste de l’histoire est digne des musicographies. Au début des années 1980, Summer quitte Casablanca Records pour Geffen. Elle n’obtiendra jamais autant de succès dans les années à venir, à l’exception de She Work Hard For the Money, devenu un hymne à la travailleuse féminine. Un peu comme si son héritage était exclusivement lié aux années 1970.
C’est probablement le cas, même si on a vu deux nouvelles générations de filles danser sur Last Dance, Bad Girls et Hot Stuff dans les 30 dernières années et une troisième découvrir ces chansons-là par le biais du karaoké.
C’est quand même merveilleux la musique… Même quand une icône disparaît, la dernière danse n’a jamais de fin.