Le saxophoniste Rudresh Mahanthappa est au Gesù, vendredi soir, pour y défendre Gamak, un excellent album sorti en 2013. Attention, la mer sera houleuse. Gare aux secousses!
Par François Vézina
Les premières mesures de Waiting Is Forbatting sont annonciatrices des tempêtes à venir. Notes rageuses presque tapageuses et figures rythmiques énergisantes se liguent pour doper l’ambiance d’une forte tension.
La musique de Mahanthappa – qui est né en Italie de parents indo-américains et qui a grandi au Colorado – échappe à tout effort de catégorisation. Sachant laisser une grande place à l’improvisation, le compositeur combine, sans véritable esprit de calcul, diverses influences: thèmes orientaux aux accents progressifs mâtinés d’un puissant funk rageur à la Steve Coleman.
Un cocktail costaud, rébarbatif aux estomacs sensibles.
Mais le musicien et ses compagnons savent brouiller les pistes en jouant avec les tempos, les dosages sonores pour établir des climats variés, énergiques mais souvent inattendus.
Mahanthappa semble vouloir charmer ces mélodies venues d’ailleurs (Abhogi, Are There Clouds in India ?) en les enveloppant d’une certaine tendresse. Mais c’est un piège pour mieux les dynamiter. Maître improvisateur, comme le démontre We’ll Make More, il défile les notes à la mitraille: enchaînements rapides, intervalles courtes, lignes mélodiques brisées. L’homme refuse d’obéir aux canons de la beauté.
Rudresh Mahanthappa. Photo courtoisie FIJM/Jimmy Katz
L’unité entre le saxophoniste et ses musiciens est grande. Ils ont de l’énergie, ces messieurs. Chacun occupe une grande place dans les débats, jouant son rôle à merveille.
David Fiuczynski – qui sera remplacé par Rez Abbasi au FIJM (*) – est le grand complice de Mahanthappa. Il ponctue, complète, assaisonne le discours du leader. Ses interventions libres de clichés sont toujours pertinentes qu’il joue en contrepoint, à l’unisson ou en solo.
Dan Weiss est la dynamo du groupe. Refusant le rôle de métronome, évitant le cha-ba-da ou le pan-pan-pan, il lance moult figures rythmiques pour relancer et galvaniser ses collègues.
François Moutin est maître des fondations. L’ensemble du discours repose sur ses épaules, heureusement solides. Ses lignes de basse sont lourdes, présentes et rassurantes: un phare dans le brouillard.
Ballad For Troubles Times, une jolie exploration presque méditative du saxophoniste bien balisée par ses trois compères – annonce une arrivée sereine au port avant que ne gronde – en signe de défi – l’ultime coup de tonnerre de Majesty of the Blues.
Il n’y aura pas de repos pour les voyageurs.
P.S. Le chroniqueur se demande bien quelle mouche l’a piqué lorsqu’il a ignoré ce disque de sa liste des albums de 2013.
* On a envie de dire dommage mais laissons la chance au guitariste.
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L’Album du jour : Rudresh Mahanthappa; Gamak
Étiquette: Act
Enregistrement: 2 et 3 avril 2012
Durée: 57:59
Musiciens: Rudresh Mahanthappa (saxophone alto), David Fiuczynski (guitare), François Moutin (contrebasse), Dan Weiss (batterie).
FIJM: Rudresh Mahanthappa sera au Gèsu le vendredi 27 juin, à 22h30.