FIJM 2015: Trio Marc Cary, bon coeur, ratés techniques

Marc Cary. Photo Becca Meek

Ce n’est jamais un bon signe de voir un musicien grimacer, comme si son instrument le martelait de coups, sur une scène.

Par François Vézina

Dès Beehive, la deuxième pièce présentée par le trio Marc Cary, il était évident que quelque chose clochait sur la scène de l’Astral. Déjà, lors de la pièce précédente, l’auditeur était resté sur sa faim.

Malgré l’aide énergique du bassiste Rashaan Carter et de l’étonnant percussionniste Sameer Gupta, le pianiste peinait à trouver son inspiration.

Et soudain, sans faire un éclat (on imagine Keith Jarrett dans une situation similaire), le voilà qui se lève et se dirige vers les coulisses pour discuter avec des techniciens.

Son piano électrique l’avait trahi. Putain de technique!

Cary reprend sa place. Les doigts bougent sur le clavier, poussés par Carter et Gupta, qui eux, n’ont pas cessé de jouer. Le morceau finira en eau de boudin lorsqu’un technicien viendra constater le problème.

Déjà, Cary, venu défendre son dernier né Rhodes Again vol. 2, avait brisé deux touches de son clavier. Et quelque chose ne fonctionnait pas à son goût.

«Mais nous devons contourner (ce problème)», lança-t-il, bon prince, aux spectateurs.

Heureusement, un piano électrique est plus facile à remplacer qu’un piano à queue. Et à l’entracte, les techniciens installèrent un nouvel instrument, tentant même des tests de son malgré la musique carnavalesque sortant des haut-parleurs de la salle.

Et on ne s’était pas toujours ennuyé pendant cette première partie: le trio a notamment joué une version réussie de Essaouira Walks dont le leitmotiv de sept notes garda son caractère envoûtant. Et poussé par une section rythmique en grande forme, Cary n’échappa pas Little Church, son salut au musicien brésilien Hermeto Pascoal (*)

A la reprise, dès Below the Equator, malgré quelques sons parasitaires, le nouveau piano sembla avoir passé l’épreuve: Marc Cary se fit mieux entendre. Quelques morceaux plus tard, il dansa même de satisfaction.

Le pianiste parut nettement plus inspiré, particulièrement durant sa version de Throw it Away, la magnifique chanson de la grande Abbey Lincoln, et la pièce suivante. Son jeu est libre de vaine nostalgie, ce qui n’est pas évident tant le son du Fender Rhodes est lié aux années 1970. La section rythmique, résolument contemporaine, y est bien sûr pour quelque chose. L’osmose se crée entre les musiciens, si bien qu’on entend le son d’un groupe et non d’un seul soliste.

Malgré la fatigue – la veille, il participait, comme à tous les jeudis, aux Harlem Sessions dans une salle new-yorkaise jusqu’aux petites heures du matin -, Cary aura eu le grand mérite de ne pas se laisser abattre par les ennuis techniques. Ces derniers n’ont pas tout gâché la première partie et le pianiste a pu ensuite prendre sa revanche pour partir sous les ovations du public.

(*) Cary est aussi un bon animateur. Il raconte notamment une anecdote s’étant déroulée pendant un de ses voyages en Europe. Un jour, l’impresario d’Hermeto Pascoal lui téléphona pour lui demander si le musicien brésilien pouvait venir jouer du clavier dans sa chambre…C’est comme si Steve Coleman ou le fantôme de Charlie Parker venait frapper à ma porte pour s’exercer chez moi avec mon saxophone. J’adore.