En entrant dans la salle de la rue Sainte-Catherine sur le coup de 21 heures, le niveau d’humidité à l’intérieur m’a semblé aussi élevé que celui à l’extérieur, ce qui n’était pas peu dire. Et au nombre de spectateurs présents sur place, il fallait jouer du coude pour tenter de se frayer un chemin. Il n’y a pas de doute, Jain nous a fait revivre jeudi soir le bon vieux temps du Saunapolis.
Par Philippe Rezzonico
Le Saunapolis, c’était évidemment le surnom donné par les journalistes et les habitués du Métropolis il y a dix ou 15 ans, dès que le système de ventilation se portait pâle. Ce qui se produisait presque immanquablement dès qu’un spectacle affichait complet et qu’il était présenté en période estivale.
En dépit des rénovations apportées ces dernières années, rien ne pouvait freiner le mercure à la hausse et le degré d’humidité hier soir dans le MTelus. Une femme a d’ailleurs eu un coup de chaleur au moment où j’arrivais dans l’enceinte. Les secours sont arrivés en moins de dix secondes pour l’aider à quitter la salle de concert.
Si les conditions étaient plutôt inconfortables, l’ardeur de Jain et de ses milliers de fans n’a jamais baissé d’un cran. Dès qu’elle est arrivée sur scène avec son ensemble bleu aux épaulettes rouges, une frénésie s’est emparée des spectateurs.
Dès les premières notes de On My Way, l’une des nouvelles chansons de l’album Souldier à paraître le 24 août, Jain est apparue en contre-jour devant les bandes blanches qui brillaient derrière elle. Première bonne impression pour cette chanson qui annonçait le début du spectacle au sens propre, mais également un nouveau cycle créatif pour la Française.
L’enchaînement de Head’s Up et de Hope, deux anciennes chansons, a transformé le MTelus en fourmilière humaine sous le balayage des projecteurs multicolores. Durant la seconde chanson, Jain a crié : « Préparez-vous à jumper! Jump! Jump! » Et tout le monde a sauté comme si sa vie en dépendait.
Globalement, Jain a inséré six nouvelles chansons à ses titres de ses deux premiers disques. Star, qui se veut une interrogation sur la célébrité, a fait un tabac. Avant d’interpréter Alright, le premier extrait paru en mai, Jain a demandé aux spectateurs s’ils connaissaient la chanson. La clameur a failli emporter la chanteuse.
Avec son bidule de télécommande futuriste arrimé à son avant-bras gauche, Jain n’est plus obligée de demeurer statique derrière sa boîte à musique. Non seulement elle a gagné une liberté de mouvement indiscutable, mais en dansant comme elle le fait, elle dynamise d’autant la foule. Cela lui permet aussi de transformer Alright en chanson à répondre avec le public.
Il n’y a que durant Come, l’un de ses plus grands succès, que l’artiste est demeurée immobile, vu qu’elle a interprétée la chanson à la guitare. Sinon, la jeune femme a été une véritable boule d’énergie qui a alterné avec aisance ses tubes et ses nouveaux titres.
Globalement, le nouveau matériel (Flash (Pointe-Noire), Oh Man, Inspecta) semble afficher des influences plus marquées envers l’Afrique et l’Orient, voire, des influences hip-hop, mais sans se départir de l’élément essentiel au succès de l’entreprise: des rythmiques dansantes.
Il n’est toutefois pas évident de porter un jugement précis dans un contexte de concert quand on hurle dans vos oreilles à la puissance dix. On verra – entendra? – mieux lors de la parution de l’album studio dans quelques semaines.
Il serait aisé de dire que Jain est tout simplement la vedette d’une nouvelle génération, mais cela serait réducteur. La jeune femme de 26 ans comptait des centaines d’admirateurs dans la vingtaine dans la salle, mais au moins autant dans la trentaine. Et il y avait un bon nombre d’amateurs dans la jeune quarantaine, hommes ou femmes, à parts à peu près égales.
Jain séduit un public bien plus large que celui auquel sa musique semblait se destiner au préalable. Si les textes ne révolutionnent pas la pop, ils ont le mérite d’être efficaces. Leur petit côté rassembleur, leur propos universel, ainsi que la détermination de l’artiste féminine touchent des cordes sensibles chez plus d’une génération et plus d’un continent.
Quand Jain a bouclé sa prestation avec Makeba, il n’y avait plus que des corps en folie qui dansaient éperdument dans le Saunapolis qui était graduellement passé d’étuve à fournaise. Même le jumpsuit de la chanteuse avait changé de couleur, ici et là.
Attendons-nous au même défoulement collectif vendredi soir, pour le deuxième concert. Et pas mal partout où Jain va se produire au cours des prochains mois…